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  • Grand écran: "Simple comme Sylvain" évoque l'impossibilité d'une passion durable, sur fond de lutte des classes

    Monia Chokri s’était révélée actrice au grand public en 2010 dans Les amours imaginaires de Xavier Dolan. Puis, en 2019, on l’avait découverte réalisatrice à Cannes avec La femme de mon frère, opus plutôt corrosif autour d’un personnage féminin dépressif, qui avait décroché le prix Coup de coeur à Un Certain Regard.

    En mai dernier on retrouvait la Québécoise dans cette même section, où elle présentait Simple comme Sylvain. Jouant avec les codes de la romance pour mieux  en déconstruire les clichés, elle explore le désir féminin, le couple, la compatibilité et son contraire, en racontant une rencontre explosive. Celle de Sophia (Magalie Lépine-Blondeau), prof de philo à Montréal vivant avec son ami intello Xavier depuis dix ans, et le beau charpentier Sylvain (Pierre-Yves Cardina)l, qui doit rénover leur maison de campagne.

    Des ébats torrides

    C’est le coup de foudre auquel ils cèdent aussitôt. Insatiables les deux amants se livrent à des ébats torrides. Répondant à l’appétit d’ogre de Sylvain, Sophia se laisse follement aller à ses envies sexuelles entre deux cours sur Platon ou Spinoza à l’université du troisième âge et des discussions philosophico-gaucho-bobos sur les grands thèmes sociaux en compagnie de gens de son monde.  

    Ce qui laisse sur le côté le brave Sylvain. Car s’il fait grimper Sophia aux rideaux, il a du mal, face à cet étalement de science, à régater avec son manque de connaissances, ses manières de bûcheron et son vocabulaire fruste. Alors forcément, la relation entre les tourtereaux ne tarde pas à en pâtir. 

    Préjugés inévitables

    Monia Chokri évoque l’impossibilité d’une passion durable, ce qui n'est pas nouveau en soi, mais qui se complique lorsqu’elle concerne deux êtres issus de milieux opposés. Sa réflexion se greffe ainsi sur une forme de lutte des classes et les préjugés inévitables des uns envers les autres. 

    Comme le dit l’auteure en se mettant dans le même sac, c’est bien joli de se revendiquer de gauche, de manifester un esprit ouvert, de militer pour l’environnement et l’immigration, mais dans le fond, est-on vraiment capable d’en parler avec quelqu’un de différent?

    Joyeux, sensuel, charnel, sexy, érotique, mélancolique, plein d’amour, d’humour, de dialogues savoureux et de situations piquantes, Simple comme Sylvain est une belle réussite, portée en plus par ses deux excellents comédiens, Magalie Lépine-Blondeau (la meilleure amie de Monia Chokri) et Pierre-Yves Cardinal.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 novembre. 

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  • Grand écran: "L'Arche de Noé" pour soigner les blessures de l'homophobie. Avec Valérie Lemercier et Finnegan Oldfield

    «Je ne vis plus chez moi. Mes parents m’ont dit que puisque j’étais comme ça, je ne pouvais plus vivre avec eux... Je ne peux t’accepter, m’a dit ma mère, tu n’es pas mon fils... J’ai senti que j’étais en danger avec leurs menaces de mort. J’ai dû m’échapper ... J’en suis venue à mépriser cette part de moi-même parce que je ne rentrais pas dans les cases... »

    Ces confidences bouleversantes ouvrent L’Arche de  Noé, le premier long métrage de Bryan Marciano. Le sujet s’est imposé à lui après le visionnement d’un reportage sur de jeunes LGBTIQA+ mis à la rue par leurs familles. Il a alors voulu les rencontrer, eux et les gens qui les recueillent et a trouvé formidables les lieux l’endroit où ils pouvaient soigner leurs blessures 

    Une course contre la montre

    Inspiré d’histoires vraies, le réalisateur nous emmène au sein d’une association, L’Arche de Noé.  Les résidents, gays, lesbiennes, trans, intersexes ont six mois, une course contre la montre, pour trouver un travail, un logement et surtout, s’accepter.

    Le refuge est dirigé par Noëlle (Valérie Lermercier, comme on ne l'a jamais vue), aidée dans sa difficile mission de sauvetage par Alex (Finnegan Oldfield). Ils ont également leurs failles, leurs fêlures. Très protectrice mais assez sèche, peu démonstrative, Noëlle n’aime pas les bisous et les câlins. Pour se protéger, elle est toujours dans l’action. Quant à Alex, forcé de purger dans ce lieu un mois de travaux d’intérêt général suite à un délit mineur, il n’a, au départ du moins, pas envie d’être là...

