Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Les six heures de «Karamay» valent bien un Léopard d’Or

     

    «Six heures c’est trop, je ne tiendrais jamais, même avec un entracte»…  La longueur du documentaire du Chinois XU Xin rebute plus d’un festivalier, y compris les critiques. Du coup, ces derniers ne se sont pas bousculés au portillon pour la projection de presse, qui en a vu par ailleurs beaucoup ne cesser d’aller et venir dans la salle. Pourtant les six heures de Karamay pourraient mener son auteur tout droit au Léopard d’Or. Surtout face à des prétendants bien moins sérieux côté fiction.

     Son film en forme de réquisitoire, aussi puissant que bouleversant, revient sur une terrible tragédie qui s’est déroulée en Chine le 8 décembre 1994 à Karamay, une ville construite de toutes pièces il y a 50 ans, suite à la découverte de pétrole dans la région. Ce jour-là, huit cents professeurs et écoliers, ces derniers triés sur le volet, l’élite, la crème de leurs différentes classes, donnaient leur spectacle annuel de chant et de danse au Palais de l’amitié devant les représentants officiels de l’éducation, lorsque soudain la scène prit feu.

     Les élèves furent alors sommés de demeurer assis pour que les VIP locaux puissent sortir les premiers. Tous survécurent, tandis que 323 personnes périssaient dans les flammes, dont 288 enfants de 6 à 14 ans, piétinés, asphyxiés, brûlés. Mais immédiatement, le gouvernement s’employait à enterrer l’affaire, muselant les médias en censurant l’information.

     Professeur dans un collège à l’époque, Xu Xin avait malgré tout entendu parler de ce drame car des bruits circulaient. Treize ans plus tard, en 2007, il décidait de donner la parole aux parents des victimes. Leurs témoignages poignants en noir et blanc sont entrecoupés de vidéos en couleur de la catastrophe, de scènes du spectacle avant le déclenchement du feu, d’images télévisées édifiantes.

     Au fil de ce documentaire monumental, ceux qui, surmontant leur crainte de l’autorité, ont eu le courage de s’exprimer devant la caméra crient leur chagrin, leur impuissance, leur frustration, leur douleur qui ne s’apaise pas. Une souffrance qui va au contraire croissant au fur et à mesure de la progression du film. Mêlée de colère, de violente critique contre le gouvernement et le parti.

     Marqués à vie, se qualifiant parfois de personnes désormais  anormales et déséquilibrées,  ils veulent surtout savoir pourquoi leur enfant a perdu la vie. Poussés par une soif de justice, ils demandent la réouverture de l’enquête, une vraie punition pour les responsables et le droit au statut de martyrs pour les disparus.

     Car si au début ils ont cru à un déplorable accident, petit à petit  ils se sont rendu compte de ce qu’il y avait derrière: des manquements monstrueux et coupables à une sécurité  élémentaire. Evidents à tant de niveaux qu’un parent, dans un témoignage qui n’engage évidemment que lui, n’hésite pas à parler de crime prémédité. Fustigeant au passage le peuple chinois. «Nous sommes pauvres, ignorants et malades depuis longtemps. C’est notre tragédie. Nous sommes une race égoïste. Mieux vaut  une vie misérable qu’une mort honorable. Face au danger, nous nous révélons sous notre vrai jour… »

     Tout cela méritait bien un développement de six heures. Et encore le réalisateur pensait-il à 12 heures, un temps à son avis convenable pour un tel sujet. Il a finalement renoncé face aux coûts de production et aux problèmes de distribution.

    Précisons enfin, même si ce n'est pas une surprise, que Karamay est interdit en Chine. Quant à XU Xin, interrogé sur les pressions ou les menaces dont il aurait pu faire l'objet, il a déclaré ne pas avoir été inquiété pour l'instant.

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard
  • Le retour du roi à la couronne en berne

    Certes, la légende reste la légende avec ses seize grands Chelems. Mais que ce troisième rang me blesse la rétine, quand je le vois implacablement écrit noir sur blanc. Rappelant que le roi, à la couronne en berne depuis l’Open d’Australie, erre misérablement sur les courts à la  recherche de succès qui lui permettraient d’entamer un semblant de remontée vers les sommets.

    Mais vu la quantité de points à défendre pour tenter, ne serait-ce que de se rapprocher de Nadal, ça va être coton. Même si Federer affirme que dans le fond, ce n’est qu’une question de temps. Il est vrai qu’il vient d’opérer un retour gagnant à Toronto salué bien bas par les fans et portant ainsi à 210 ses triomphes dans les Masters 1000. Un nouveau record pour le Bâlois, plutôt content de lui en l’occurrence.

    A part ça, la tenue de l’Helvète aux bras pas trop noueux fait jaser sur la Toile et ailleurs. A cet égard, on parle beaucoup de «body language» pour tenter d’évaluer la motivation des joueurs. Eh bien, à mon avis, les fringues ça vous raconte également quelque chose.

    Je m’explique. D’un côté vous avez Sa Grâce et son petit maillot rose layette sur un short brun-beige. De l’autre, le pitbull de Manacor, arborant lui aussi un T-shirt rose, mais fluo pétant sur un bermuda d’un blanc éblouissant, le tout en jetant un max. Du coup le Bâlois, imprudemment qualifié de prédateur par certains , (pourquoi pas de panthère tant qu’ils y sont!), a l’air délavé face à l’Ibère plus flamboyant que jamais. Même s’il a curieusement mis un temps fou à se débarrasser du Vaudois Wawrinka dans son premier set du tournoi canadien.

