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Sorties de la Semaine - Page 166

  • Grand écran: Anne Fontaine explore la différence dans "Marvin ou la belle éducation"

    MARVIN-OU-LA-BELLE-ÉDUCATION-5.jpgMartin Clément, né Marvin Bijou, a fui son village des Vosges, un père tyrannique, une mère triviale et résignée. Il a fui l’intolérance, le rejet, les brimades que provoquait sa différence. Heureusement, il a trouvé chez la principale de son collège, Madeleine Clément, une précieuse alliée qui lui a fait découvrir le théâtre et dont il empruntera le nom.

    Il devra aussi son salut à un professeur gay, directeur intransigeant d’un centre d’art dramatique, qui lui révèle ses fêlures et le pousse à raconter son histoire. Marvin, devenu Martin Clément, va créer avec succès un spectacle libérateur qui achèvera de le transformer, réglant férocement ses comptes avec un milieu familial médiocre sinon sordide. Des proches non seulement incapables de le protéger, mais coupables, avant de changer, de participation à la violente homophobie ambiante. Au point que le garçon se sentait un étranger dans sa propre maison.

    Marvin ou la belle éducation, récit sensible de ce jeune homosexuel qui se sauve pour devenir lui-même, est signé Anne Fontaine. Elle l’a coécrit avec Pierre Trividic, dont les interrogations sur les tourments du désir et de l’identité font écho aux thèmes déjà abordés par la réalisatrice.

    Quelque chose de Marvin en chacun de nous

    Opposant deux mondes, la cinéaste pour qui il y a quelque chose de Marvin en chacun d’entre nous, propose une mise en scène sobre et poétique. Elle laisse son protagoniste cheminer vers le monde salvateur de l’art, alternant deux époques qui se répondent en mêlant les séquences de Marvin enfant harcelé par ses camarades de classe, et celles de Martin adulte, apprenti puis artiste triomphant.

    Une réussite magnifiée par les acteurs, dont Finnegan Oldfield (photo), formidable dans le rôle principal, Grégory Gadebois, figure paternelle à la Michel Simon, alcoolique, mal embouché et grande gueule, Vincent Macaigne prof d’art dramatique à la fois émouvant, blessé et intransigeant. Ou encore l’émouvante Catherine Mouchet, inoubliable Thérèse d’Alain Cavalier, dans le rôle d’un bienveillant et inspirant proviseur de lycée. Elle prouve l’importance primordiale de l’éducation et guidera Marvin vers son émancipation.

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaannef.jpg«Faire de sa différence une force»

    Rencontrée à Genève, Anne Fontaine (photo)nous parle de son film inspiré par «En finir avec Eddy Belle gueule » d’Edouard Louis, mais où elle prend de grandes libertés par rapport au roman. «Edouard Louis est venu me voir et m’a proposé d’adapter le livre. Je l’ai trouvé incroyable, mais je lui ai dit que je ne me cantonnerais pas à l’enfance de Marvin. Je voulais évoquer la suite de son parcours. Ce qu’il a accepté ».

    -Vous aimez l’idée que rien n’est jamais joué. Que les gens peuvent échapper à leur condition, même misérable.

    Je traite de sujets où on peut parvenir à la lumière au prix d’une profonde détermination et si on a l’opportunité d’un regard posé sur vous. Pour Marvin, c’est celui de la principale du collègue. Elle est le déclic, le rôle initiatique, fondamental.

    -Ensuite il rencontre ce professeur d’art dramatique, son pygmalion.

    -C’est lui qui met des mots sur son mal-être en parlant de la différence au sens global, universel. Marvin fait alors de la sienne une force. Il assume son orientation sexuelle tout en enterrant un passé douloureux en jouant dans une pièce de théâtre qui est comme une catharsis.

    -Cette glorification de la victoire sur soi s'accompagne d’une réflexion sur le travail de comédien.

    -Le comédien travaille sur lui-même et peut ainsi jouer quelqu’un d’autre. Auteur de sa propre théâtralité, il est capable de poétiser, de « dramaturgiser ». Le théâtre est le salut, l’exutoire, une façon de communiquer, une découverte de la culture qui vous permet d’accéder à d’autres mondes

    -Vous n’êtes pas tendre avec les parents de Marvin. En même temps vous ne les jugez pas.

    .-Il est victime de leur inculture qui provoque leur intolérance, leur homophobie. Mais je les aime. Ils font ce qu’ils peuvent avec leurs moyens limités. Ils aiment leurs enfants, mais sont influencés par ce que pensent les gens des «pédés», ceux qui voient l’homosexualité comme « une maladie mentale ». Ils ont toujours entendu ces mots-là. Je montre toutefois un visage différent du père, l’évolution dans son attitude et son vocabulaire quand Marvin revient voir sa famille.

    -Finnegan Oldfield est remarquable. Comment l’avez-vous choisi ?

    Je l’avais vu dans « Les Cowboys » de Thomas Bidegain. En le rencontrant, j’ai su qu’il était Marvin. Il a une élégance, une présence. Pour le film, il a suivi une préparation physique, des cours de danse. La danse est une façon de mettre son corps dans l’espace, de l’habiter. Etre danseuse moi-même m’a aidée à transcender les difficultés que j’ai eues. Je me suis créée à travers cet art qui m’a aidée pour la mise en scène.

