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Sorties de la Semaine - Page 116

  • Grand écran: "La Mule", road movie intime et mélancolique avec Clint Eastwood en passeur de drogue

    screen-shot-2018-10-04-at-1-50-50-pm.pngAlors qu’il n’avait pas fait l’acteur depuis Une nouvelle chance en 2012, Clint Eastwood s’est repris au jeu dans La Mule. Passant donc derrière et devant la caméra, où il incarne un vétéran de la guerre de Corée qui s’est reconverti dans l’horticulture, une véritable passion. A près de 90 ans, Earl Stone n’en mène pourtant pas large. Non seulement il est brouillé avec son ex-femme et sa fille pour leur avoir de loin préféré les fleurs, mais il est fauché et sa petite entreprise risque d’être saisie.

    Il accepte alors un boulot de chauffeur dont un invité aux fiançailles de sa petite-fille, la seule du clan familial à lui témoigner encore de l’affection, lui avait parlé. Il ne va pas toutefois pas rouler pour n’importe qui, puisque sans le savoir, du moins feint-il de l’ignorer au départ, il s’est engagé à servir de mule pour un cartel mexicain de la drogue.

    Un papy insoupçonnable

    C’est du gagnant gagnant. Pour les trafiquants il constitue l’atout majeur, son look de papy le rendant insoupçonnable et pour Earl, sorte de mascotte, le job se révèle des plus juteux, lui permettant se mettre à l’abri, de distribuer généreusement l’argent gagné à ses nombreux amis et à sa famille auprès de laquelle il veut se racheter.

    Au fil de ses trajets, les cargaisons qu’il transporte soit de plus en plus importantes. Mais, comme la mule a une tête…de mule, ne respecte pas les consignes de prudence, s’arrête où il veut et brouille les pistes, il se voit imposer par les chefs narcos un homme de main pour le surveiller. Par ailleurs il va quand même avoir sur le dos Colin Bates (Bradley Cooper), un agent de la DEA (contrôle des drogues), qui met tout de même du temps à piger l’arnaque…

    Ce road movie intime, à la fois joyeux et mélancolique sur fond de drame familial, de faux polar, de critique d’une Amérique laissant tout juste survivre ses anciens combattants, tient de l’œuvre testamentaire au ton crépusculaire dans la mesure où la mort rôde et où il faut faire vite. Il s’inspire de la vie de Leo Sharp, devenu dans les années 80 le transporteur de drogue le plus âgé et le plus rentable du Cartel de Sinalo.

    D’un vétéran à l’autre

    Il marque aussi la deuxième collaboration de Clint Eastwood avec le scénariste de Gran Torino Nick Schenk, dont le héros, Walt, également un vétéran, est un vieux réac raciste, amer, endurci, pétri de préjugés avant qu’il s’ouvre au contact d’adorables voisins.

    Earl est son contraire, un homme charmant, sociable plein d’humour, d’autodérision. La marque d’un Clint Eastwood qui ne peut s’empêcher, clins d’œil aux étiquettes qui lui ont collé à la peau depuis L’inspecteur Harry, de se moquer dans le film d’un groupe de lesbiennes bikeuses et de donner un coup de main à un couple de «nègres» victime d’une crevaison.

    La Mule, au scénario efficace en dépit de situations trop répétitives n’est pas notre préféré de l’auteur. Mais on est touché par cet homme émouvant et tendre en quête de rédemption, à qui le malicieux et charismatique Clint Eastwood chantant de la country en traçant la route, prête, à 88 ans, son physique sec, son visage buriné, ses yeux pétillants et son sourire irrésistible. A ses côtés, il retrouve pour la seconde fois Bradley Cooper, qui avait déjà joué dans American Sniper. Ainsi que sa propre fille Alison et sa petite fille Taïssa Farmiga.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 23 janvier.

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  • Grand écran: "Green Book", un road-movie touchant, doublé d'une réflexion sur le racisme

    green-book-anatomy-facebookJumbo.jpgAvec son frère Bobby, Peter Farrelly nous a habitués aux comédies potaches et transgressives (Mary à tout prix, L'Amour extra-large, Dumb and Dumber). Là il opère en solo en racontant, dans Green Book, l’histoire authentique de Don Shirley, célèbre pianiste noir et Tony Lip, videur blanc italo-américain dans un club à la mode du New York des sixties. Un métrage initié et coécrit par Nick Villalonga, le fils du vrai Tony.

    Bien que le mouvement des droits civiques commence à se faire entendre, la ségrégation règne dans le Sud profond en 1962. Don Shirley qui doit y entamer une périlleuse tournée de concerts, engage Tony pour le conduire et le protéger.

    Partis de Manhattan, ils s’appuient sur le Green Book, un drôle de guide qui les renseigne sur les établissements acceptant les personnes de couleur. Car même  internationalement connu, Don Shirley ne peut pas séjourner n’importe où. De son côté, vu sa fonction, Tony n’est pas forcément le bienvenu partout non plus.