    Bref, je me demande avec angoisse la durée de cette reprise pour Rodgeur après trois semaines. Qui a donné un deuxième début de rèponse un s'imposant également contre le Français Llodra. Rien d'étonnannt en somme. Mais dans la mesure où le maestro en délicatesse se laisse aujourd’hui terrasser par à peu près n’importe qui, c’était un peu la panique.

    Et je ne sais pas si le succès des footeux suisses m’aurait apporté une grande consolation en cas de revers sévère de mon tennisman préféré au troisième tour. Il paraît pourtant que leur résultat étriqué contre les Autrichiens en match amical est de bon augure pour la campagne de l’Euro 2012. J'en doute, mais il est vrai que c’est toujours mieux que la France qui, comme je le pressentais dans ma précédente chronique a trouvé moyen d’aller perdre contre la Norvège à Oslo. Replongeant les supporters dans un désespoir qu’ils venaient à peine de surmonter après la débâcle sud-africaine.

    Cela n’empêche pas d’optimistes spécialistes tricolores du crampon de voir du plus volontaire et du plus frais dans cet échec annoncé aux couleurs du drapeau national : le bleu des joueurs, le blanc de Laurent et le rouge de la honte. C’est ce brave Domenech qui doit prendre son pied !

    Lien permanent Catégories : Les pieds dans le plat
  • Entre compétition et Piazza, c'est la soupe à la grimace

     A mi-parcours, le festivalier renâcle. Et pour cause. En dépit de quelques éclats de grâce et de beauté, on navigue entre le cul et l’ennui à Locarno. Quand on n’a pas droit aux deux.

    Certes le sexe peut séduire. Par exemple chez Benoît Jacquot, qui a ouvert les feu sur la Piazza Grande avec Au fond des bois. Tombée sous l’emprise mentale d’un vagabond pouilleux une jeune file le suit dans la forêt où elle se fait violer. Mais le cinéaste évite la complaisance en surfant sur ce fait divers datant de 1865. En revanche, si Olivier Père garde le cap côté compétition, il s'est montré nettement plus hard avec le porno gay gore de Bruce LaBruce L.A. Zombie. Où une grotesque créature hypermoche sortie des eaux se mue en thérapeute de choc, baisant  frénétiquement des cadavres pour les ressusciter.

    En vedette donc, François Sagat, spécialiste du X. Apparemment conquis par les dons cinématographiques du monsieur, le nouveau boss n’a pas hésité à placer, toujours en concours, Homme au bain de Christophe Honoré. Permettant ainsi à l’acteur, bodybuilder aussi large que haut, d’exhiber également ses charmes dans ce film de garçons à la libido déchaînée, tourné entre la France et  New York. Ce qui n’a pas empêché Chiara Mastroianni de vouloir s’imposer dans l’histoire. Du coup elle joue les utilités. Sinon l’appât pour les spectateurs. A venir, pour équilibrer les choses, le troisième long métrage d’Isild Le Besco, Heroïne abusée chez Jacquot, l’égérie du réalisateur entraîne un trio lesbien dans les bas-fonds .

    Les neuf autres prétendants au Léopard d’Or vus jusqu’ici se montrent plus réservés sur la question, mais souvent tout aussi plombants  Autant dès lors, bien qu’ils ne méritent pas de mettre le fauve en cage, évoquer les deux ou trois qui émergent de la grisaille. A l’image de Womb du Hongrois Benedek Fliegauf, abordant avec intelligence l’épineux thème du clonage. On peut aussi parler de Im Alter von Ellen de l’Allemande Pia Marais, qui voit une femme en rupture chercher une nouvelle place dans la société.

    Ou pourquoi pas La petite chambre, des réalisatrices lausannoises Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, qui ont eu la chance de travailler avec Michel Bouquet et dont on aura l’occasion de reparler. De son côté, le public  s’est paraît-il entiché de Pietro, de l'Italien Daniele Gaglianome. Son film nous raconte l’Italie berlusconienne sinistrée, à travers le quotidien sordide de deux frères banlieusards, dont l’un est attardé mental et l’autre drogué.

     Et ce n’est pas beaucoup moins indigeste, sur la Piazza. L’Islandaise Valdis Oskardottir nous a proposé une comédie noire aussi lourdingue qu’outrancière sur fond de crise économique, tandis que les Américains Mark et Jay Duplass sondaient les vilaines intentions de Cyrus, amoureux de sa maman et déterminé à lui pourrir sa relation avec son nouveau compagnon. De son côté le Français Cédric Anger a concocté L'avocat, un polar en forme de téléfilm, au casting d’enfer (Benoît Magimel, Gilbert Melki, Erica Caravaca) mais au scénario plus troué qu’un morceau d’Emmental. Et dire qu’il était journaliste aux Cahiers du cinéma !

    Bref, autant dire que ça ne rigole pas tous les jours à Locarno. Mais remarquez, à quelque chose malheur est toujours bon. Alors que la rétrospective Ernst Lubitsch peinait à démarrer, la salle affichait complet  dimanche. Dur, dur de régater avec Ninotchka.

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard