Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • Festival de Locarno: d'un cinglant Spike Lee à une compétition poussive. Avec une exception québécoise

    2239164.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgAprès avoir séduit le jury de Cannes qui lui a décerné son Grand Prix en mai dernier, Spike Lee a fait le bonheur de la Piazza à Locarno avec BlacKkKlansman, une charge cinglante contre le racisme, l'extrême droite et le président Trump. D’un humour férocement militant, jubilatoire, le film est basé sur la folle et véridique histoire de Ron Stallworth.

    Premier policier afro-américain de Colorado Springs, Stallworth (John David Washington, le fils de Denzel) , avait infiltré le Ku Klux Klan avec un collègue juif Flip Zimmermann (Adam Driver) au début des années 70. Excellents, les deux compères (photo) enchantent dans cet opus entre polar, comédie et politique. On y reviendra lors de sa sortie sur les écrans romands le 22 août.

    On ne boude pas non plus son plaisir devant les perles de la rétrospective McCarey, qu'il s'agisse d'irrésistibles courts ou longs métrages. Ce n'est pas le cas côté compétition... A mi-parcours, on peine en effet à s’enthousiasmer, récurrence locarnaise, pour les œuvres proposées en provenance jusqu’ici de Taïwan, du Brésil, des Etats-Unis, d’Italie ou de Roumanie.

    1561826-genese-nouveau-long-metrage-philippe.jpgEn revanche, on a carrément aimé Genèse, du Québécois Philippe Lesage. Trois ans après Les démons évoquant les peurs d’un gamin de 10 ans imaginant sans cesse les pires catastrophes liées à la sexualité, le cinéaste s’intéresse aux premières passions adolescentes.

    Dans un collège de garçons, Guillaume (photo) tombe amoureux de son meilleur ami, tandis que sa soeur Charlotte, terriblement déçue, se voit proposer une relation plus libre par son copain. Enfin le film nous emmène dans un camp de vacances pour un flirt entre Félix et Béatrice.

    Philippe Lesage avoue avoir mis une partie de lui dans tous ses personnages avec l’idée de retourner dans un monde séparé de celui des adultes, dans une période où tout bouge, tout bouillonne avec la promesse de quelque chose, dans un moment où on aime sans peur et sans défense. Même lorsqu’on est parfois entouré de mauvaises personnes.

    Un mot encore sur Sibel, film franco-germano-turc signé Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, notamment centré sur l'exclusion. Il suit une femme de 25 ans vivant avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes de la mer noire en Turquie. Muette, s’exprimant dans l’ancestral langage sifflé de la région, elle est rejetée par les autres habitants en raison de son handicap.

    Mais en même temps, il lui a permis d'être élevée plus librement et de vivre de manière plus indépendante que les autres femmes sous domination mâle. Elle achèvera en quelque sorte de s’affranchir en traquant un loup, objet de craintes et de fantasmes. On ajoutera que la beauté de l’interprète principale Damia Sönmez sert plutôt bien l’opus.

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard
  • Festival de Locarno: "Coincoin et les Z'inhumains", la mini-série déjantée et burlesque de Bruno Dumont:

    lil-quiquin-coincoin-and-the-extra-humans-1200x520.jpgSuite au triomphe inattendu il y a quatre ans de P’tit Quinquin, mini- série extravagante et burlesque mettant en scène deux gendarmes improbables enquêtant sur d’étranges crimes aux abords d’un village en proie au mal, ainsi qu’une bande de jeunes canailles emmenés par Quinquin, Bruno Dumont a tourné une deuxième saison. Intitulée Coincoin et les Z’inhumains, elle a été projetée en première mondiale à Locarno. Par la même occasion, son auteur s’est vu décerner un Léopard d’honneur sur la Piazza Grande.