    -Une dernière question. Pourquoi faire jouer son propre rôle à Isabelle Huppert ?

    -.Marvin rencontre une icône du théâtre dans une soirée. J’ai tout de suite pensé à Isabelle. Nous sommes amies. Un moment je me suis demandée si j’allais l’appeler autrement. Mais j’ai finalement décidé que non..

    Film à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 novembre.

     

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  • Grand écran: "A Beautiful Day", descente aux enfer de Joaquin Phoenix

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaalynne.jpgL’originale, brillante, audacieuse Lynne Ramsay a convoqué le talentueux, imprévisible, impétueux, vénéneux Joaquin Phoenix pour une descente aux enfers dans A Beautiful Day (You Were Never Really Here). Il incarne Joe, un ancien militaire et agent du FBI au mental fracassé par des traumas remontant à son enfance auprès d’un père brutal, et à son passé de soldat qui lui a laissé de sérieuses séquelles.

    Habitant toujours chez une mère possessive, Joe est une vraie bombe à retardement victime de pulsions suicidaires, qui tente d’échapper aux démons qui le dévorent en se fourrant la tête dans un sac en plastique. Reconverti dans de basses besognes, il est chargé de rechercher et sauver la fille d’un sénateur piégée dans un réseau de prostitution.

    Un sujet bien malsain dans la lignée de We Need To Talk About Kevin sorti en 2011, qui disséquait la relation intime et haineuse entre une mère dévastée et son fils qui a commis l’impensable. Ici, la réalisatrice écossaise propose une longue traversée effrayante au bout de la nuit dans un New York glauque et interlope. Un voyage dont la violence augmente au fur et à mesure que son héros s’enfonce dans l’horreur.

    Face au déferlement de vengeance et de corruption, Joe joue du marteau, son arme de prédilection, partie intégrante de son personnage, ou encore du flingue pour éliminer un à un les individus qui gravitent autour de la gamine. Ce récit terriblement anxiogène, sous haute tension permanente, librement adapté d’un roman de Jonathan Ames, frise la caricature, la complaisance, parfois même le ridicule, Il navigue entre le thriller sanglant et l’étude clinique d’un cerveau malade, peuplé de visions cauchemardesques dévoilées à coups de flashbacks. 

    Une œuvre indéniablement maîtrisée. Pourtant, en dépit de sa virtuosité et de son esthétique, on regrette la surenchère, la débauche d’hémoglobine, dans cet opus féministe se situant quelque part entre Taxi Driver de Scorsese et Drive de Nicolas Winding Refn.

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaphoenix.jpgPrix d'interprétation à Cannes en mai dernier

    En revanche, on retient la spectaculaire interprétation de Joaquin Phoenix, qui a opéré une bluffante transformation physique.Il est absolument méconnaissable, le corps massif, alourdi, marqué d’impressionnantes cicatrices, la barbe broussailleuse. Sans oublier le catogan, la casquette et la capuche.

    Se mouvant lentement tel un mort vivant dans une ambiance spectrale, farouchement taiseux, ce vétéran torturé et névrosé apparaît halluciné, glaçant dans sa sauvagerie, mais curieusement attachant et émouvant. Sa prestation lui a valu le prix du meilleur acteur au dernier Festival de Cannes, alors que Lynne Ramsay décrochait le prix du scénario. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 novembre.

     

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  • Grand écran: "Téhéran Tabou"dénonce les interdits dans une société schizophrène

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaataboo.jpgAvec ce film ouvertement militant comme l’indique son titre, Téheran Tabou, Ali Soozandeh, Iranien réfugié en Allemagne, nous immerge au sein d’une société schizophrène, dans laquelle le sexe la corruption, la prostitution et la drogue coexistent avec les interdits religieux, juridiques, traditionnels. Il met en scène, dans la capitale de son pays natal, trois femmes, une prostituée une fiancée, une jeune épouse, ainsi qu’un musicien. Tous les quatre tentent de s'affranchir en brisant les tabous minant le quotidien des hommes, et plus encore des femmes.

    Une oeuvre audacieuse tournée en rotoscopie, procédé datant du début du siècle. De nombreux films y ont eu recours, l’un des chefs d’oeuvre du genre étant sans doute le documentaire de l’Israélien Ari Folman Valse avec Bachir (2008). La technique consiste à filmer des comédiens en prises de vue réelles sur fond vert et les retravailler image par image en animation, reproduisant ainsi avec réalisme la dynamique de mouvement des sujets.

    Ali Soozandeh s’y est essayé avec succès dans cet opus à la fois poétique, politique et intime qui, s’il met en scène des personnages aux traits et aux gestes réalistes, permet une distance bienvenue, un décalage avec le réel. Il n’en a pas moins une portée documentaire et une valeur de témoignage avec sa peinture sociale, dérangeante, provocante, choquante. Sinon obscène avec la tendance un rien outrancière du réalisateur à multiplier les scènes de sexe et de drogue.

    Mais le plus important dans ce film choral démonstratif où la noirceur du propos tranche avec un univers bariolé, reste son combat pour l'émancipation, son plaisir gourmand de la dénonciation insolente d’une théocratie hypocrite adepte du «faites ce que je dis, pas ce que je fais». Une maxime illustrée par des représentants corrompus et débauchés de l’élite, peu enclins à s’appliquer la rigueur impitoyable d’une morale qu’ils exigent pour autrui.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 15 novembre.

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