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  • Grand écran: "Corporate", plongée dans un univers impitoyable. Avec Céline Sallette et Lambert Wilson

    aaaacorporate.jpgC’est la place de l’homme au sein de l’entreprise, un univers de plus en plus impitoyable, qu’a choisie Nicolas Silhol pour son premier long-métrage, Corporate, racontant l’histoire d’Emilie Tesson-Hanson. Jeune, brillante et implacable cadre des ressources humaines au sein d’un grand groupe agroalimentaire, elle est chargée du «dégraissage» en exécutant les ordres du PDG sous forme d’un plan de restructuration déguisé.

    Une gestion par la peur, évitant le mot de licenciement mais poussant cyniquement les salariés indésirables à la démission. Ou pire. Un jour, l’un des employés du service d’Emilie dont elle voulait se débarrasser, se suicide en se jetant sous ses yeux dans la cour de l’immeuble du siège parisien et une enquête est ouverte par l’inspection du travail.

    Emilie, engagée pour sa réputation de "killeuse", se rend compte de son rôle dans le drame. Elle n’est évidemment pas seule en cause, mais confrontée aux dénégations de la direction, qui lui met la pression en voyant en elle le fusible idéal, elle va s’employer à mouiller ses supérieurs en divulguant leur stratégie vicieuse visant à accroître les profits. A la fois une question d’humanité et de survie.

    Dans ce polar social sous tension permanente, l'auteur nous emmène dans les arcanes de la firme et se livre en connaisseur à une étude sociologique en analysant froidement les méthodes modernes de management ainsi que leur impact déplorable sur les rapports humains dénués de tout sentiment.

    Excellents comédiens

    Intelligent dans son propos d’une actualité aussi sombre que brûlante, évitant de juger, sec et austère dans son traitement au service d’une mise en scène brute en accord avec un thème passionnant, symbolique d’un grave dysfonctionnement dans nos sociétés, l’opus révèle un auteur plus que prometteur. Une réussite à laquelle contribuent par ailleurs grandement les comédiens

    A commencer par Céline Sallette, excellente en RRH antipathique, froide, distante et sans scrupule. Une prestation à contre-emploi pour cette actrice solaire, à la fois expressive, vive et bienveillante. Incarnant le déni mais dégageant une autorité naturelle, l’élégant Lambert Wilson en col roulé impeccable se montre parfait dans le rôle de son supérieur, tout comme Violaine Fumeau dans celui d’une inspectrice du travail se muant presque en assistante sociale.

    aaaasilhol.jpgL’intérêt pour le monde du travail de Nicolas Silhol (photo), récemment rencontré à Genève, lui vient de son père, professeur de management dans une école de commerce et consultant en ressources humaines, avec qui il a souvent discuté de ces questions. Il a eu l’idée de Corporate suite à la terrible vague de suicides chez France Télécom en 2008 et 2009.

    Comment avez-vous procédé?

    En découvrant ce système de gestion par la terreur qui pouvait détruire des vies, j’ai abordé mon film sous l’angle de la responsabilité de ceux qui font le sale boulot. On connaît mal l’entreprise. Je désirais être le plus juste possible. J’ai rencontré plein de gens, des inspecteurs du travail en ce qui concerne les enjeux juridiques. Comment établit-on un lien entre la mort d’un individu et son rapport à son job? Mais j’ai aussi vu des responsables des RH, des sociologues.

    Corporate est porté par une étonnante Céline Sallette à contre-emploi.

    C’est une formidable actrice, forte et fragile, avec qui j'avais très envie de collaborer. Il s'agissait d'un vrai défi pour elle. L'’expérience et la possibilité de construire un rôle nouveau l'ont séduite. Sensible au sujet, elle a accepté tout de suite. Cette "killeuse" antipathique, opaque, coupée de ses émotions et qui va progressivement se reconnecter, provoquait chez elle un mélange de fascination et de répulsion.

    Son personnage est inspiré par une vraie manageuse.

    Effectivement. Elle m’a raconté la façon dont elle mettait la pression sur les salariés dans le but de les mettre dehors. Avant de finir par craquer elle-même. A la faveur de cette rupture, elle a décidé de changer de métier.

    Quid du choix de Christophe Lambert dans la peau d’un DRH?

    Il me fallait un comédien connu et charismatique, car je ne voulais pas juste un salaud, un grand méchant. Il était aussi important qu’il ait un lien fort avec Emilie. Ce qui choque avant tout chez lui, c’est sa façon d’être dans le refus total de responsabilité dans le drame, exprimé par ailleurs avec beaucoup de violence. 

    Après cette plongée au sein de l’entreprise, Nicolas Silhol souhaite explorer d’autres sujets ancrés dans le réel et qui posent question. Toujours dans une même veine, en restant dans la fiction.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 5 avril.

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