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le blog d'Edmée - Page 165

  • Grand écran: "Joker", un grand film porté par un Joaquin Phoenix magistral

    maxresdefault.jpgApprenti comédien dans les années 80, Arthur Fleck veut faire du stand up. Au début du film on le voit se maquiller en clown. Devant le miroir, il étire de ses doigts les coins de la bouche, se plaquant sur le visage un sourire forcé. Avant d’affronter la violence de la rue où, pour attirer l’attention, il se tient avec sa pancarte.

    Une bande de jeunes décide alors de la lui voler et le jette à terre, s’acharnant sur lui et le rouant de coups. Le début du basculement dans la folie pour Fleck qui, de plus en plus méprisé, humilié, bafoué de tous devient le Joker, un dangereux tueur psychopathe.

    Avec ce récit des origines du personnage culte, ennemi juré de Batman le plus dingue des super vilains de Gotham City, Todd Phillips, justement récompensé par le Lion d’Or à Venise signe une grande œuvre, très loin des codes des films de super-héros classiques. L’histoire, implacable, brutale, est servie par une réalisation stylée, froide, précise, sans effets inutilement spectaculaires, en dépit de scènes barbares.

    Arthur Fleck vit avec sa mère (qui le surnomme Happy) dans un vieil appartement d’une ville au bord du chaos, malgré les promesses de Thomas Wayne, candidat à la mairie. Todd Phillips décrit une situation où les pauvres, traités comme des parias, sont écrasés par les riches dans un système pourri, cautionné par des médias se cantonnant dans le divertissement futile.

    Todd Phillips évoque l’impunité dans laquelle se croient les puissants face aux faibles. Jusqu’à l’inévitable révolte. Socialement très actuel à l’heure où le fossé s’agrandit entre le peuple et les élites, le propos est manifestement destiné à favoriser l’empathie du spectateur pour ce clown triste, personnage hors norme.

    Une prestation flippante et poignante

    Le réalisateur nous invite à une plongée dérangeante dans l’âme tourmentée et torturée d’Arthur Fleck. Même s’il le dépeint comme un psychopathe auteur de crimes affreux, il en fait aussi une icône, un homme attachant, touchant, séduisant, charismatique, glorifiant carrément ses actions abominables, dont le meurtre d’une mère maltraitante. Nous le montrant comme le sauveur de la classe ouvrière de Gotham City, il nous pousse à plaindre cet être immoral.

    Joker est porté de bout en bout par un Joaquin Phoenix magistral, à la fois sinistre, effrayant, humain, monstrueux, provoquant. Indéniablement sur la route de l’Oscar, faute de ne pas avoir pu être sacré meilleur comédien à la Mostra, l'opus ayant déjà reçu la médaille suprême.

    Grimaçant, mentalement dérangé, décharné, la peau sur les os (il a perdu 25 kilos), sujet à des crises de folie et un rire incontrôlable, symbolique de son mal-être provoqué par une lésion cérébrale, il livre une prestation hallucinante, démente, flippante, perturbante, bluffante, déchirante.

    Sa performance extraordinaire a tendance à occulter celle des autres protagonistes. A commencer par celle, pourtant excellente, de Robert De Niro. Sobre, il offre le contrepied parfait à la folle interprétation de Joaquin Phoenix, dans le rôle de Murray Franklin célèbre animateur de talk show, magnat du petit écran proche du personnage incarné par Jerry Lewis dans La valse des pantins de Martin Scorsese.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 9 octobre.

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  • FIFF de Namur: polar remarquable, "Roubaix, une lumière" décroche le Bayard d'Or

    B9720745537Z.1_20190831172657_000+G26EBP3PU.1-0.jpgIl avait été  ignoré par le jury cannois en mai dernier. Sous la présidence d’André Téchiné, celui du FIFF (Festival international du film francophone) dont la 34e édition vient de se tenir à Namur, a réparé cette incompréhensible oubli. Il a en effet décerné on ne peut plus logiquement son Bayard d’Or du meilleur long-métrage en compétition officielle à Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin.

    C’est la première fois que le fer de lance du cinéma d’auteur français s’attaque au polar. Il livre avec Roubaix, une lumière, un film noir, métaphysique, singulier, sublimé par le face-à-face entre Roschdy Zem, Léa Seydoux et Sara Forestier. Les trois se révèlent impressionnants dans cette affaire à la Simenon, à la fois sinistre et banale. Plus particulièrement Roshdy Zem, qui  compose un policier taiseux tenant à la fois du prêtre, de l’assistant social et du psychanalyste. (Voir aussi notre critique du 20 août dernier)

    Le Bayard de la meilleure interprétation est revenu à Fantine Harduin et Thomas Gioria pour leurs rôles dans le film Adoration de Fabrice Du Welz, qui avait eu en août dernier les honneurs de la célèbre Piazza Grande tessinoise. Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes.

    camille-ffa2019-film-boris-lojkine.jpgLe Prix du meilleur scénario a été attribué à Boris Lojkine et Bojina. Panayotova pour Camille. Cette histoire vraie évoque avec émotion le destin de Camille Lepage (Nina Meurisse, photo), jeune photojournaliste partie en Centrafrique couvrir la guerre civile qui se prépare. Egalement projeté à Locarno, il avait remporté le prix du public.

