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le blog d'Edmée - Page 183

  • Grand écran: "Greta Gratos", légendaire icône genevoise, se dévoile. Passionnant

    Greta_T-dansant_3.jpgIcône légendaire de la scène alternative genevoise, égérie des T-dansants de l’Usine,  Greta Gratos, née sorcière il y a 24 ans, est une diva au look asiatico-gothique, accentué par son trait d’eye-liner, son visage pâle et  sa bouche carmin. La réalisatrice Séverine Barde a consacré un film à cet être fictif fascinant, extravagant, sophistiqué, étrange, troublant, incarnation de l’imaginaire de son créateur, Pierandré Boo, lui-même comédien à multiples facettes, extrêmement cultivé.

    Au fil de ce documentaire passionnant, on découvre une performeuse, artiste conceptuelle, chanteuse, actrice, écrivaine, chroniqueuse, dessinatrice, poétique, politique, porte-parole des causes qui lui tiennent à cœur. Et même invitée au Centre culturel  Les Dominicains en Haute Alsace, un ancien couvent. A l’occasion d’une rencontre, Pierandré  Boo nous en dit plus sur lui et son plus bel outil, cette Greta libre, inventive, se moquant du genre et  qui nous questionne sur notre propre diversité.  

    Pierandré_1.jpg"Je suis une fleur tardive"

    "Je me suis toujours perçu comme une fille dans un corps de garçon et ravi de l’être", raconte l’artiste (photo). "Je ne voulais pas me transformer, perdre mon pénis  Je suis une fleur tardive. Il était prévu que je ne ferais rien de public. Et que je ne sortirais pas de ma chambre. Je me disais cela tout petit. Puis je me suis autorisé à ouvrir mes démarches  en  dessin, sculpture, film, écriture. Je suis allé en artistique au collège, mais Irrité par ce que disait un jury aux Beaux-Arts, j’ai tout brûlé et j’ai voulu défendre la veuve et l’orphelin. Après une année de droit, j’ai décidé de devenir comédien. Je me suis formé sur le tas".

    Pendant 25 ans, Pierandré n’a jamais eu idée d’incarner un personnage féminin. "Greta je ne l’ai pas choisie. Elle a vu le jour par hasard en 1994 lors d’un Bal des sorcières à l’Usine. Comme je n’avais pas l’intention d’apparaître en sorcier, j’avais demandé au maquilleur de dessiner un personnage tout en oeil et en bouche. Quand il  m’est apparu dans le miroir, j’ai vu mon âme. Greta existait, elle devait rester".

    "Un personnage évadé d’un mauvais roman"

    Pour son "géniteur", Greta est une vamp cosmique, une demi-sirène femelle. «Ni une femme, ni un travesti de moi, ni une drag queen. Difficile à cerner, évoluant en permanence, elle s’est évadée  d’un mauvais roman ou d’une toile de maître pour devenir  une comète tournant autour de la terre, une fée qui observe les humains, leur parle avec bienveillance et distance».

    Bien que les propositions fusent des deux côtés, Greta demeure chaste. "Son côté iconique la rend asexuée. Elle casse les codes du genre. Je l’utilise pour attirer l’attention, mais d d’une autre façon. Si Greta couchait, elle ne serait plus. C’est inenvisageable et, de plus, un jeu malsain".

    On pourrait penser que Pierandré se cache derrière sa créature pour se permettre  des choses qu’il n’oserait pas. Mais non. "C’est une figure autonome dont le monde est la scène. Elle fait  à peu près ce que je fais. Paradoxalement, elle m’a apporté une certaine masculinité .Je suis très fleur bleue, avec une tendance à me mettre en retrait".

    De même, on imagine qu’elle est envahissante. Là encore, on se trompe. "C’est une  muse. Elle me stimule, dessine, chante, fait des films. Ce qui est sûr, c’est que je n’aimerais pas être elle au quotidien. C’est beaucoup trop fatigant. Dans ma vie, comme je suis un hyperactif,  elle prend la place que le temps me laisse hors de mes projets. En outre, elle n’intervient aucunement dans mes relations avec les gens. Elle s’absente parfois des mois car je n’ai rien à lui proposer".

