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Sorties de la Semaine - Page 68

  • Grand écran:" L'événement", film majeur sur le droit à l'avortement. Avec la remarquable Anamaria Vartolomei

    2021, année des réalisatrices. Après l’Oscar attribué à la Chinoise Chloé Zhao pour Nomadland, la Palme d’or décernée à la Française Julia Ducournau à Cannes pour le clivant Titane, la Mostra de Venise a récompensé d’un Lion d’or Audrey Diwan, autre Tricolore, pour L’événement. Film politique majeur sur l’avortement, il se déroule dans la France de 1963, 12 ans avant la légalisation de l’IVG sous l’impulsion de Simone Veil. Adapté du récit autobiographique d’Annie Ernaux, il met en scène  Anne (l’excellente Anamaria Vartolomei), une lycéenne issue d’une famille prolétaire.

    Brillante, Anne a des rêves de liberté plein la tête. Elle veut devenir écrivaine. Mais elle tombe enceinte lors d’une première relation sexuelle. Une catastrophe qui peut sonner le glas de ses ambitions. Alors la courageuse jeune fille, prête à tout pour rester maîtresse de son corps et de son avenir, décide d’avorter. L’acte est passible de prison, mais elle tient absolument à poursuivre son cursus, "se soustraire à cette maladie qui ne frappe que les femmes et les transforme en femmes au foyer". Plus particulièrement dans un milieu modeste où les hautes études ne courent déjà pas de source.

    Anne a peu de temps devant elle. Les examens approchent et son ventre s’arrondit. Rythmé par l’égrenage des semaines qui passent, le film évolue à la façon d’un redoutable compte à rebours. Lancée seule dans une course contre la montre, l’adolescente doit non seulement dissimuler son début de grossesse, mais se battre contre les obstacles qui s’accumulent sur son  sinueux chemin de croix: trahison scandaleuse d’un médecin, veulerie du père biologique, lâchage de ses copines oscillant entre peur et jalousie.

    Audrey Diwan nous secoue et nous bouleverse

    L’auteure nous glisse dans la peau de cette adolescente qui tente par tous les moyens, dont certains font froid dans le dos, de se débarrasser du fœtus. On souffre, on partage sa révolte, on part avec elle en guerre contre le conservatisme, la rigidité d’un code législatif rétrograde et patriarcal. Et on tombe sous le charme de l’exceptionnelle Annamaria Vartolomei, habitée par son personnage. Alliant détermination, énergie, audace  et sensibilité, elle se révèle saisissante d’authenticité. A noter à ses côtés le Vaudois Kacey Mottet Klein et Sandrine Bonnaire dans le rôle de la mère.  

    Avec L’événement, l’un des grands films de l’année, Audrey Diwan nous bouleverse, nous secoue. Racontant une société qui condamne le désir des femmes et le sexe en général, l’œuvre sous tension croissante nous emporte par sa justesse, sa puissance. Tripale, passionnante, ingénieuse dans sa reconstitution historique, elle démontre la tragique réalité d’une maternité non désirée chez les jeunes filles, leur vécu et les drames que vivent encore des millions de femmes dans les pays où l’interruption de grossesse demeure criminelle. 

    Ce faisant, la cinéaste rend aussi hommage à celles qui ont lutté de toutes leurs forces pour la libre disposition de leur corps. La partie n’est pas gagnée. Il suffit par exemple de penser aux tentations de la Cour suprême des Etats-Unis à modifier le cadre légal garantissant le droit des Américaines à l’avortement, soit en le restreignant soit en l’annulant. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 8 décembre.  

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  • Grand écran: "Vitalina Varela", un sommet pour les inconditionnels de Pedro Costa

    Ce drame, signé du Portugais Pedro Costa, montre une quinquagénaire capverdienne débarquant dans un bidonville lisboète trois jours après les obsèques de son mari, qui y avait fait sa vie sans elle.  

    Celui-ci avait quitté son archipel dans sa jeunesse pour chercher du travail en Europe et Vitalina a attendu son billet d’avion pendant 25 ans avant de pouvoir le rejoindre. Amère, elle se  retrouve dans la maison en ruine construite par le défunt et qu’elle va s’atteler à rebâtir en souvenir d’une solide maison au Cap-Vert. 

