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le blog d'Edmée - Page 208

  • Grand écran: "Sauvage", descente aux enfers d'un prostitué gay. Avec un remarquable Félix Maritaud

    Sauvage-un-film-choc-sur-la-prostitution-masculine.jpgVisite d’un jeune homme chez un médecin. Petites questions classiques, prise de tension, palpage des ganglions, du ventre… Mais l’auscultation dérape, le toubib se mettant à masturber son patient, avant de lui donner un prochain rendez-vous. Car le patient est un prostitué gay, Léo, héros de Sauvage, premier long métrage coup de poing du Français Camille Vidal-Naquet.

    Remarquable, il révèle aussi un extraordinaire acteur, Félix Maritaud. Désormais égérie du cinéma queer français, on l’a déja aperçu dans 120 battements par minute de Robin Campillo et Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez. Etre absolu, solitaire, insaisissable, indomptable, Félix alias Léo (ou l’inverse, tant les deux ne font qu’un «je me suis vidé pour être rempli par le personnage», remarque le comédien), erre dangereusement de rencontre en rencontre.

    Léo drague au bois de Boulogne. Mais le vsexe est juste um boulot qui lui permet de quoi subsister plus ou moins. Marginal, sans règle ni code, il est tiraillé entre son état assumé, son désir de liberté et surtout une inépuisable force d’aimer, un besoin de tendresse qui subsistent quelle que soit la violence du monde qu’il traverse.

    Perpétuelle fuite en avant

    Dans sa quête obsessionnelle où il ne reçoit souvent que des coups en retour, il s’obstine à séduire sans succès Ahd (Eric Bernard, très bon lui aussi), un gay refoulé, limite homophobe, qui pratique le même job que lui. Mais dégoûté, répétant "je ne suis pas pédè, j'embrasse pas", Ahd le repousse. Il espère sortir au plus vite de cette galère en se trouvant un vieux pour l’entretenir.

    Les passes se succèdent pour Léo dans une sorte de descente sacrificielle aux enfers. Son corps martyrisé, plein d’hématomes, se dégrade. Jamais endurci pourtant, il persiste à se vendre sans limite à des clients divers qu’il a envie de prendre dans ses bras ou de se lover contre eux. Dans une perpétuelle fuite en avant, il refuse toute perspective d'une éventuelle stabilité.

    Malgré des scènes sexuelles très crues, d’une brutalité parfois insoutenable (comme celle du plug, où en plus on le frappe et on le jette à la rue sans le payer), il n’y a aucun voyeurisme dans ce récit d’un quotidien sordide.

    Un gros travail de documentation

    Camille Vidal-Naquet s’est livré à un gros travail de documentation sur la prostitution masculine. Il a rencontré et observé des garçons au bois de Boulogne pendant trois ans pour mieux saisir leurs rituels de drague, rendre compte de leur condition précaire, de leur état de santé déplorable.

    Pour autant, il ne s’agit pas d’un documentaire avec analyse sociale à l’appui. Le cinéaste restitue le réel dans une fiction frontale, intense, ardente, magnifiée par l’incroyable performance d’un Félix Maritaud bouleversant et radicalement mis à nu.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 24 octobre.

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  • Grand écran: "Rafiki" défie la censure au Kenya avec la mise en scène colorée et pop d'un amour interdit

    RAFIKI_Presse_03-2.jpgTout semble opposer Kena et Ziki,  lycéennes habitant le même quartier de Nairobi. Gauche, réservée, garçon manqué, la casquette à l'envers, la première veut devenir médecin, fait du skate, du foot, traîne uniquement avec ses potes. Tandis que la seconde est une petite peste girly exubérante aux cheveux multicolores et aux ongles fluo. Rêvant de voyages, aimant la danse, elle invente des chorégraphies avec ses deux meilleures amies.

    Leurs chemins se croisent en pleine campagne électorale locale, au cours de laquelle s’affrontent leurs pères respectifs. Kena et Ziki  font mine de s’ignorer, se défient. Mais irrésistiblement attirées l’une vers l’autre, elles se cherchent, échangent des sourires, des regards pleins de désir et finissent par se donner rendez-vous dans un vieux bus abandonné.

    Mais vivre un tel amour, même en se cachant, est loin d’être simple dans une société kényane conservatrice et rétrograde. Confrontées aux redoutables préjugés homophobes de leurs parents, des voisins, les deux jeunes filles vont être contraintes de choisir entre passion, liberté et sécurité.