    A travers Greta, Pierandré Boo  nous transmet quelque chose d’important. "La différence est fondamentale.  On  peut ne pas être d’accord, on n’a pas à se conformer à ce que le monde veut que nous soyons. Je défends également la beauté". Greta a d’ailleurs encore beaucoup à prouver. On la retrouvera notamment du 21 février au 3 mars au Galpon dans Venus Vocero aux côtés de Loulou, Agnès Martin-Sollien et Sophie Solo, quatre divas venues rendre hommage à la divinissime dont on apprend, au fil des voix l’incroyable vie.

    Séverine Barde est fascinée par l’incarnation

    bardesev.jpgLa réalisatrice connaît Pierandré Boo depuis longtemps et a obtenu toute sa confiance pour réaliser son documentaire, qui a mis dix ans à voir le jour. "Quand j’ai rencontré Greta, à la fin des années 90, j’ai été captivée et surprise par le personnage. J’ai mis du temps pour l’approcher. Je me demandais  d’où  venait cette âme qui prenait celle de mon ami. Au tout début, j’avais fabriqué un miroir sans tain pour filmer discrètement le moment de sa transformation en Greta. Il se maquillait tout naturellement devant la glace, sauf qu’il plongeait son regard dans la caméra".
     
    "J’ai une fascination pour l’incarnation", explique la cinéaste genevoise. "Au départ, je m’intéressais au moment où l’acteur devient un personnage et j’enquêtais sur cette capacité à se métamorphoser auprès de comédiens. Et puis, à force de  fréquenter Greta, je me suis dit qu’il y avait vraiment un truc à faire et c’est elle qui est devenu le sujet unique. Mon but, c’est surtout  de la regarder vivre, poser les questions  de cette existence et ce qu’elle nous raconte de nous. Je témoigne de sa polyvalence en la montrant sur une scène, au milieu de sa cour lors des T dansants, ou dans la rue quand elle manifeste".
     
    Pour elle, Greta est la personnification d’un imaginaire, quelqu’un qui ose, par son extravagance, la singularité, le farfelu, être ce qu’elle est au milieu des autres. "Je l’observe, je la scrute et je trouve que dans le fond, elle n’est pas très différente de vous et moi. Nous sommes tous un mélange de genres".

    A découvrir en avant-première aux Scala, à Genève, le 5 février. Première romande le 6 février à Lausanne et sortie ce même jour dans le reste de la Suisse romande.

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  • Grand écran: "Si Beale Street pouvait parler": l'amour, un bouclier contre la discrimination et l'injustice

    original-cin_ifbealestreetcouldtalk_thumb_1600x900.jpgTriplement oscarisé il y a deux ans pour son magnifique Moonlight, Barry Jenkins revient avec une histoire d’amour, Si Beale Street pouvait parler. Elle se déroule à Harlem, dans les années 70. Amoureux depuis toujours, Tish (Kiki Layne) et Fonny (Stephan James) envisagent de se marier. Alors qu'ils s'apprêtent à avoir un enfant, le jeune homme, victime d'une erreur judiciaire, est arrêté et emprisonné. Avec l'aide de sa famille, la sage, gracile mais déterminée Tish lutte pour prouver l'innocence de Fonny et le faire libérer.

    Le film s'inspire d’un roman éponyme de James Baldwin, l’auteur préféré du réalisateur qui le lui a dédié. Publié en 1974, l'ouvrage avait déjà donné lieu, en 1998, à une libre adaptation intitulée A la place du coeur par Robert Guédiguian. On y retrouvait un couple mixte en zone marseillaise.

    Tout en décrivant cet amour absolu et universel s’élevant contre la haine, l’inhumanité, l’injustice, Fonny étant donné d’emblée comme innocent, Barry Jenkins dénonce évidemment, faisant ainsi écho à l’actualité, la discrimination destructive, l’ostracisme dont sont victimes les Afro-Américains.

    Il y a de la poésie, de la grâce, de la sensibilité et du charme dans ce film au récit déstructuré et composé de flashbacks. Follement romanesque, formellement réussi et profondément émouvant, il est vu à travers le regard de Tish, qui en assure la voix off.

    Pourtant, il séduit moins que Moonlight. Les comédiens sont certes excellents mais aussi trop beaux, incarnant des personnages trop purs, trop propres, trop parfaits, évoluant presque, selon un critique, comme dans un film de Jacques Demy.