    Formellement et esthétiquement parfait, nous laissant ressentir la souffrance de Vitalina,, magnifiant son visage, son corps et son regard, ce requiem d’une splendeur d’ébène, comme sa protagoniste, est sublimé par de fulgurantes traces de lumière trouant son obscurité.

    En dépit de ses qualités, le film éprouvant par sa lenteur, son austérité, pourrait demeurer confidentiel, comme d’autres œuvres de Pedro Costa. Il constitue en revanche un sommet pour les admirateurs inconditionnels de l’auteur, cinéphiles purs et durs appréciant un cinéma cérébral, introspectif. A l’instar d’une Vitalina hiératique, s’interrogeant sur son conjoint qui l’avait quittée sans explication un quart de siècle auparavant.

    Rappelons que Vitalina Varela avait décroché le Léopard d’or au Festival de Locarno en 2019. Le titre du film est aussi celui de sa comédienne principale, récompensée lors de cette édition du prix d’interprétation féminine. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 1er décembre.

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  • Grand écran: Almodovar célèbre les femmes dans "Mères parallèles". Avec Penelope Cruz, sacrée à la Mostra

    Après Douleur et gloire, autoportrait introspectif et romancé,  le provocateur Pedro Almodovar revient avec Mères parallèles. Dans ce 22e long métrage grave et émouvant, il rend un vibrant hommage aux femmes porteuses de vie, tout en réduisant plus ou moins les hommes au rôle de reproducteurs.

    Sur le point d’accoucher, Janis et Ana se rencontrent dans une chambre d'hôpital. Elles sont toutes les deux célibataires et tombées enceintes par accident. Janis (Penelope Cruz), photographe de mode bientôt quadra, libre et indépendante, se montre enthousiaste et compte élever seule son enfant comme l’ont fait avant elle les femmes de sa famille. En revanche l’adolescente Ana (Milena Smit), apparaît désespérée, pleine de remords et traumatisée. Alors qu’elles déambulent dans les couloirs en papotant, Janis, baptisée ainsi par sa mère fan de la grande Joplin, tente de lui remonter le moral.  

    Leurs échanges créent entre elles un lien étroit et définitif que le hasard va compliquer d'une manière qui changera leur existence. Mais évidemment Almodovar, avec sa science des histoires à tiroirs, ne se contente pas d’un mélo classique pour nous raconter celle de deux maternités croisées, quels qu’en soient les bouleversements. Parallèlement, il décide de déterrer le sujet  qui demeure tabou en Espagne, son lourd passé franquiste.

    Etalé sur trois ans, ce récit politique renvoie ainsi à une quête familiale. L’auteur, usant d’un formidable sens de l’ellipse, mêle du coup la petite et la grande histoire, Dès l’ouverture, Janis explique en effet qu’elle veut faire excaver une fosse commune où son arrière-grand-père, privé de sépulture, a été jeté anonymement par les fascistes pendant la guerre civile. C’est d’ailleurs en draguant et en invitant chez elle  Arturo, séduisant  anthropologue juridique chargé des fouilles, que le bienheureux accident s’est produit...

    Héroïnes du quotidien  

    Pedro Almodovar, qui s’est beaucoup inspiré des femmes pour écrire, dit en avoir conçu des entièrement nouvelles. Des héroïnes du quotidien, émancipées à l’avant-garde de la parentalité, qu’il s’agisse des normes biologiques ou sexuelles. Entre coïncidences, hasards, drame et suspense, elles ne vont cesser de se rencontrer, tandis que le cinéaste précise sa pensée sur la société, le patriarcat, le passé et les secrets enfouis avec lesquels il est temps d’en finir,

    Pour porter principalement le film où il aborde une foule de thématiques outre la maternité et l’Histoire (deuil, identité, descendance, héritage), le maître madrilène a sans surprise choisi son égérie Penelope Cruz, pour une huitième collaboration. Elle s’est déclarée la comédienne la plus chanceuse du monde en recevant le scénario. Elle fait à nouveau étalage de son talent dans un rôle complexe qui lui a valu d’être sacrée meilleure actrice à la dernière Mostra de Venise.  Mais on n’oublie pas sa jeune partenaire Milena Smit. Elle se montre parfaitement à la hauteur dans une interprétation pleine de grâce et de sensibilité.

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