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Grand écran: "L'Arche de Noé" pour soigner les blessures de l'homophobie. Avec Valérie Lemercier et Finnegan Oldfield

«Je ne vis plus chez moi. Mes parents m’ont dit que puisque j’étais comme ça, je ne pouvais plus vivre avec eux... Je ne peux t’accepter, m’a dit ma mère, tu n’es pas mon fils... J’ai senti que j’étais en danger avec leurs menaces de mort. J’ai dû m’échapper ... J’en suis venue à mépriser cette part de moi-même parce que je ne rentrais pas dans les cases... »

Ces confidences bouleversantes ouvrent L’Arche de  Noé, le premier long métrage de Bryan Marciano. Le sujet s’est imposé à lui après le visionnement d’un reportage sur de jeunes LGBTIQA+ mis à la rue par leurs familles. Il a alors voulu les rencontrer, eux et les gens qui les recueillent et a trouvé formidables les lieux l’endroit où ils pouvaient soigner leurs blessures 

Une course contre la montre

Inspiré d’histoires vraies, le réalisateur nous emmène au sein d’une association, L’Arche de Noé.  Les résidents, gays, lesbiennes, trans, intersexes ont six mois, une course contre la montre, pour trouver un travail, un logement et surtout, s’accepter.

Le refuge est dirigé par Noëlle (Valérie Lermercier, comme on ne l'a jamais vue), aidée dans sa difficile mission de sauvetage par Alex (Finnegan Oldfield). Ils ont également leurs failles, leurs fêlures. Très protectrice mais assez sèche, peu démonstrative, Noëlle n’aime pas les bisous et les câlins. Pour se protéger, elle est toujours dans l’action. Quant à Alex, forcé de purger dans ce lieu un mois de travaux d’intérêt général suite à un délit mineur, il n’a, au départ du moins, pas envie d’être là...

Porté par ses deux excellents personnages principaux, ce film émouvant, riche, concret, plein d’humanité, met en lumière une quinzaine d’autres protagonistes aux profils différents, mais qui vivent tous le même rejet. Ils sont avides d’exister, de s’affirmer, de trouver leur place dans la société. Dans l’excès parfois, ils l’expriment avec rage. Souvent avec humour.

La force de l’œuvre est en effet de mêler la comédie, la drôlerie de l’existence, au drame de ces vies brisées qui tentent de se réparer. On est par ailleurs séduit par la pudeur, l’absence de pathos. Bryan Marciano ne cherche pas nous faire pleurer. Ses héros, ses héroïnes sont dans la survie, mais ne se plaignent pas. Comme dit l’auteur, il s’agit d’avancer, de faire des choses et d’en rire. C’est parfois dur, violent, mais ce n’est pas triste. 

Nous avons eu l’occasion de le rencontrer en compagnie de ses deux têtes d'affiche, lors de leur récent passage à Genève. Ils ont évoqué les raisons de leur engagement dans ce projet.

Bryan Marciano:  "C’était pour moi une manière d’aider les autres, de leur tendre la main. Ces personnes, leurs histoires, leurs conditions de vie me touchaient énormément.  Pour eux c’est la double peine de l’exclusion et la détestation de soi. Comment se reconstruire lorsqu’on est rejeté à ce point? Sans jamais une larme. Alors, les drames, les rires, le besoin de s’éclater, j’ai essayé de tout faire coexister."

Pensez-vous qu’un tel film peut contribuer à changer les choses?

Je me vois comme un DJ lorsque soudain quelqu’un se met à danser.  C’est gagné, les autres vont suivre. De même, un père, une mère qui voit ce film et se rend compte qu’il, elle, est passé-e à côté de son enfant, ce serait déjà énorme. Certes, en creux, je condamne. Mais en réalité, je souhaite davantage me réjouir que juger. Je trouve plus intéressant d’aller de l’avant, de faire les choses et d’en rire. .Surtout avec des comédiens imprévisibles, charismatiques, pudiques, énergiques, qui apportent ce qui leur appartient". 

Finnegan Oldfield: "C’était une expérience humaine de dingue. Serais-je légitime?, me demandais-je. J’arrive tel un gros paumé cisgenre qui n’a pas envie d’être là. Et puis je tombe sur une troupe des gens formidables qui connaissent bien leur texte. Je vais vivre des instants qui font écho à ma propre existence, découvrir ma voie et donner beaucoup de moi-même, comme dit Bryan. J’ai adoré le tournage, je me suis fait des amis. Le film me bouleverse et le rôle m’a marqué. C’est celui dont je suis le plus fier". 

Valérie Lemercier: "Je sortais d’Aline (son rôle préféré) et j’avais quelques scénarios à lire. Celui-ci m’a fait rire.  Il y avait dans le personnage de Noëlle des petits trucs qui me plaisaient. Et encore plus quand j’ai rencontré Bryan. Cette idée d’être dans l’action, d’avancer, de s’occuper de gens qui vont mal, de manger debout, de ne pas avoir le temps d’aller fumer sa clope, un vrai bonheur. Cela me convenait d’autant que je déteste ne rien faire".  

Un rôle à contre-emploi, cette mère poule peu démonstrative?  

C’est vrai qu’on n’a pas l’habitude de me voir comme ça. On m’a plutôt cataloguée dans le genre grande bourgeoise. A tort. Je suis une fille d’agriculteurs, pas l’aristo de mes premiers films.

Dans le fond vous aimez surprendre

En effet. Ne pas être là où on m’attend. Je refuse d’être géolocalisée.  J’essaye de comprendre ce que le réalisateur a rêvé, de me montrer sincère. Je ne suis pas obligée d’être drôle. Cela m’a changée de me retrouver avec ces jeunes qui souffrent. Je suis de leur côté. Je voulais être avec eux, partager avec eux.

Toujours très active, Valérie Lemercier est en train d’écrire une comédie où elle tient le rôle principal aux côtés de deux partenaires amies. "J’évoque des thèmes actuels, notamment le féminisme. Mais je ne vous en dirai pas davantage".

"L’Arche de Noé", à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 novembre.

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