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le blog d'Edmée - Page 169

  • Grand écran: "Roubaix, une lumière", un polar brillant et troublant. Avec un trio de choc

    Lea-Seydoux-Claude-Roschdy-Zem-commissaire-Daoud-Roubaix-lumiere-dArnaud-Desplechin_0_729_487.jpgUne nuit de Noël à Roubaix. La commune la plus pauvre de France confrontée à un chômage de masse, au délabrement et à la désespérance.  Insomniaque solitaire, le commissaire Daoud (Roshdy Zem) sillonne la ville. Véhicule incendié, bagarres, plaintes, interpellations, fouilles, tentatives inlassables de démêler le vrai du faux, les affaires courantes d’un quotidien policier laborieux sans cesse recommencé.

    Mais rapidement une enquête va prendre le dessus. En compagnie de Louis (Antoine Reinartz), un bleu qui vient de débarquer, féru de Levinas mais avide de faire ses preuves, le calme et chevronné Daoud va devoir résoudre le meurtre d’une vieille dame esseulée.

    Ses voisines Claude et Marie (Léa Seydoux et Sara Forestier), un couple de lesbiennes d’une trentaine d’années, sont rapidement suspectées. Alcooliques, toxicomanes et sans le sou, elles vont finir par avouer avoir tué Lucette, 83 ans, dans son lit. Un crime sordide pour un butin dérisoire, une télévision, des produits à vaisselle et de la nourriture pour chiens.

    Un changement de registre très réussi

    C’est la première fois qu’Arnaud Desplechin, adepte du romanesque, revenu pour l’occasion dans sa ville natale et désireux de filmer le réel, s’attaque au polar. Le changement de registre est très réussi, même s’il n’a pas convaincu le jury du dernier Festival de Cannes qui a laissé le réalisateur repartir les mains vides..

    Notamment inspiré par Hitchcock et Dostoïevsky, le fer de lance du cinéma d’auteur français livre avec Roubaix, une lumière, un polar noir, métaphysique, singulier, sans suspense, principalement centré sur l’investigation, les témoignages, les interrogatoires, les dépositions, la reconstitution du crime avec des versions passées au crible. C’est la force de ce film réaliste, basé sur une garde à vue authentique ayant déjà fait l’objet d’un documentaire en 2002, Roubaix, commissariat central.

    Entre le prêtre, l'assistant social et le psy

    Cette version fictionnelle, chronique de la misère ordinaire à la mise en scène stylisée qui sonde les profondeurs de l’âme des victimes et des coupables, est par ailleurs sublimée par le face à face entre Roschdy Zem, Léa Seydoux et Sara Forestier. Les trois se révèlent impressionnants dans cette affaire à la Simenon, à la fois sinistre et banale. Plus particulièrement Roshdy Zem, qui  compose un policier taiseux  façon Lino Ventura, empathique, tenant à la fois du prêtre, de l’assistant social et du psychanalyste.

    Daoud est une sorte de personnage utopique à la bonté absolue. Apparemment marqué par un passé douloureux, jamais dans le jugement, il veut comprendre, amener les deux femmes à la dérive à se confesser par le dialogue et la douceur. Il ne demande pas pourquoi, mais comment, cherchant ainsi à ramener Claude et Marie hébétées, perdues, sur le plan de l’humain. Brillant, troublant, émouvant.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 21 août.

    Sortie également de "Diego Maradona", passionnant documentaire d'Afsia Kapadia sur la gloire et la décadence du mythique footballeur, vénéré comme un dieu à Naples avant de devenir un pestiféré. Lire notre chronique du 15 août, à l'occasion de la projection au Festival de Locarno, sur la Piazza Grande. 