    Pour cette deuxième mouture, il reprend les mêmes personnages nordistes au redoutable accent ch'ti- On ne change pas une équipe qui gagne. Quinquin (Alane Delhaye) a grandi et se fait désormais appeler Coincoin. Il découvre un jour une glu immonde et nauséabonde, sorte de merde extraterrestre, qui tombe sur les habitants, les pénètre et les dédouble…

    Au centre des quatre nouveaux épisodes de 52 minutes, déambulent l’hirsute, survolté, boitillant commandant Roger Van der Weyden (Bernard Pruvost) qu’on découvre aussi raciste qu’homophobe et son impayable fidèle lieutenant Rudy Carpentier (Philippe Jore, photo), fondu de cascades automobiles. Ils sont revenus mener leur enquête sur la Côte d’Opale, pendant le carnaval, et se trouvent plongés en pleine apocalypse.

    De son côté Coincoin, largué par sa voisine agricultrice, drague une jolie campeuse. Quand il ne colle pas des affiches pour l’extrême-droite ou roule sans permis à tombeau ouvert au nez et à la barbe des deux pandores. Parallèlement, ils croisent des migrants qui ont installé un camp dans la région.... Tout cela donne une saison 2 encore plus loufoque, décalée, grinçante, absurde, délirante, braque, cintrée que la une.

    "L'art est un travail de purge"

    "J’ai eu beaucoup de plaisir à tourner P’tit Quinquin", explique Bruno Dumont, ancien professeur de philosophie et réalisateur des remarquables Flandres, L’Humanité ou Ma Loute. "A la fin, j’ai demandé aux acteurs s’ils étaient partants pour une deuxième saison. Ils m’ont tous dit oui. Mais j’ai attendu quatre ans pour écrire la suite".

    Ce qui plaisait au cinéaste, c’était l’idée de retrouver un Coincoin ado. Sans oublier tous les autres. "Au départ j’avais travaillé avec des chômeurs. Certains étaient intéressés d’autres pas. Par exemple, le commandant Van der Weyden était un second choix, alors qu’il s’est littéralement mué en génie burlesque. Tous amateurs, ils sont devenus pros, improvisent, jouent avec la caméra".

    L’idée incroyable, abracadabrante, de cette mystification cosmique sous forme de bouse extraterrestre est venue de l’envie de Bruno Dumont de quitter la terre. "Cela a immédiatement propulsé l’histoire ailleurs, tout comme l’écriture, Il fallait aller plus loin, être encore plus baroque, saugrenu, dément. Le côté fou permet d’explorer des zones interdites, des inconvenances".

    "Aujourd’hui il y a des choses qu’on n’ose plus dire", remarque le réalisateur. « Le cinéma l’autorise. Il n’est pas seulement là pour nous divertir. Il doit poser des questions graves, existentielles, philosophiques en riant. Il y a une nécessité cathartique d’affronter le mal, de le traiter par le mal. La proximité du comique et du tragique, c’est tout simplement la nature humaine. L’art est un travail de purge, Il faut nous libérer de notre méchanceté, s’occuper de la bête qui sommeille en nous".

    Bruno Dumont aime les séries, plus particulièrement Game Of Thrones. "Elles ont réussi à aller là où le cinéma ne va pas. Avec des héros parfois épouvantables» Alors qu’il prépare un film sur le journalisme, il n’exclut pas de tourner une troisième saison. "Mais pas tout de suite. Peut-être dans cinq ans… "

    *Coincoin et les Z'inhumains" à découvrir à Genève aux Cinémas du Grütli du 15 au 28 août. 

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard
  • Festival de Locarno: Nicolas Philibert explore le monde infirmier en suivant des stagiaires

    a0c37f657b45417b43f4a1299ea68de8b24d80dc.jpgMettre l’homme au centre de la 71 e édition. Mission accomplie en ce qui concerne le choix du nouveau documentaire du Français Nicolas Philibert, De chaque instant, présenté hors compétition. L’auteur du célèbre Etre et avoir (2002), tourné dans une école à classe unique en milieu rural, était de retour à Locarno 22 ans après La moindre des choses.