    Virginie Surdej a décroché le prix de la meilleure photographie pour By the Name of Tania de Bénédicte Liénard et Mary Jiménez. Qui se penchent sur les horreurs vécues par une adolescente péruvienne, forcée de devenir une esclave sexuelle. Cet opus a été également récompensé d’un prix spécial, tandis que la Québécoise Myriam Verreault a reçu une mention spéciale pour Kuessipan. Elle propose une vision réalistico-poétique, aussi originale qu’intéressante, de la jeunesse innue d’Uashat, une réserve de la Côte-Nord.

    Dans la compétition Première oeuvre de fiction, on est moins séduit par le choix du jury Emile Cantillon (composé de cinq étudiants en cinéma âgés de 18 à 25 ans) qui a récompensé Perdrix, une comédie loufoque d’Erwan Le Duc. En revanche Mamadou Dia mérite bien à notre avis le Prix découverte pour son premier long métrage Le père de Nafi. Il imagine une petite ville du Nord du Sénégal qui tombe peu à peu dans l’extrémisme religieux.

    lola.jpgOn signalera encore parmi les nombreux autres prix, Lola vers la mer du Belge Laurent Micheli, qui livre un film bouleversant sur la transidentité à travers l’affrontement douloureux d’une adolescente et d’un père brisé par la mort de sa femme.

    S’obstinant à l’appeler Lionel, son nom de garçon, il la rejette, n’acceptant ni ne comprenant la transition. L'auteur crée ainsi une situation familiale diamétralement opposée à celle du fameux Girl de Lukas Dhont. 

    Le rôle principal de Lola est interprété par la jeune transgenre Mya Bollaers (photo), une révélation. Elle donne la réplique à un très convaincant Benoît Magimel, qu’on retrouve avec un vrai plaisir.

    Avec sa programmation variée de 139 longs et de courts métrages, beaucoup d’œuvres à sujet reflétant la vie et ses problèmes, d’opus engagés, inédits, poétiques, drôles, inédits ou vus dans d'autres festivals, le FIFF a rempli sa mission dans ce cru 2019, en présence de 250 invités et de 340 journalistes: rendre compte une nouvelle fois de la diversité du cinéma.

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  • Grand écran: "Alice et le maire", une brillante fable politique portée par les excellents Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier

    vf_alice_et_le_maire_4838.jpeg_north_1323x718_transparent.jpgAprès trente ans d’engagement politique Paul Théraneau (Fabrice Luchini) le maire socialiste de Lyon, a le cerveau à plat. Inquiète,son équipe décide de lui adjoindre Alice Heimann (Anaïs Demoustier), une jeune et brillante philosophe ultra diplômée, pour lui redonner un second souffle en lui insufflant les idées, le dynamisme et l’énergie dont il est pour l’heure complètement dépourvu. Un dialogue s’instaure, ébranlant leurs certitudes réciproques.

    A quelques mois des élections municipales en France, Nicolas Pariser livre, avec Alice et le maire, une comédie politique décalée sur le désenchantement d’un monde, la vanité, la médiocrité du pouvoir et de ceux qui gravitent autour, en posant intelligemment, sans cynisme mais avec un mordant teinté d’une certaine férocité, la question du rapport entre la pensée et la pratique, la théorie et l’action.

    De facture classique, exigeante, au propos à la fois léger et grave, cette fable politique divertissante et pleine d’humour, se moquant des ors de la République, est portée de bout en bout par un excellent duo d’acteurs parfaitement dirigés. L’auteur nous laisse ainsi voir un Fabrice Luchini généreux, étonnamment sobre et une vibrante Anaïs Demoustier, avec qui le cinéaste a décidé très vite de travailler. Ils se complètent à merveille au fil de ce récit dont les mots constituent le moteur. Les dialogues sont importants et situations où on ne parle pas sont rares.

    Il existe assez peu de fictions du genre en France, les réalisateurs s’intéressant très moyennement au monde politique. C’est l’inverse pour l’auteur d’Alice et le maire qui se passionne pour le sujet depuis l’école primaire et suit de près ce qui se passe. C’est par ailleurs un fan de la célèbre série The West Wing ( A la Maison Blanche) d’Aaron Sorkin). Il nous le confirme à l’occasion d’un passage à Genève.

    "J’éprouve un intérêt particulier pour un milieu qui me semble très riche. J’ai envie de le traiter sans vulgariser. Je suis parti du postulat d’un maire qui a perdu la flamme, qui n’a plus d’idées et d'une femme qui en regorge mais ne sait pas trop qu’en faire. J’évoque leur intériorité, la relation humaine et professionnelle  qui se noue, la confrontation de générations, mais sur un pied d’égalité. Alice est franche, elle a du répondant, elle ne s’écrase jamais devant le pouvoir". D’où l’ombre qu’elle fait aux proches du maire en prenant du galon.

    Nicolas Pariser s’amuse aussi à peindre un tableau critique sur fond de concepts marketing creux, frôlant l’absurde. "Les lieux de discours sont contaminés par le vocabulaire de la com’, ce qui devient un élément comique. Cela dit, j’ai surtout voulu que l’univers que je décris, avec les ambitions et les égos s’y manifestant, ne soit ni trop noir, ni trop angélique".

    Pour autant, Nicolas Pariser n’a pas de message à délivrer. "Je veux juste conserver l’impression que le film peut toucher beaucoup de monde. Mon rêve, c’est qu’on en discute quand on en sort". Enfin, bien qu'il se déroule à Lyon, toute ressemblance avec une personne existante ne serait que pure coïncidence. "Je me suis inspiré de petits bouts d’histoire. Il y a un peu de Delanoë, de Hollande. En revanche, il n’y a rien de Gérard Collomb".

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 2 octobre.

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