     

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  • Festival de Locarno: "Vitalina Varela" de Pedro Costa remporte le Léopard d'or

    oc1132814_p3001_275450.jpgC’était couru et les inconditionnels du cinéaste ont le sourire. Le Portugais Pedro Costa, qui avait déjà remporté la mise en scène en 2014 pour Cavalo Dinheiro, a fait encore mieux en décrochant le Léopard d’or de cette 72e édition pour Vitalina Varela. C’est aussi le nom de sa comédienne principale, à laquelle la présidente Catherine Breillat et ses jurés, dévoilant un palmarès très cinéphile, ont remis le prix d’interprétation.

    Ce drame formellement parfait est tourné presque entièrement tourné dans l’obscurité, Eprouvant par sa lenteur, d’une splendeur d'ébène comme sa protagoniste, il montre une quinquagénaire capverdienne débarquant dans un bidonville lisboète trois jours après les obsèques de son mari. Celui-ci avait quitté son archipel dans sa jeunesse pour chercher du travail en Europe et Vitalina a attendu de le rejoindre pendant 25 ans. Elle se retrouve dans la maison en ruine construite par le défunt et qu’elle va s’atteler à rebâtir.

    Les autres prix

    Le Sud-Coréen Park Jung-Bum, qui a plongé nombre de spectateurs dans une léthargie profonde, a reçu le prix spécial pour Pa-go, tandis que le Français Damien Manivel remporte logiquement celui de la mise en pour Les enfants d’Isadora, une œuvre évoquant Mother, danse solo composée par Isadora Duncan à la suite de la mort tragique de ses deux enfants. Le film rend ainsi hommage à la danseuse mythique aussi libre que créative.

    De son côté Regis Myrupu a été sacré meilleur acteur dans A Febre. Par ailleurs une mention spéciale est allée à Hiruk-Pikuk si al-kisah de l’Indonésien Yosep Anggi Noen et Maternal de l’Italienne Maura Delpero. Enfin Camille du Français Boris Lojkine, a gagné le prix du public. On y suit une jeune idéaliste partie en Centrafrique couvrir la guerre civile et dont le destin va basculer.

    Un mot sur le Lausannois Basil da Cunha que beaucoup voyaient remporter l’or. Avec O Fim do Mundo (La fin d’un monde) qui se déroule, comme l'opus de Pedro Costa, dans un quartier délabré de Lisbonne. Malheureusement pour lui, il est reparti les mains vides. Il aurait pourtant mérité au moins un leopardeau.

    Un cru 2019 convainquant

    Mais il n’y a pas que la compétition à Locarno. Si la nouvelle directrice Lili Hinstin n’a pas renversé la table à cet égard, elle n’en a pas moins concocté un menu 2019 dans l’ensemble convaincant, comme en témoignaient les files de spectateurs dans les diverses sections. Avec parfois la crainte de ne pouvoir entrer.

    Outre la rétrospective Black Light, comme toujours bien suivie, on retiendra l'intéressante et divertissante programmation sur la Piazza Grande, avec cette nouvelle approche de films d’auteurs côtoyant le cinéma grand public. On a déjà cité Magari, La fille au bracelet. Once Upon A Time… In Hollywood, Diego Maradona, Camille. On peut ajouter Days Of The Bagnold Summer, une comédie anglaise plutôt rafraîchissante. Ou encore, dans Crazy Midnight, The Nest, un petit film flirtant avec un fantastique mêlé d’une pointe d’horreur.

    Pour conclure, on dira simplement que Le Festival de Locarno est entre de bonnes mains.

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  • Festival de Locarno: la chasse est terminée. A qui le Léopard d'or?

    1564261169800.jpgDemain tout sera dit avec le dévoilement du palmarès de la 72e édition du Festival de Locarno. Quel film aura l’heure de plaire au jury présidé par la Française Catherine Breillat? A nos yeux, aucun parmi les dix-sept en lice dans une compétition pourtant moins «parent pauvre du festival» que d’ordinaire, ne s’impose véritablement comme un Léopard d’or indiscutable.