    Le réalisateur a décidé de suivre, sur trois ans, les élèves d’un institut de formation en soins infirmiers. Filles (une grande majorité) et garçons vont partager leur temps entre cours théoriques, exercices pratiques et stages sur le terrain. Un parcours difficile et intense qui leur permettra d’acquérir un grand nombre de connaissances, de maîtriser les gestes cruciaux, tout en se préparant à endosser de lourdes responsabilités.

    Souvent très jeunes, ils sont confrontés tôt à la fragilité humaine, aux fêlures des corps et des âmes, à la souffrance, à la maladie, à la mort. C’est ce que retrace l’opus divisé en trois parties. Chacune d’entre elles a une tonalité différente, la troisième rassemblant les témoignages des stagiaires qui expriment leur ressenti aux formateurs. Un film instructif, émouvant, non dénué d'un certain humour, qui vous laisse découvrir, en même temps que les protagonistes, le stress, les tensions, la réalité économique, la multiplication des tâches, l’obligation du rendement. 

    Nicolas Philibert pensait traiter ce sujet depuis quelque temps. «Et puis j’ai fait une embolie en 2016, qui m’a expédié aux urgences et aux soins intensifs. Ce fut le déclic et ma volonté de rendre hommage à ce métier discrédité, déconsidéré, méprisé, mal payé, à des jeunes ou moins jeunes engagés, mobilisés. Un besoin de dire qu’il y a un savoir infirmier comme il y a un savoir médical. Et que ce n’est pas le même».

    -Là encore, vous avez choisi de vous focaliser sur l’apprentissage.

    -Effectivement. Les personnes en situation d’apprendre font un chemin vers l’inconnu. Du point de vue dramaturgique, cela donne des situations plus riches. Voir les élèves tâtonner, se tromper, recommencer provoque de l’émotion. Cela exige du courage de franchir les étapes, les obstacles, de se remotiver pour réussir. Avec ceux qui savent, on ne perçoit pas tout ce que les gestes exigent de pratique pour arriver à la précision, à la fluidité. Cela permet aussi de filmer le désir. Celui de s’élever, d’acquérir un savoir, de passer son diplôme.

    -Vous prônez le collectif, le brassage.

    -Le collectif est en effet très commun à mes films. J’aime le « nous ». Au début du projet, certains espéraient que je me cantonne à trois ou quatre étudiants. Mais comment aurais-je pu opérer une sélection, alors qu’ils étaient 270? C’était beaucoup trop restrictif et je n’ai pas voulu. Par ailleurs, la mixité était primordiale. J’avais envie de montrer une France contemporaine, métissée, hétérogène. Qu’il s’agisse de couleur de peau, de milieu social et d’âge. Je me sens aussi très concerné par le rapport aux autres. Ce qui nous conduit à penser, c’est l’altérité. L’identique nous empêche d’avancer.

    -Avez-vous eu des difficultés à persuader les patients d’être filmés?

    -Au contraire. Je leur ai expliqué le pourquoi de la chose et presque tous ont accepté. Je n’ai pas cherché à leur faire oublier la caméra. Mon but était d’être accepté. Du coup, ils sont complices. Ils jouent avec moi. Mais sans faire un numéro.

    -Votre perception du métier, votre regard sur lui a-t-il changé ?

    Un peu. Je ne pensais pas que cette profession exigeait autant de connaissances techniques, de responsabilités, sans oublier l'importance de la relation entre soignant et patient. Et pourtant cette dimension est malmenée, les hôpitaux devenant des usines à soins.

    -Les élèves et les formateurs se sont-ils vus à l’écran? Comment ont-ils réagi?

    Ils se sont reconnus, retrouvés à la fois dans leur parole et celle des autres. C’est un peu devenu leur film, derrière lequel le monde infirmier est en train de se mobiliser.

     

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard