Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

le blog d'Edmée - Page 476

  • Festival de Locarno: "L'expérience Blocher" à l'épreuve de la Piazza Grande

    20101124-lunch-with~s600x600[1].jpgLes mesures de sécurité avaient été renforcées sur la Piazza Grande et dans la cabine de projection en raison de rumeurs de menaces visant à empêcher la séance du soir sous les étoiles. L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron continue à provoquer des remous suite aux critiques socialistes autour de la subvention de fédérale allouée à un documentaire sur un politicien de droite.

    Plus précisément le ténor de l'UDC qui a forcé le réalisateur à se poser quelques questions avant de mener son projet à terme. A commencer par celle-ci? Comment faire le portrait d’un homme dont on ne partage ni les idées, ni les méthodes, ni les idées,ni les convictions? Bron y répond avec une expérience de cinéma en mettant en place une stratégie, comme dans ses œuvres précédentes.

    Il ne propose donc pas une enquête dans cette fable sur le pouvoir à valeur de document, émaillée de clins d’œil au septième art, notamment à Citizen Kane d’Orson Welles. Il nous livre avant tout un face à face inédit se déroulant essentiellement dans une voiture. Un poste d’observation pour le cinéaste qui raconte de l’intérieur, à la première personne et à partir de l’automne 2011, l’histoire du tribun zurichois en campagne pour les élections fédérales. Une façon de s’impliquer dans le processus en créant un hors-champ.

    Au cours de ce périple rythmé par d’innombrables discours, de rencontres avec ses partisans, les non familiers du personnage découvrent la vie de ce fils de pasteur pauvre aux origines allemandes qui va devenir en quelques années un industriel milliardaire. Et une bête politique qui a provoqué, contre toute attente, le refus des Suisses d’entrer dans l’EEE en 1992. Le fameux dimanche noir. Et pourtant la star, accédant au Conseil fédéral en 2003 avant d'en être évincée quatre ans plus tard, a exercé une telle influence dans les années 1990 et 2000, qu’elle a profondément modifié le paysage helvétique.

    Ceux qui attendent un opus agressif, à charge, réglant le sort d’un vilain bonhomme à coup de critiques ou de révélations explosives seront déçus. Ils n'apprendront même rien sur l'homme public dans ce film de cinéaste qui n'avait pas l'intention de faire un pour ou un contre. Mais de boucler en quelque sorte une trilogie commencé avec Le Génie helvétique en 2003 tourné avant la crise économique, Cleveland contre Wall Street (2010) pendant et L’expérience Blocher après. "Le fil rouge est la démocratie à travers un prisme qui est Blocher", explique-t-il à la conférence de presse.

    l-experience-blocher_c_Frenetic--672x359[1].jpgEn passant dix-huit mois au contact de l’un des politiciens les plus haïs et admirés du pays, n’a-t-il pas craint de se laisser manipuler? "Non. je ne lui donne pas la parole. Je rappelle que le film s’intitule L’expérience Blocher, et non Le système Blocher. Je raconte mon expérience avec lui. Notre relation n‘a pas évolué".

    Le cinéaste ne révèle pas non plus quelle a été la réaction de son "acteur" en se découvrant dans ce documentaire, se contentant de déclarer qu’il n’a demandé aucun changement. Il raconte aussi que tout ce qu’il a demandé à Christoph Blocher il l’a fait et que c’était assez jouissif.

    On pénètre ainsi dans da maison, dans son intimité. On le voit nager dans sa piscine, effectuer quelques exercices, se mettre de la crème sur le visage, ou encore chanter un air d'opéra dans son château de Rhäzüns. Sa femme Silvia, qui voyage souvent avec lui, s’est également pliée à une mise en scène pour le moins surprenante. Bron la filme en train de lire dans son lit, à l’hôtel, tandis que son mari travaille à côté…

    Certains ont reproché au cinéaste de glisser sur la surface, de ne pas avoir réussi à percer ses secrets, son mystère. D’avoir par exemple utilisé une voix off pour meubler, parce qu’il n’en avait pas appris autant qu’il l’aurait voulu. "Pas du tout. Encore une fois c’est une expérience, Je n’ai pas posé de questions pour en savoir plus. Je n’ai travaillé qu’avec des sources connues. Je me suis interdit d’aller au-delà. Il s’est livré petit à petit. Au bout d’un an, j’ai découvert qu’il détestait le crépuscule. Il a des angoisses vespérales".

    Enfin, concernant la polémique provoquée par la gauche sur la subvention que la Confédération lui a accordée, Bron l’estime normale."Mais maintenant, j’espère qu’on va passer au débat. Le film est fait pour ça".

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard
  • Festival de Locarno: pour Jacqueline Bisset, le cinéma passe aussi par l'estomac!

    get[5].jpgLa plus belle femme de tous les temps... C’est ainsi que l’avait une fois qualifiée Newsweek. Une simple déclaration et non un fait, remarque modestement Jacqueline Bisset dans le quotidien officiel du festival, ajoutant qu’une telle affirmation était plutôt désobligeante pour toutes ses congénères.

    La comédienne, née en 1944 en Angleterre, est venue à la rencontre du public après avoir reçu à son tour son Léopard d'Or. Comme Faye Dunaway, Anna Karina, Christopher Lee ou Sergio Castellitto, elle a évoqué sa carrière, dévoilant avec grâce, naturel et humour une part plus intime de sa personnalité à travers une foule de petites anecdotes. D’où il ressort que le cinéma pour elle passe aussi par l’estomac.

    Il est clair qu’elle aime manger et boire. Ses souvenirs de tournage sont liés à un verre de vin, à la découverte du pernod, au bonheur de désobéir à un cinéaste, qui avait interdit l’alcool à ses protagonistes, en descendant quelques margaritas en douce. Aux repas pris en commun. "Pas seulement parce qu’on se nourrit. La pause, c’est aussi un moment privilégié pour discuter avec ses partenaires".   
     
    get[1].jpgAlors qu’on a pu la voir à Locarno dans Under The Vulcano (1984) de John Huston, elle est aussi la vedette de Rich And Famous (1981), dernier film de George Cukor à qui le festival consacre sa rétrospective 2013. Jacqueline Bisset l'a redécouvert avec un immense plaisir sur l’écran géant de la Piazza grande et se déclare fière d'avoir coproduit cet opus dont elle a adoré le scénario.

    C’est avec le célèbre réalisateur qu’elle a appris le langage du corps. "Au début les acteurs sont rigides. Ils se cachent derrière des gestes. Puis ils se détendent et les oublient. Ils avaient intérêt car Cukor détestait les poseurs. Avec lui, la seule difficulté c’était son obsession de la rapidité tant il craignait de perdre les spectateurs en ralentissant le rythme. Plus vite, plus vite ne cessait-il de nous répéter. S’il avait eu un fouet,  il s’en serait servi… "

    Mais avant d’en arriver là, Jacqueline Bisset a rappelé ses débuts, précisant qu’elle n’avait jamais été mannequin, ainsi que tout le monde le prétend. "Pendant cinq mois, j’ai essayé de gagner un peu d’argent en faisant des photos. Ce n’est pas cela être un mannequin. D’ailleurs je n’étais pas bonne. Mais j’ai eu l’occasion de rencontrer de fantastiques photographes qui m’ont enseigné l’importance de la lumière".

    De fil en aiguille, elle s’est retrouvée à jouer des petits rôles dans Cul de sac (1966) de Roman Polanski aux côtés de Catherine Deneuve et dans Voyage à deux de Stanley Donen l’année suivante, où elle donnait notamment la réplique à Audrey Hepburn. Une Audrey qui, à son désespoir, ne mangeait qu’une tomate et un peu de pain à déjeuner…

    nuit_americaine_1973-2[1].jpgL’actrice raconte aussi sa collaboration avec François Truffaut dans La nuit américaine (1973). Elle se demandait en fait pourquoi il l’avait engagée. "J’étais une sorte de hippie qui vivait sur la plage. Mais il avait pris sa décision après m’avoir vue dans The Mephisto Waltz. J’ai ainsi eu l’impression d’être vraiment choisie par lui et non par le directeur du casting. Et c’est un bon sentiment. Toutefois  là encore s’est posé un petit souci de bouffe, Truffaut n’étant pas intéressé par la cuisine. En plus il ne buvait pas...

    Dans le même ordre d’idée, elle pense que la réputation d’un Chabrol grand gastronome était surfaite. Elle ne semble pas non plus avoir beaucoup apprécié son rôle dans La Cérémonie (1995). Alors qu’elle avait été immédiatement traumatisée en débarquant dans un hôtel qui lui faisait penser à celui de Shining,  elle se sentait comme une poupée dans cette peau de bourgeoise que Chabrol lui avait assignée… "Nous n'avons pas eu une relation chaleureuse. Non seulement Il ne laissait pas place à l’improvisation, mais comme il détestait les bourgeois, à la fin il nous a tous tués!"

    Une occasion pour elle de définir les qualités principales d’un réalisateur. "C’est le grand-père du plateau. Il doit être chaleureux, ouvert, capable de capter les moments de vérité, permettre aux acteurs de répéter, les respecter, voire les aimer. "Certains s’en foutent et ne sont franchement pas cool. A se demander pourquoi ils font ce métier."

    Ce n'est pas le cas d'Abel Ferrara, avec qui Jacqueline Bisset vient de tourner Welcome to New York, adaptation apparemment scabreuse de l’affaire qui a provoqué la chute de DSK, l ’ex-directeur cavaleur du Fonds monétaire international. Elle incarne Anne Sinclair, aux côtés de Gérard Depardieu.

    Du film, l’actrice ne révèle pas grand-chose, mais trouve Ferrara tendre sous sa carapace de New Yorkais sauvage. Elle chante par ailleurs les louanges  de Depardieu. "Nous nous sommes bien entendus. C’est un charmeur, un homme attachant, généreux, enthousiaste, déployant une énergie phénoménale et montrant un énorme appétit de vivre". On ne s'étonnera pas qu'elle ait dîné avec lui.  Un convive qui a dû lui plaire, le grand Gérard ne s’étant à coup sûr pas contenté d’une tomate avec du pain! 

    Lien permanent Catégories : La griffe du léopard
  • Locarno: les Suisses Lionel Baier et Yves Yersin dopent le festival

    ROUSSEAU_201_Lionel_Baier[1].jpgC’est assez rare pour être signalé. Alors qu’il pédalait un peu mollement, le festival vient de passer à la vitesse supérieure grâce à deux cinéastes suisses. Avec une comédie jubilatoire, Les Grandes Ondes (à l’Ouest), Lionel Baier (photo) propose le meilleur film vu jusqu’ici sur la Piazza Grande, tandis qu’Yves Yersin, en lice pour le Léopard d’Or, nous touche au cœur avec Tableau noir, un documentaire sur une petite école neuchâteloise menacée de fermeture.

    En deux mots, Les Grandes Ondes (à l’Ouest) nous ramène à avril 1974, où Julie la féministe et Cauvin le reporter de guerre sont dépêchés au Portugal pour faire un reportage sur l’aide économique suisse. Ils sont accompagnés de Bob, un technicien proche de la retraite qui ne quitte pas sa camionnette Volkswagen. Sur place la tension monte et rien ne se passe comme prévu. Décidés à rentrer à Lausanne, ils se retrouvent en pleine révolution des Oeillets.

    Le talentueux Lionel Baier s’est appuyé des faits et des personnages  réels pour réaliser cette fiction à la mise en scène très maîtrisée, pleine d’humour, portée par d’excellents comédiens comme Valérie Donzelli, Michel Vuillermoz, Patrick Lapp. Fidèle à sa réputation, ce dernier n’a pas manqué d’amuser la galerie lors de la conférence de presse en décrivant un tournage infernal, dirigé par un mégalomane fou doublé d’un tyran. Ajoutant que s’il faisait un film sans lui, il crèverait les pneus de toutes ses vieilles voitures...

    L’intérêt de cette comédie enlevée, c’est aussi son ton. Cette liberté frondeuse que restitue le réalisateur à travers sa reconstitution des années 70, temps d’un soulèvement portugais qui s’est étendu à d’autres pays. D’où la dimension politique qui renvoie également à ce qui se passe aujourd’hui.

    "En 1992, le refus  de la Suisse d’entrer dans l’Europe a été un choc pour ma génération", remarque Lionel Baier, qui avait alors 17 ans. L’idée de l’Europe m’a construit. Ce qui se passe depuis trois ou quatre ans, la façon dont on traite les Portugais, les humiliations subies par les Grecs, les Italiens, les Espagnols, tout cela m’angoisse profondément. Je ne suis pas un cinéaste engagé, mais ce film est pour moi une piqûre de rappel".

    Du coup, on attend avec impatience voir le cinéaste vaudois poursuivre dans son idée de tétralogie qui, après Comme des voleurs (à l’Est) et Les Grandes Ondes (à l’Ouest), le conduira tout naturellement au Nord (Grand-Bretagne et Danemark) et au Sud, en Italie.

    "Tableau noir", une leçon de vie

    get[1].jpgOn change complètement de registre, mais on garde la qualité avec Tableau noir, qui marque le grand retour à l’écran d’Yves Yersin, le fameux auteur de "«Les petites fugues" en 1979. On pouvait craindre qu’il ait perdu la main. Il prouve le contraire avec cette remarquable chronique scolaire à Derrière-Pertuis, un hameau perché sur les crêtes du Jura, dans le Val-de-Ruz.

    Yves Yersin a filmé pendant un an une douzaine d’élèves de six à douze ans, partageant la même classe. On pense évidemment à Etre et avoir du Français Nicolas Philibert qui avait entrepris la même démarche en 2002. Mais Tableau noir n’a rien d’une copie. Il nous laisse découvrir un merveilleux instituteur et sa manière exemplaire, unique, d’enseigner. De l’orthographe au calcul en passant par l'apprentissage de l'allemand, la découverte de la nature, de la spiritualité, tout se transforme en un jeu passionnant doublé d’une véritable leçon de vie.

    Toujours justes, naturels, attachants, souvent irrésistibles, les enfants sont évidemment les premiers protagonistes de la grande réussite de l’œuvre qui vous fait passer deux heures de pur bonheur. Et d’émotion. On ne peut s’empêcher de verser une petite larme à la fin, quand l’école condamnée ferme et que le professeur licencié s’en va. C’est voulu, mais on marche. A fond.

    Lien permanent