    Certains se détachent pourtant, faisant plus ou moins le buzz parmi les festivaliers. Celui dont on parle le plus, c’est O Fim do Mundo (La fin d’un monde) de Basil da Cunha, représentant la Suisse.Dans ce film qui commence par un baptème et se termine par un enterrement, le réalisateur suit le jeune Spira (photo) qui, après avoir passé huit ans dans un centre pour mineurs, retrouve ses potes en revenant dans son quartier lisboète voué à la démolition, où les habitants se débrouillent comme ils peuvent.

    Le cinéaste en profite pour dresser le portrait d’une jeunesse meurtrie, à travers des personnages dont on a volé l’enfance, qui ont perdu leur innocence et prônent le crime à l’ancienne. « J’ai voulu faire un film de résistance, sur la fin d’un monde, représenté par cet endroit, un des derniers maquis où on peut vivre autrement. Une résistance à la modernité. Même si elle s’immisce, il y a une volonté de pas rester rivé à son ordinateur … »

    Pedro Costa pour les inconditionnels

    Cinéphilie oblige, il ne faut évidemment pas oublier le retour du vénéré portugais Pedro Costa, déjà présent à Locarno avec Dans la Chambre de Vanda en 2000. Il se rapproche de Basil da Cunha, du moins par le lieu, avec son neuvième long métrage Vitalina Varela. On y voit une quinquagénaire cap-verdienne, dont le mari vient de mourir, débarquer dans un bidonville de Lisbonne.

    Arrivée trois jours après les obsèques alors qu’elle a attendu son billet d’avion pendant 25 ans, elle va s’atteler à la gestion des affaires du défunt et à rebâtir le souvenir d’une solide maison au Cap-vert. Formellement parfaite, splendidement sombre, nous laissant ressentir la souffrance, magnifiant le visage, le corps et le regard de Vitalina, l’œuvre qui pourrait demeurer confidentielle à l’image des autres films de l’auteur, constitue un sommet pour les admirateurs inconditionnels.

    De Yokogao aux Enfants d’Isadora

    Dans un tout autre registre, on évoque aussi Yokogao, (A Girl Missing), notre préféré par ailleurs, du Japonais Koji Fukada. Il raconte l’histoire d’une infirmière, Ichiko, qui travaille dans une famille dont elle fait quasiment partie. Mais un jour c’est le drame. La fille cadette disparaît et les médias ne tardent pas à révéler que le ravisseur n’est autre que le neveu d’Ichiko. Tout se dérègle alors dans la vie de la jeune femme, piégée par une révélation qu’elle aurait dû garder secrète et qui déclenche une invraisemblable frénésie médiatique. Un film qui vaut surtout par la qualité de l’interprétation de sa principale protagoniste.

    The Last Black Man In San Francisco, de Joe Talbot, compte quelques fans. Il raconte l’histoire de Jimmie Fails qui, dans une ville en pleine mutation à force de boboïsation, rêve de récupérer la maison victorienne de son enfance, construite par son grand-père en plein cœur de la cité et que la famille n’a pas pu garder. Le film a été primé à Sundance au début de l’année. Aura-t-il la même chance?

    A noter enfin que certains ont été envoûtés par Les enfants d’Isadora du Français Damien Manivel, où il interprète à sa manière le solo intitulé La Mère, composé par la danseuse mythique après la mort tragique de ses deux enfants en avril 1913. Dans un geste d’une grande douceur, une mère y caresse et berce une dernière fois son enfant avant de le laisser partir.

    Un siècle plus tard, quatre femmes se confrontent à cette danse déchirante, qui laisse éprouver la sensation de la perte et du vide: une danseuse déchiffre la partition du solo qui l’émeut, une chorégraphe en prépare l’adaptation dansée par une adolescente trisomique, une vieille dame seule assiste à une représentation du spectacle qui la bouleverse. Dans ce film construit comme un ballet en trois actes, Damien Manivel rend hommage à une femme libre qui a révolutionné l’histoire de son art.

    Mais comme on a l’habitude de le dire, le critique propose, le jury dispose. Réponse samedi soir sur la Piazza Grande avant la projection de To The Ends Of The Earth, du Japonais Kiyoshi Kurosawa.

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