Grand écran: "Les filles du soleil ", hommage raté aux combattantes kurdes entre complaisance et pathos (20/11/2018)

DpuIUY5V4AAUTaF.jpgAu Kurdistan, un bataillon féminin tente une offensive militaire contre les djihadistes. Violées, brutalisées, vendues comme esclaves, les maris tués sous leurs yeux, leurs enfants enlevés, ces ex-prisonnières dont la vie a basculé, sont devenues des guerrières d’exception après avoir réussi à échapper aux griffes de leurs bourreaux.

Mathilde, une journaliste française jouée par Emmanuelle Bercot les suit, tandis que l’Iranienne Golshifteh Farahani interprète la commandante Bahar, qui se prépare à libérer la ville avec «Les filles du soleil». D’une grande actualité politico-sociale, le sujet est fort. Malheureusement Eva Husson en fait un film naïf, grossier, mal écrit, mal dialogué, pétri de clichés et de bons sentiments.

Une partie du scénario s’attache plus particulièrement au passé récent douloureux de ces deux femmes, surtout celui, traumatique, de Bahar à grands coups de flash-backs démonstratifs, où la réalisatrice fait assaut de complaisance.

L’autre relève du film de guerre traditionnel. Sauf qu’à part entendre les combattantes kurdes chanter en scandant le slogan «la femme, la vie, la liberté» et les voir se livrer à quelques échanges de coups de feu avec les islamistes, on n’en saura pas davantage sur le quotidien tragique de ces femmes courageuses, qui s’élèvent en rempart contre Daech entre la Syrie, l’Irak et la Turquie.

Une tendance consternante au pathos et au tire-larmes

En dépit d’une belle photographie, le film dysfonctionne à tous les étages et ne leur rend pas hommage. Bien au contraire. On cherche vainement le point de vue de la cinéaste, qui privilégie une approche consensuelle avec une tendance consternante à se vautrer dans le pathos et le tire-lames. Sans oublier une musique pompeuse et un happy end aussi laborieux que le monologue féministe de fin.

Restent les comédiennes, qui ne contribuent pas franchement à relever le niveau. Avec son cache-œil noir (à l’image de la journaliste britannique Marie Colvin, tuée à Homs en 2012), Emmanuelle Bercot a l’air d’une pièce rapportée dès son apparition.

Quant à la sublime Golshifteh Farahani, turban très seyant et impeccablement maquillée, elle semble mieux armée pour une exhibition dans une fashion week façon commando, que pour les affrontements sanglants sur le terrain.

Eva Husson faisait partie des trois réalisatrices en lice pour la Palme d’or au dernier festival de Cannes. Elle est repartie on ne peut plus logiquement les mains vides.

A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 novembre

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