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Sorties de la Semaine - Page 114

  • Grand écran: "Grâce à Dieu", film choc sur la parole pour briser le silence de l'Eglise

    B9718622259Z.1_20190218130432_000+GSDD0IEJM.1-0.jpgBien qu’il ne révèle rien que l’on ne sache déjà, tout ayant déjà été publié, Grâce à Dieu de François Ozon sur le scandale de pédophilie dans l’Eglise lyonnaise, se trouvait sous la menace de deux assignations. Mais lundi, la justice a donné son feu vert à la sortie du film mercredi en salles, nonobstant la demande de report du prêtre Preynat, accusé d’agressions sexuelles sur des enfants, mais pas encore jugé.  

    Elle estime que la présomption d’innocence du père n’est pas bafouée, en raison de l’insert d’un carton le signalant en fin de générique. Par ailleurs mardi, Régine Maire, ex-membre du diocèse de Lyon qui exigeait que son nom soit retiré du film, a aussi perdu la partie. 

    «Grâce à Dieu, tous ces faits sont prescrits!» avait lancé le cardinal Philippe Barbarin lors d'une conférence de presse à Lourdes, en avril 2016, faisant allusion à ces abus. François Ozon s’est emparé de l’ignominie. 

     

    francois-ozon-a-obtenu-l-ours-d-argent-de-la-berlinale-pour_4424298_540x269p.jpgAuteur important, prolifique, éclectique (L’amant double, Frantz, Jeune et jolie, Une nouvelle amie, Potiche, Sous le sableHuit femmes, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Le temps qui reste…), il signe un film fort, politique, engagé. C’est l’un de ses meilleurs, sinon le meilleur. Il a décroché le Grand prix du jury à la Berlinale.

    Un long combat vers la vérité

    Alexandre vit à Lyon avec sa femme et sa nombreuse progéniture, Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès de gamins. Il se lance alors dans un long combat pour faire éclater la vérité. Patient face à Barbarin qui l’enjoint à ne pas ressasser le passé. Sourd aux critiques acerbes de sa mère qui lui reproche d’avoir toujours été doué pour remuer la merde. Il est bientôt rejoint par deux autres victimes du prêtre, pour dire ce qu’ils ont subi. Dans Grâce à Dieu, François se penche ainsi sur la naissance de l’association La Parole libérée, qui a révélé le scandale. Au centre, le sinistre père Preynat, 72 ans, mis en examen pour des abus sexuels commis en 1980 et 1990 sur de jeunes scouts.

    le-film-sera-projete-en-avant-premiere-mardi-19-fevrier-a-chalon-1550502609.jpgLe point de vue des victimes

    L’affaire  atteint le cardinal Philippe Barbarin, accusé avec cinq anciens membres du diocèse lyonnais de non-dénonciation de ces crimes. Rappelons qu’Il est passé en jugement en janvier dernier et son sort sera connu le 7 mars prochain. Mais aucune condamnation n’a été requise contre lui. 

    Concentré avant tout sur l’humain, le film adopte le point de vue de trois victimes, Alexandre, François, et Emmanuel, des hommes fragilisés dont il brosse le portrait. Portés par leur désir de reconstruction, fermement décidés à rompre le silence, ils sont formidablement incarnés par Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud (photo). 

    Sans se placer du point de vue judiciaire, François Ozon se livre à une véritable  enquête auprès de l’association. Sa démarche n’est pas sans rappeler celle de l’équipe d’investigation du Boston Globe dans Spotlight, qui a permis de mettre au jour un scandale sans précédent d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique. Sauf que chez Ozon ce ne sont pas les journalistes qui dénoncent, mais les victimes qui accusent. 

    1517909.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgUn drame en trois actes

    Impressionnant de maîtrise dans sa mise en scène, dans sa précision documentaire, François Ozon propose un drame palpitant qui se déroule en trois mouvements, chacun s’adaptant à la personnalité de son protagoniste. Les trois jouent ainsi successivement leur propre partition, le réalisateur ne craignant pas, par exemple, pas de perdre le premier, Alexandre, au  bout de 45 minutes, le laissant passer le relais au suivant. 

