Il ne connaissait rien de son nouveau sujet avant de se lancer dans l’aventure. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Stéphane Bron apprend vite. Après Maïs im Bundeshaus (Le génie helvétique), où il nous entraînait dans les arcanes du pouvoir, Cleveland contre Wall Street consacré à la crise des subprimes et L’Expérience Blocher où il suivait le tribun suisse, le réalisateur vaudois opère une immersion passionnante de dix-huit mois, de janvier 2015 à juillet 2016 à l’Opéra de Paris.
Une réussite en effet que ce voyage dans le temple de l’art lyrique et de la danse, commençant avec l’arrivée de son nouveau directeur Stéphane Lissner, accompagné du chef Philippe Jordan et du responsable du ballet Benjamin Millepied (il démissionnera de son poste un an plus tard). Quel que soit le thème de ses films, Jean-Stéphane Bron nous bluffe par sa manière de regarder et de raconter.
Sans souci de chronologie, d’analyse ou de critique, mais avec un sens aigu de l'observation et de jolies touches d’humour, il nous laisse visiter cet imposant navire aux 80 métiers, aux 1000 collaborateurs fourmillant de jour et de nuit, métaphore d’une société.
Entre préparation de la conférence de presse inaugurale, visite de François Hollande, auditions, répétitions, engagements, présence spectaculaire d’un taureau sur les planches, conflits parfois violents, discussions syndicales, prix des billets, remplacement in extremis d‘une vedette malade, démission de Millepied, l’auteur nous fait saisir dans son documentaire les gros enjeux de la prestigieuse institution, la complexité de son fonctionnement dans ses aspects politiques, sociaux, techniques.
Des bureaux à la scène, des coulisses aux ateliers, on découvre ainsi ceux qui, marins ou commandant, oeuvrent sans relâche à l’excellence des spectacles annuels, dont Bron ne montre toutefois que peu d’extraits. Il se focalise davantage sur les passions humaines, des tranches de vie, des personnes. Deux régisseuses qui chantent une partition, une danseuse qui s'effondre après sa performance, des maquilleuses.
Et surtout le talentueux jeune baryton-basse Mikhaïl Timoshenko, fraîchement débarqué de son Oural natal. Joyeux, reconnaissant, ébloui par le lieu, avide d’apprendre le français, le prodige en formation est aussi irrésistible que désarmant de naturel.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 12 mai.