C’était l’un des grands favoris. Greta Gerwig et ses huit complices ont donc succombé eux aussi à cette l’histoire «pleine d’humanité qui les a envoûtés et brisé le cœur". Sean Baker raconte la rencontre explosive entre une stripteaseuse de Brooklyn, accessoirement escort et le fils d’un oligarque russe. Le courant passe trop bien entre la volcanique Anora préférant qu’on l’appelle Ani (géniale Mikey Madison) et Vanya, andouille immature qui ne pense qu’à la fête.
Ani met un tel cœur à l’ouvrage que le gamin lui propose, contre paiement, de passer une semaine à sa disposition exclusive dans la luxueuse villa de son paternel avant de l’épouser lors d’une virée alcoolisée à Las Vegas. Mais papa n’est pas d’accord du tout et veut faire annuler le mariage. Déjanté, jouissif, ce conte en forme de thriller newyorkais exalte notamment un super personnage féminin. (Voir aussi notre précédent article).
Juste avant, une Palme d’or d’honneur a été remise à George Lucas, très très longuement applaudi, par Francis Ford Coppola, l’auteur du complètement ignoré Megalopolis.
Les autres médailles
Le Grand Prix du jury est allé à All We imagine As Light de l’Indienne Payal Kapadia. C’était la première fois qu’un film indien figurait en compétition depuis trente ans.
Emilia Perez de Jacques Audiard, même si on imagine sa déception, a raflé deux prix. Celui du jury, tandis que l’une de ses héroïnes, l’Espagnole Karla Sofia Gascon devenait la première comédienne transgenre à remporter l’interprétation féminine, récompense en l’occurrence collective qu’elle partage avec l’ensemble des actrices de cette comédie musicale, Adriana Paz, Zoe Saldana et Selena Gomez.
Côté masculin, c’est Jesse Plemons qui est sacré meilleur acteur pour son rôle dans Kinds Of Kindness de Yorgos Lanthimos
The Substance de la Française Coralie Fargeat, a étérécompensé du Prix du scénario. On a beaucoup aimé cette œuvre gore portée par Demi Moore. C’est un film qui parle des femmes dans le monde et la violence qui les entoure. Virée à cause de son âge, la vedette d’une émission télévisée américaine, ingère une substance qui la rend plus jeune et plus jolie. Une meilleure version d’elle-même en somme. De son côté le Portugais Miguel Gomez remporte le prix de la mise en scène pour Le Grand Tour.
Vu la folle et interminable ovation qui lui a été réservée lors de la présentation de son film au Grand Théâtre Lumière, on pensait qu’il recevrait la Palme d’or. Mais l'Iranien Mohammad Rasoulof a dû se contenter du Prix spécial du jury pour Les graines du figuier sauvage, une œuvre puissante où il livre une grosse charge contre le régime dictatorial de son pays.
«J’ai une pensée pour les membres de mon équipe au courage sans borne, retenus en Iran sous la pression des services secrets », a déclaré le cinéaste. «Je suis trop heureux que le film soit reconnu mais aussi très triste par la catastrophe que vit mon peuple au quotidien, sous un régime totalitaire qui l’a pris en otage…»
Enfin la Caméra d’or récompensant un premier film, est allée à Armand, du réalisateur norvégien Halfdan Ullman Tondel.
Dans la section parallèle Un certain regard,, le jury présidé par le Québécois Xavier Dolan a décerné son prix à Black Dog du Chinois Guan Hu, évoquant la rencontre insolite entre un motard mutique et un lévrier famélique. Avec cette oeuvre simple et émouvante non dépourvue d’humour, le réalisateur nous plonge dans une atmosphère singulière, envoûtante, entre chronique politique critique, étude sociale caustique, dénonciation de cruelles pratiques envers les animaux. Le tout sur fond de road movie dans un paysage lunaire, postapocalyptique, prétexte à de magnifiques images.
Des sélections discutables et des déceptions
Cette 77e édition ne restera pas inoubliable en ce qui concerne la compétition. Comme toujours, certains films, comme L’amour ouf de Giles Lellouche,ou Motel Destino du Brésilien Karim Aïnouz ne méritaient pas d’y figurer et auraient été avantageusement remplacés par des films sélectionnés dans les autres catégories. On a par ailleurs été déçu par des métrages d’auteurs qu’on aime. Par exemple Marcello Mio, un film de potes paresseux signé Christophe Honoré. Ou The Shrouds de David Cronenberg, imaginant un système révolutionnaire, permettant aux vivante se se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls.
Mais bon. Vive le Festival de Cannes quand même et à l’année prochaine!