    Avec ce film sur la libération de la parole pour briser l’omerta et l’inaction des autorités religieuses, François Ozon nous emporte, nous bouleverse, nous tient en haleine, tout en évitant le pathos, la pesanteur, l’excès d’indignation forcément inhérents au sujet. Un tour de force, un exploit, bref, un film à voir absolument.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 20 février.

     

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  • Grand écran: "Sibel" traque le loup pour échapper à la meute villageoise...

    image.jpgFilm franco-germano-turc signé Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, notamment centré sur l'exclusion, Sibel suit une femme de 25 ans. Cette sauvageonne habite avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes qui dominent la Mer noire en Turquie. Muette, elle s’exprime dans l’ancestral langage sifflé de la région, moyen de communication de vallée en vallée, retranscrivant à travers les sons toutes les syllabes de la langue turque.

    Son handicap provoque le rejet des habitants, mais en même temps, il lui a permis d'être élevée plus librement par un père lui autorisant quelques escapades. Et de vivre ainsi de manière plus indépendante que les autres femmes qui ont abandonné leurs rêves et vivent sous la domination des mâles décidant de leur destin et de leur existence.

    Ne correspondant à aucune d’entre elles, Sibel achève en quelque sorte de s’affranchir de cette société patriarcale que forme la meute villageoise, en traquant… un loup mystérieux, objet de fantasmes et de craintes des femmes qui n’osent plus sortir de la commune. Alors qu’elle parcourt les bois en quête de la mystérieuse et redoutable créature, elle tombe sur un fugitif blessé, un personnage vulnérable différent de ceux qu’elle connaît et qui va lui ouvrir des portes.

    Sans juger, les réalisateurs proposent un film flirtant avec le thriller et le mysticisme, porté de bout en bout par la belle, solaire et touchante Damia Sönmez. Elle se révèle très convaincante dans son rôle de rebelle, façon Jeanne d’Arc moderne. Voire louve finalement dominante...

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès le mercredi 20 février.

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  • Grand écran: "Les héritières", l'émancipation d'une bourgeoise paraguayenne déchue

    2670925.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx_0.jpgPendant trente ans, Chela (Ana Brun), une riche héritière paraguayenne, a mené la grande vie avec sa compagne Chiquita (Margarita Irun). Mais les choses ont changé pour elles à Asuncion, au sein d’une société en pleine mutation. C’est d’ailleurs à ce moment-là que l’histoire commence, dans un appartement qui va petit à petit se vider de ses meubles. Au bord de la faillite, les deux femmes doivent en effet vendre leurs biens et tenter de s’adapter à une nouvelle vie.

    Chela, bourgeoise apathique qui n’a jamais rien fait de ses dix doigts, s’accroche encore à ses privilèges et n’imagine pas se passer d’une domestique. Passant son temps à peindre et à dormir, elle laisse Chiquita s’occuper des affaires du couple et le garder à flot, jusqu’au jour où elle se retrouve en prison pour fraude fiscale.

    Dès lors Chela va devoir se débrouiller seule et, alors qu’elle n’a pas conduit depuis longtemps, sort sa vieille voiture et décide de faire le taxi pour un groupe de femmes aussi âgées que fortunées de son quartier. C’est à cette occasion qu’elle rencontre la jeune Angy (Ana Ivanona), qui non seulement provoque chez elle des sentiments troublants, mais la pousse enfin à s’ouvrir aux autres.

    Avec Les héritières le Paraguayen Marcelo Martinessi livre un premier film dont les hommes sont pratiquement exclus, à la fois mélancolique, pudique, non dénué d’humour et d’optimisme en dépit de la situation. Il brosse le portrait d’une sexagénaire déchue après avoir fait partie d’une caste bichonnée par la dictature. Une héroïne rondelette peu gâtée par la nature qui s’émancipe et va audacieusement découvrir la liberté dans un contexte dont le réalisateur dénonce aussi la survivance d’un conservatisme démodé.

    Cette chronique intime surfant sur le politique et le social a valu deux prix à son auteur lors de la dernière Berlinale, dont un Ours d’argent à son interprète principale Ana Brun.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 13 février.

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