    Porté par ses deux excellents personnages principaux, ce film émouvant, riche, concret, plein d’humanité, met en lumière une quinzaine d’autres protagonistes aux profils différents, mais qui vivent tous le même rejet. Ils sont avides d’exister, de s’affirmer, de trouver leur place dans la société. Dans l’excès parfois, ils l’expriment avec rage. Souvent avec humour.

    La force de l’œuvre est en effet de mêler la comédie, la drôlerie de l’existence, au drame de ces vies brisées qui tentent de se réparer. On est par ailleurs séduit par la pudeur, l’absence de pathos. Bryan Marciano ne cherche pas nous faire pleurer. Ses héros, ses héroïnes sont dans la survie, mais ne se plaignent pas. Comme dit l’auteur, il s’agit d’avancer, de faire des choses et d’en rire. C’est parfois dur, violent, mais ce n’est pas triste. 

    Nous avons eu l’occasion de le rencontrer en compagnie de ses deux têtes d'affiche, lors de leur récent passage à Genève. Ils ont évoqué les raisons de leur engagement dans ce projet.

    Bryan Marciano:  "C’était pour moi une manière d’aider les autres, de leur tendre la main. Ces personnes, leurs histoires, leurs conditions de vie me touchaient énormément.  Pour eux c’est la double peine de l’exclusion et la détestation de soi. Comment se reconstruire lorsqu’on est rejeté à ce point? Sans jamais une larme. Alors, les drames, les rires, le besoin de s’éclater, j’ai essayé de tout faire coexister."

    Pensez-vous qu’un tel film peut contribuer à changer les choses?

    Je me vois comme un DJ lorsque soudain quelqu’un se met à danser.  C’est gagné, les autres vont suivre. De même, un père, une mère qui voit ce film et se rend compte qu’il, elle, est passé-e à côté de son enfant, ce serait déjà énorme. Certes, en creux, je condamne. Mais en réalité, je souhaite davantage me réjouir que juger. Je trouve plus intéressant d’aller de l’avant, de faire les choses et d’en rire. .Surtout avec des comédiens imprévisibles, charismatiques, pudiques, énergiques, qui apportent ce qui leur appartient". 

    Finnegan Oldfield: "C’était une expérience humaine de dingue. Serais-je légitime?, me demandais-je. J’arrive tel un gros paumé cisgenre qui n’a pas envie d’être là. Et puis je tombe sur une troupe des gens formidables qui connaissent bien leur texte. Je vais vivre des instants qui font écho à ma propre existence, découvrir ma voie et donner beaucoup de moi-même, comme dit Bryan. J’ai adoré le tournage, je me suis fait des amis. Le film me bouleverse et le rôle m’a marqué. C’est celui dont je suis le plus fier". 

    Valérie Lemercier: "Je sortais d’Aline (son rôle préféré) et j’avais quelques scénarios à lire. Celui-ci m’a fait rire.  Il y avait dans le personnage de Noëlle des petits trucs qui me plaisaient. Et encore plus quand j’ai rencontré Bryan. Cette idée d’être dans l’action, d’avancer, de s’occuper de gens qui vont mal, de manger debout, de ne pas avoir le temps d’aller fumer sa clope, un vrai bonheur. Cela me convenait d’autant que je déteste ne rien faire".  

    Un rôle à contre-emploi, cette mère poule peu démonstrative?  

    C’est vrai qu’on n’a pas l’habitude de me voir comme ça. On m’a plutôt cataloguée dans le genre grande bourgeoise. A tort. Je suis une fille d’agriculteurs, pas l’aristo de mes premiers films.

    Dans le fond vous aimez surprendre

    En effet. Ne pas être là où on m’attend. Je refuse d’être géolocalisée.  J’essaye de comprendre ce que le réalisateur a rêvé, de me montrer sincère. Je ne suis pas obligée d’être drôle. Cela m’a changée de me retrouver avec ces jeunes qui souffrent. Je suis de leur côté. Je voulais être avec eux, partager avec eux.

    Toujours très active, Valérie Lemercier est en train d’écrire une comédie où elle tient le rôle principal aux côtés de deux partenaires amies. "J’évoque des thèmes actuels, notamment le féminisme. Mais je ne vous en dirai pas davantage".