    Ils sont ainsi confrontés à la vilenie humaine au cours de ce road movie en forme de manifeste politique et surtout de réflexion sur le racisme, qui n’est pas que l’apanage des suprémacistes du Ku Klux Klan, mais peut toucher chacun, noir, juif, indien, blanc. Et alors que tout les sépare, les deux hommes vont apprendre à se connaître, à dépasser leurs propres préjugés et différences jusqu’à devenir amis.

    L’oscarisé Mahershala Ali, découvert dans Moonlight de Barry Jenkins, est parfait en pianiste maussade, raffiné, cultivé, tandis que  Viggo Mortensen, se révèle excellent en chauffeur brut de décoffrage, joyeux, hâbleur et perpétuellement affamé. Ils forment une sorte de duo comique dans cette ode positive à la tolérance et à l’humanisme.

    A la fois édifiante, bienveillante, touchante et pleine d’humour en dépit du sérieux de son sujet, elle évite le manichéisme et la moralisation, mais frôle parfois la caricature avec sa représentation binaire des individus et des situations. Récompensé par trois Golden Globes et sacré meilleur film par le syndicat des producteurs américains, Green Book se révèle toutefois comme un solide prétendant aux Oscars.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dés mercredi 23 janvier.

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  • Grand écran: dans "Colette", Keira Knightley incarne la célèbre écrivaine sur la voie de l'émancipation

    870480.jpgLes romans et la vie de Colette, fascinante icône de la littérature française du 20e siècle, mime, actrice et journaliste, présidente de l’Académie Goncourt, éprise de liberté, en avance sur son temps en ouvrant la porte du féminisme, ont inspiré de nombreux films.
    Parmi les plus connus, Le Blé en herbe (1953) de Claude Autant-Lara,  Gigi (1958), de Vincente Minelli, Chéri (2009), de Stephen Frears. Ou encore, en mode mineur, Colette, une femme libre (2004), téléfilm en deux parties de Nadine Trintignant, dernier rôle de sa fille Marie, tuée par Bertrand Cantat en 2003.

    Avec Colette, le réalisateur anglais indépendant Wash Westmoreland se penche sur une partie de la vie de son héroïne, incarnée par la belle et convaincante Keira Knightley. Elle va de son mariage en 1893 à son émancipation en tant qu’auteure avec son roman La Vagabonde, 17 ans plus tard.

    L’un des nègres de Willy

    Jeune campagnarde bourguignonne naïve, Sidonie-Gabrielle Colette a tout juste 20 ans lorsqu’elle épouse l’écrivain et critique Henry-Gauthier-Villars dit Willy (Domninic West, très bon lui aussi), de 14 ans son aîné. Le couple emménage à Paris. Grâce aux relations de son mari, Colette découvre un milieu artistique inconnu qui stimule sa  créativité. Mais Willy, égocentrique, manipulateur, coureur de jupons, produit de la misogynie de son époque, la force à devenir l’un de ses nègres.

    Elle lui servira ainsi de prête-nom pour la série des Claudine qui connaît un succès phénoménal. Plus doué pour le marketing que pour la littérature, son mari s’en sert pour une déclinaison de produits dérivés à l’effigie de l’héroïne créée par sa femme. A laquelle en plus toutes les jeunes femmes veulent ressembler. Une Bardot avant l’heure avec sa coiffure choucroute et ses robes Vichy.

    Libertinage, bisexualité et scandale

    Avec l'argent récolté, Willy, follement dépensier, pourra payer ses dettes et entretenir ses maîtresses. Mais ses aventures deviennent insupportables à Colette qui souffre par ailleurs de plus en plus de ne pas être reconnue, elle qui ne revendiquait pas seulement ses droits d’auteur, mais les mêmes avantages que les hommes.

    Elle va pourtant se libérer de son emprise. Wash Westmoreland évoque alors les années où le couple se livre au libertinage d’un commun accord, où Colette se découvre bisexuelle. Dès lors apparaît une femme moderne qui s’affirme, s’assume ouvertement dans des relations provocantes, plus particulièrement avec Missy (Denise Gough), une duchesse qui s’habille en homme. Les deux femmes donneront des spectacles de music-hall qui feront scandale, une expérience dont se servira Colette pour La Vagabonde.

    Un biopic moins osé qu’espéré

    C’est par la sortie du livre en 1910 que le film se termine. On soulignera la fidélité aux événements marquants, la belle photographie, le travail de recherche et de reconstitution en ce qui concerne les décors, Paris, les costumes, les coiffures.

    On regrettera en revanche le côté lisse de ce biopic moins sulfureux et osé qu’espéré. Ainsi que la langue anglaise pour un personnage qu’on voit écrire en français. A découvrir peut-être en version traduite, pour autant qu’on y ait gardé l’accent bourguignon de Colette... En tout cas une chose est sûre. On a envie de relire ses livres.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 janvier.  

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