    Dans Rafiki, défi à la censure, relecture pop et flashy d’un Roméo et Juliette lesbien, la réalisatrice Wanuri Kahiu raconte la relation amoureuse, sensuelle et sexuelle de ses deux héroïnes avec pudeur, délicatesse et retenue. Mais sans aucune ambiguïté. Tout comme elle livre un constat certes prudent mais néanmoins affligeant sur les graves persécutions dont sont victimes les homosexuels, dénonçant par ailleurs un pouvoir politique exercé de conserve avec les autorités religieuses.

    S’inspirant de Jambula Tree de l’Ougandaise Monica Arac de Nyeko, ce premier long métrage à la fois naïf, optimiste et courageux est aussi le premier film kényan à avoir été sélectionné au dernier Festival de Cannes. D’abord interdit dans son pays, il a été autorisé de diffusion pendant une semaine, suite à la plainte de Wanuri Kahiu, pour lui permettre de concourir aux Oscars. Face au succès remporté, des séances gratuites et secrètes ont été organisées par la communauté LGBT+

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 17 octobre.

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  • Grand écran: "First Man", intimiste conquête de la lune avec un formidable Ryan Gosling

    first-man-le-premier-homme-sur-la-lune-5b89007de875e.jpgLa conquête spatiale. Apollo XI. Une épopée triomphante, des images vues et revues, un thème mille fois traité. Raconter quelque chose de nouveau sur l’un des enjeux les plus célèbres de l’histoire du 20e siècle relevait de l’exploit. Damien Chazelle, qui nous avait bluffé avec Whiplash, enchanté avec La La Land, l'a réalisé avec First Man, odyssée humaine aux accents kubrickiens. 

    Evitant le côté spectaculaire et cliché de la grosse machine hollywoodienne célébrant le mythe planétaire, le réalisateur franco-américain oscarisé a audacieusement choisi l’approche intimiste en se penchant sur le destin hors norme de Neil Armstrong. Adaptant la biographie de James R.Hansen, à laquelle le héros a participé, il se focalise davantage sur l’homme, ses déchirements, ses joies, ses espoirs, ses sacrifices que sur les moments incontournables de cette vertigineuse balade lunaire.

    First-Man-ces-trois-choses-que-l-on-a-aimees-dans-le-film-de-Damien-Chazelle.jpgPilote jugé « un peu distrait » par ses supérieurs en 1961, l’astronaute passionné sera le premier homme à marcher sur la lune le 21 juillet 1969. Durant huit ans, il subit un entraînement de plus en plus difficile et exigeant, assumant les risques d’un voyage vers l’inconnu total. Traumatisé par le décès de la petite fille de trois ans d’un cancer cérébral, il tente d’être un mari aimant mais moins présent qu’il le voudrait auprès d’une femme (Claire Foy, excellente) qui l’avait épousé en espérant une relation moins tumultueuse.

    Neil Armstrong ne nous apparaît ne pas comme un surhomme, mais comme un père de famille taiseux, dont on apprend beaucoup sur la face cachée. Pour la deuxième fois, Chazelle a fait appel à Ryan Gosling. Un choix idéal que ce comédien habitué aux personnages mutiques. Il est parfait en écorché vif, livrant un jeu minimaliste, subtil, intense, laissant apparaître les fêlures d’un papa meurtri, viscéralement hanté par la mort, tout en exprimant la concentration extrême, la passion, le bouillonnement intérieur de l’astronaute.

    Entre dimension existentielle et thriller sous haute tension

    Mais si Chazelle privilégie le drame intime, la dimension existentielle, psychologique, métaphysique, immersive de la fabuleuse aventure, il n’en néglige pas pour autant le côté thriller sous haute tension

    Deux scènes d’un réalisme extraordinaire nous collent plus particulièrement au fauteuil, avec l’impression du ressenti physique des protagonistes: le décollage assourdissant d'Apollo XI dans un déluge de feu et l’alunissage hallucinant du LEM dans la mer de la Tranquillité. On a des papillons dans le ventre en voyant carrément le vrai  Armstrong descendre l’échelle et poser sa «moon boot» sur la poussière grise avant de prononcer le fameux «Un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité». Bref, on y est, comme lors de la retransmission télévisée en direct, ce fameux 21 juillet 1969.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 17 octobre.

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