    "L’Arche de Noé", à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 novembre.

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  • Grand écran: dans "Napoléon", Ridley Scott s'emploie laborieusement à déconstruire le mythe. Avec un Joaquin Phoenix trop vieux pour le rôle

    Hautaine, Marie-Antoinette marche lentement vers l’échafaud, toisant une foule enragée, au son de la chanson Ah, ça ira!, version Edith Piaf de 1953. Ainsi commence le Napoléon de Ridley Scot, qui,  sur un scénario de David Scarpa,. revisite à son tour la légende pendant quelque 2h40, depuis la décapitation de la reine en 1793 jusqu’à la mort du héros en 1821 à Sainte-Hélène

    Et le moins qu’on puisse dire, c’est que son Napoléon, figure planétaire qui a inspiré plus de 1000 fictions ou documentaires au cinéma et à la télévision, fait causer. Malheureusement, on ne peut prétendre que le 28e film du réalisateur britannique soit à la hauteur des emballements positifs ou négatifs (plus fréquents) des critiques. Sans oublier les discussions enflammées entre historiens, dont certains s’étranglent face à la perfidie du représentant d’Albion. 

    PEn effet, Ridley Scott, qui avait enthousiasmé il y a trois ans avec Le dernier duel, peine cette fois-ci à convaincre avec sa vision burlesque  du petit caporal  devenu empereur. Sur fond de tragédie comique et de romance, l’auteur brosse le portrait caricatural, peu glorieux, d’un individu au costume trop imposant pour lui, curieusement niais, balourd et plaintif. .
     
    Pas grand-chose à raconter

    Il se plaît à ridiculiser rapidement cet homme dans la peau duquel s’est glissé Joaquin Phoenix. Et les choses commencent mal quand apparaît l’acteur, avec ses vingt-cinq ans de trop  pour incarner le jeune et fougueux capitaine, vainqueur du siège de Toulon, qui marque le début de son irrésistible ascension.  Mais comme il ne change pas de tête du début à la fin, Phoenix finit en quelque sorte par rattraper le temps et trouver un semblant d’adéquation et de crédibilité. 

    Par ailleurs, alors qu’il le suit pendant 28 ans, le cinéaste ne nous raconte pas grand-chose de son célébrissime protagoniste, entre deux lettres d’un sentimentalisme dégoulinant à son grand amour Joséphine de Beauharnais., incarnée par Vanessa Kirby, surprenante elle aussi au début,  avec son look à la Jane Birkin. Elle le trompe copieusement, menant par le bout du nez cet amoureux transi, tourmenté, déchiré, éjaculateur précoce ou quéquette en berne. Dominé par ailleurs par sa mère dont il a du mal à quitter les jupes. .

    Des erreurs grossières et des batailles spectaculaires

    Le film pèche pour d’autres raisons. On aurait pu attendre de Ridley Scott qu’il s’entoure de spécialistes, pour mieux ancrer sa prétendue fresque. Mais les erreurs se multiplient au fil de l’histoire.. Par exemple, Napoléon n’a pas assisté à l’exécution de Marie-Antoinette et n’a (heureusement) pas bombardé les pyramides.

    Restent les batailles, où Ridley Scott s’épanouit enfin. Outre le siège de Toulon, il propose des reconstitutions brillantes et spectaculaires de la victoire d’Austerlitz, chef d’d’œuvre tactique du général avec les soldats russes piégés dans des étangs gelés. Ou l’ultime débâcle de Waterloo, face à des Anglais particulièrement  bien organisés avec leurs formations en carres. 

    Aspects important sciemment occultés

    Dommage pourtant que le réalisateur en abuse. Et finisse par nous lasser, avec trop de combats certes épiques et visuellement saisissants, mais pas assez d’histoire. Les aspects politiques, culturels sont sciemment occultés. Code civil, Banque de France, lycées, baccalauréat, université, rien n’est dit des créations et réformes de Napoléon suite à son arrivée au pouvoir en 1799. 

    Seules comptent pour Scott la guerre, les conquêtes et la relation  addictive qu’il entretient avec Joséphine, notamment  illustrée par deux grotesques scènes de sexe. Finalement on assiste à une déconstruction de mythe, péché mignon de l’auteur, assez vaine et ennuyeuse.  

    A l’affiche dans salles  de Suisse romande depuis mercredi 22 novembre.

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