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Sorties de la Semaine - Page 70

  • Grand écran: Bruno Dumont flingue la célébrité et la surmédiatisation dans "France". Avec Léa Seydoux bluffante

    Bruno Dumont, change radicalement de registre avec France, satire féroce réussie de la célébrité, où il flingue à la fois joyeusement et gravement une mise en scène télévisuelle obscène d’une actualité misant surtout sur le voyeurisme et le  sensationnalisme.    

    Le cinéaste brosse durement le portrait d’un pays, d’un système médiatique et d’une journaliste iconique de la télévision, France de Meurs (Léa Seydoux). Mariée à un écrivain (Benjamin Biolay), mère épisodique, habillée par les grands couturiers, habitant un appartement dont le luxe le dispute au mauvais goût, elle est au sommet de sa gloire.  

    Au centre de l’attention, se mettant toujours en avant, adulée du grand public, poursuivie par les paparazzi, invitée dans toutes les soirées mondaines, elle est sans cesse poussée dans ses limites par sa délirante, vulgaire et flatteuse assistante (Blanche Gardin). Léa Seydoux se montre bluffante dans le costume de cette superstar cynique de Regard sur le monde, émission phare d’une chaîne d’info en continu, qui donne dans le journalisme d’une rare indécence. 

    Orchestratrice d'événements dont elle est la vedette

    On voit France de Meurs jubiler à l’idée de déstabiliser Macron (un montage jouissif sur des images du chef de l’Etat), danser parmi les bombes, diriger des rebelles sur le terrain des conflits comme au théâtre pour que ça passe mieux à l’écran, ou embarquer faussement sur un bateau de migrants fuyant les guerres dont elle évoque le tragique destin, les larmes aux yeux. Jusqu’au jour où elle renverse Baptiste, un cycliste issu d’un milieu pauvre, ce qui lui ouvre impitoyablement les yeux sur la vanité de son existence...

    Bruno Dumont grossit à plaisir le trait faisant à dessein un spectacle parfois grotesque de sa philippique. Il construit, avec la complicité de Léa Seydoux, un personnage parfait pour le but qu’il s’est fixé. Son héroïne est insupportable, excessive, à la limite de la caricature, responsable et victime d’une structure  dont elle fait partie, avec cette course à l’audimat, au scoop, au buzz, la starification des présentateurs, le culte de la personnalité .

    Tous les deux se heurtent souvent à la mauvaise humeur des critiques hexagonaux et autres, évoquant le plus souvent un ratage du réalisateur dans ce dézingage en forme de farce. En fait, la seule chose qu’on lui reprochera, c’est la présence de Benjamin Biolay, pièce rapportée traînant son spleen dans le rôle mineur et inutile d’un écrivain fantoche. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 25 août.

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  • Grand écran: l'amour n'a pas d'âge dans "Deux", une passion lesbienne secrète

    Nina (Barbara Sukova) et Madeleine (Martine Chevallier) s’aiment depuis longtemps, Aux yeux de tous, ces dames mûres ne sont que de simples voisines de palier, au dernier étage de leur immeuble. Personne ne les connaît vraiment, pas même les enfants de Madeleine. Mais cette dernière, qui a perdu son mari, est hantée par la culpabilité et n’arrive pas à leur avouer son homosexualité. Plus spécialement à sa fille qui vient souvent lui rendre visite.   

    Au quotidien pourtant, les deux femmes vivent ensemble allant et venant clandestinement entre leurs deux appartements. Qu’elles projettent t de vendre pour aller finir leur vie à Rome dans une belle résidence au bord du Tibre quand Madeleine aura fait son coming out, Hélas, après une banale dispute, elle est victime d’un accident vasculaire cérébral qui remet tout en question, Hospitalisée dans le coma, elle en garde des séquelles neurologiques.  

    A partir de là, le ton du récit s’inscrit dans une forme de film policier.  Nina, qui n’est que l’amoureuse cachée et ne peut faire valoir aucun droit, ne sait même pas dans quel établissement Madeleine a été transportée, Elle va alors mener sa petite enquête pour le découvrir, mijote son évasion, puis use de toutes les ruses pour essayer de la voir et de la serrer dans ses bras. 

    Un essai transformé avec talent

    Avec Deux, son premier long métrage, le jeune Italien Filippo Menneghetti, très inspiré, transforme immédiatement l’essai. Talentueux, il évoque avec délicatesse, finesse, pudeur et tendresse l’amour inconditionnel, vital, que se vouent deux femmes âgées, la difficulté de le vivre entre une famille conformiste, le handicap, la maladie, la dépendance et le vieillissement. 

    Ses remarquables interprètes ne sont évidemment pas étrangères à la réussite de ce mélodrame à suspense. La grande Allemande Barbara Sukova, qui fut l’une des muses de Rainer Werner Fassbinder, forme avec Martine Chevallier, Sociétaire de la Comédie française depuis 1988, un couple fusionnel d’une rare évidence. Dans le rôle de la fille de Madeleine, Léa Drucker se montre à la hauteur. 