    Par ailleurs au-delà de quelques scènes caricaturales, on peut reprocher au réalisateur de trop privilégier l’esthétique au combat de son héroïne, à la passion ardente censée animer le couple, à la violence qui s’exerce contre lui, ce qui contribue à donner une certaine vision aseptisée, voire parfois superficielle à l’ensemble. Barry Jenkins n'en prétend pas moins à l'Oscar de la meilleure adaptation. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 janvier.

     

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  • Grand écran: "La Mule", road movie intime et mélancolique avec Clint Eastwood en passeur de drogue

    screen-shot-2018-10-04-at-1-50-50-pm.pngAlors qu’il n’avait pas fait l’acteur depuis Une nouvelle chance en 2012, Clint Eastwood s’est repris au jeu dans La Mule. Passant donc derrière et devant la caméra, où il incarne un vétéran de la guerre de Corée qui s’est reconverti dans l’horticulture, une véritable passion. A près de 90 ans, Earl Stone n’en mène pourtant pas large. Non seulement il est brouillé avec son ex-femme et sa fille pour leur avoir de loin préféré les fleurs, mais il est fauché et sa petite entreprise risque d’être saisie.

    Il accepte alors un boulot de chauffeur dont un invité aux fiançailles de sa petite-fille, la seule du clan familial à lui témoigner encore de l’affection, lui avait parlé. Il ne va pas toutefois pas rouler pour n’importe qui, puisque sans le savoir, du moins feint-il de l’ignorer au départ, il s’est engagé à servir de mule pour un cartel mexicain de la drogue.

    Un papy insoupçonnable

    C’est du gagnant gagnant. Pour les trafiquants il constitue l’atout majeur, son look de papy le rendant insoupçonnable et pour Earl, sorte de mascotte, le job se révèle des plus juteux, lui permettant se mettre à l’abri, de distribuer généreusement l’argent gagné à ses nombreux amis et à sa famille auprès de laquelle il veut se racheter.

    Au fil de ses trajets, les cargaisons qu’il transporte soit de plus en plus importantes. Mais, comme la mule a une tête…de mule, ne respecte pas les consignes de prudence, s’arrête où il veut et brouille les pistes, il se voit imposer par les chefs narcos un homme de main pour le surveiller. Par ailleurs il va quand même avoir sur le dos Colin Bates (Bradley Cooper), un agent de la DEA (contrôle des drogues), qui met tout de même du temps à piger l’arnaque…

    Ce road movie intime, à la fois joyeux et mélancolique sur fond de drame familial, de faux polar, de critique d’une Amérique laissant tout juste survivre ses anciens combattants, tient de l’œuvre testamentaire au ton crépusculaire dans la mesure où la mort rôde et où il faut faire vite. Il s’inspire de la vie de Leo Sharp, devenu dans les années 80 le transporteur de drogue le plus âgé et le plus rentable du Cartel de Sinalo.

    D’un vétéran à l’autre

    Il marque aussi la deuxième collaboration de Clint Eastwood avec le scénariste de Gran Torino Nick Schenk, dont le héros, Walt, également un vétéran, est un vieux réac raciste, amer, endurci, pétri de préjugés avant qu’il s’ouvre au contact d’adorables voisins.

    Earl est son contraire, un homme charmant, sociable plein d’humour, d’autodérision. La marque d’un Clint Eastwood qui ne peut s’empêcher, clins d’œil aux étiquettes qui lui ont collé à la peau depuis L’inspecteur Harry, de se moquer dans le film d’un groupe de lesbiennes bikeuses et de donner un coup de main à un couple de «nègres» victime d’une crevaison.

    La Mule, au scénario efficace en dépit de situations trop répétitives n’est pas notre préféré de l’auteur. Mais on est touché par cet homme émouvant et tendre en quête de rédemption, à qui le malicieux et charismatique Clint Eastwood chantant de la country en traçant la route, prête, à 88 ans, son physique sec, son visage buriné, ses yeux pétillants et son sourire irrésistible. A ses côtés, il retrouve pour la seconde fois Bradley Cooper, qui avait déjà joué dans American Sniper. Ainsi que sa propre fille Alison et sa petite fille Taïssa Farmiga.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 23 janvier.

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