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 18 août. 

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  • Grand écran: "Rouge", un thriller politico-socio-familial engagé à portée écologique. Captivant

    Il nous avait séduit avec  Good Luck Algeria (2016) où, pour sauver leur fabrique de skis, deux amis d’enfance tentent l’improbable: qualifier l’un d’eux, Sam, aux Jeux Olympiques pour l’Algérie, le pays de son père. Après le récit de ce pari fou, une manière aussi pour le héros, de renouer avec ses racines. Farid Bentoumi propose Rouge, un  thriller politico social engagé à portée écologique, sur fond de relation père-fille virant au conflit générationnel.

    Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les deux films ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. Si le ton est différent, on reste dans une histoire de famille chère à l’auteur, dans la  transmission d’un engagement, dans la volonté de se battre. A l’image de Nour (Zita Hanrot), une jeune infirmière qui vient d’être embauchée dans l’usine chimique où travaille Slimane (Sami Bouajila), son père, délégué syndical et cheville ouvrière de l’entreprise depuis des années. 

    Alors que celle-ci est en plein contrôle sanitaire destiné à prouver qu’elle respecte ses engagements environnementaux,  Nour commence sérieusement à se poser des questions en découvrant des dossiers médicaux trafiqués, des accidents non déclarés, tandis qu’une journaliste (Céline Sallette) enquête sur l’épineuse et dangereuse question de la gestion des déchets. Devenant la cible d’attaques violentes émanant de toutes parts.    

    Et pour cause. Les deux femmes ne tardent pas à découvrir que cette usine cache des pratiques plus que douteuses avec la complicité des élus locaux. La santé publique et la préservation de la nature ne pèsent pas lourd face aux enjeux économiques. Nour va devoir choisir entre se taire ou faire éclater la vérité et trahir ainsi son père, qui a couvert le mensonge de ses supérieurs pour sauvegarder les emplois.  

    Rouge est principalement porté par deux très bons comédiens (photo). D’un côté Sami Bouajila excellent dans ce quinquagénaire complexe, sympathique, instinctif, généreux, un peu lâche. De l’autre  Zita Hanrot, magnifique lanceuse d'alerte, fragile mais déterminée. Habités, ils donnent vraiment l’impression d’être père et fille. Ils ne jouent pas leur rôle, par ailleurs écrit spécialement pour eux, ils le vivent. 

    Dans ce film particulièrement emblématique de notre époque, traitant de sujets essentiels, comme la pollution, le chantage à l’emploi chez les politiques (vous nous dénoncez, on ferme la boîte), la difficulté d’être un délégué syndical, un lanceur d’alerte, Farid Bentoumi s’appuie sur son expérience personnelle et ses nombreuses recherches sur la gestion des déchets. Notamment par l’usine de Gardanne près de Marseille qui rejette des boues rouges toxiques dans la mer, au mépris des mises en garde des autorités sanitaires. 

    «Rouge est très documenté  mais n’est pas un documentaire. Il s'agit d'une fiction librement adaptée de faits réels avec une dimension autobiographique. Je suis issu d’un milieu populaire, fils de militants syndicalistes communistes et je m’en sers. Il y a du vécu là-dedans. Quand j’ai une base solide, cela me permet d’aller plus loin dans ce que j’ai envie de raconter», nous explique-t-il  lors d’une rencontre à Genève.

    Un mot sur vos personnages? « Ils sont représentatifs de leur génération. Slimane est un homme qui pense se battre pour ses collègues alors qu’il ne fait que ce qu’on lui dicte, comme toujours et depuis longtemps. Au contraire, Nour n’hésite pas à  chambouler. Elle ne veut pas qu’on lui mente. Surtout pas son père. Souvent il lui dit qu’elle ne comprend pas. Mais elle comprend très bien. Elle pense, avec raison qu’elle a son mot à dire dans cette affaire. D'ailleurs Slimane finira par basculer de son côté et agir.»

    En parlant, elle sait pourtant qu'elle va le trahir et en souffre. « Plus il y a d’amour, plus c’est difficile. C’est le principe de la tragédie. Nour fait exploser sa famille pour une cause juste. J'en fais une véritable héroïne, une Antigone moderne dont on a besoin aujourd’hui. Je pars du noyau familial pour évoquer quelque chose de plus grand».

    On évoque un Dark Waters  à la française pour Rouge. Qu’en pensez-vous ? « C’est un honneur. Dark Waters, mais aussi  Erin Brockovich et Promised Land m’ont en effet inspiré. Les trois partent d’un individu très humain qui écoute son instinct, ses doutes. Cela dit, la société américaine est très manichéenne. Chez moi, il n’y a pas de méchants et de gentils. Je ne donne pas tort ou raison. J’essaye de ne pas juger». 

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 août.

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