Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

le blog d'Edmée - Page 2

  • Grand écran. "Dossier 137", fascinante enquête à suspense, portée par l'impressionnante Léa Drucker. Rencontre avec le réalisateur Dominik Moll

    Un jeune homme est gravement blessé à la tête par un tir de flash-ball lors d’une des premières manifestations des Gilets jaunes. Laissé pour mort Guillaume survivra, mais sa vie est gâchée en raison d’importantes et irréversibles séquelles neurologiques. Comme il ne peut pas le faire, sa mère porte plainte à sa place. Chargée de déterminer les responsabilités, Stéphanie (Léa Drucker), enquêtrice à l’IGPN, la police des polices, ouvre un nouveau dossier, le 137. Il va s’épaissir au fur et à mesure des auditions des chefs d’unité pour mieux saisir le contexte du maintien de l’ordre pendant cette manifestation. Qui était où, à quel moment, quels policiers auraient pu causer cette blessure?...
     
    Après le magistral La nuit du 12 (2022), Dominik Moll revient donc avec une autre nuit, également palpitante, celle du 8 décembre 2018. Il propose un film sobre, très documenté. Evitant tout manichéisme, il ne juge pas, ne dénonce pas,  mais démontre, preuves à l’appui, la difficulté de faire reconnaître les violences policières par la hiérarchie et le pouvoir politique.   

    Fausses pistes et rebondissements
     
    Au fil de l’intrigue, Dominik Moll s’interroge sur le rapport du pays avec ses citoyens, le mépris de classe, le dogme du maintien de l’ordre, le sens et le poids des images. Le tout sur fond d’une kyrielle de procès-verbaux qui pourraient plomber l’affaire. Mais au contraire, le réalisateur livre une fascinante enquête à suspense pleine de tension, avec fausses pistes, rebondissements, pressions syndicales, biais possiblement invalidant… …
     
    Dossier 137, sur lequel plane la victime à laquelle Dominlk Moll donne la parole à la fin, est porté par une remarquable Léa Drucker. Impressionnante de justesse, elle se montre parfaite, précise, à la fois froide et empathique dans le rôle de cette grande professionnelle décriée de tous, à l’instar de l’IGPN. Elle va constater qu’il y a des raisons d’Etat, des choses qui la dépassent et qui l’empêchent d’aller aussi loin qu’elle le souhaiterait. Elle essaye néanmoins de maintenir son cap du début à la fin, sans se laisser déborder par ses émotions, s’employant à  résister à toute influence. C‘est également un personnage idéaliste qui veut avancer, avec les contraintes d’un métier particulièrement intense et exigeant.  

    Un pied dans l'IGPN

    Rencontré récemment à Genève, Dominik Moll évoque la nature, le but et les raisons qui l’ont poussé à réaliser ce deuxième film sur la police après La nuit du 12. «C’est un polar qui permet de glisser des thématiques plus profondes. Il pose un regard plus large sur l’évolution de la société, mais surtout amène des questions sur le maintien de l’ordre, les relations entre la police et la population, le rôle de la police des polices».
     
    A cet égard vous vous êtes livré à d’importantes recherches. Vous vous êtes même immergé dans le monde policier

    J’ai effectivement passé des mois à me documenter et surtout mis un pied dans l’IGPN, une institution qui piquait ma curiosité, détestée par les autres policiers et par les citoyens en général, certains par exemple que les enquêtes sur les bavures sont bâclées. A part les gens qui y travaillent personne n’y a jamais mis les pieds. Pour le film, c’était absolument indispensable, sinon il n’y avait pas de film. Je devais en comprendre le fonctionnement, assister à des auditions, parler avec des enquêteurs et enquêtrices. Je pensais qu’on allait me dire non. Au contraire on m’a ouvert les portes, fait rencontrer la directrice. J’y suis resté quelques jours et nous avons eu des échanges cordiaux. Je pense que le succès de La nuit du 12  n’y est pas étranger. 
     
    Venons-en aux Gilets jaunes. Pourquoi ce vif intérêt pour le mouvement? 
     
    C’est venu dans un deuxième temps. Quand ça a démarré, en 2018, on n’y comprenait rien. On était dubitatif. On a mis du temps à comprendre que le malaise était beaucoup plus profond qu’on imaginait. Il y avait pour eux ce besoin d’exister, d’être entendus, de participer aux décisions. Après le Covid qui a tout effacé, je me suis dit mais c’est fou cette mobilisation qui a provoqué un tel bouleversement. Ces revendications que le pouvoir ne veut pas comprendre. Ces deux mondes proches en raison des origines sociales de chaque côté. Du coup, j’ai eu très envie de m’emparer du sujet. .
     
    Le film parle de tout ce qui est lié au maintien de l’ordre, de la confiance qu’on peut avoir dans la police. De la peur aussi qu’elle peut inspirer. Il était important pour vous d’être dans la nuance. Un obstacle pour dire vraiment les choses?
     
    Je revendique en effet tout cela. Je ne suis pas intéressé par l’idée de décider qui est coupable. Ca ne m’empêche pas de nommer clairement certains faits. Par exemple qu’il y a des policiers qui n’ont rien à faire dans la police.  
     
    Deux mots sur le choix de l’excellente Léa  Drucker. On dirait que le rôle est écrit pour elle. En même temps tous ses rôles semblent écrits pour elle. Le talent, tout simplement? 

    Absolument, je valide. J’avais pensé à elle parce que nous avions déjà travaillé ensemble. Mais non, je n’ai pas écrit le personnage de Stéphanie pour elle. En tout cas pas au début. Et puis petit à petit  j’avoue que oui, dans la mesure où elle s‘est imposée, car elle me revenait constamment en tête. Pour ne rien vous cacher, on s’est vu un jour à 11 heures et à 15 heures elle m’a appelé.

    Après cette nouvelle très grande réussite, Dominik Moll ne sait pas du tout quel sera son prochain film. «Je ne suis pas un réalisateur qui enchaîne. Mais pourquoi pas un troisième volet sur la police ? 

    Dossier 137, à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 19 septembre.

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine 0 commentaire 0 commentaire
  • Grand écran: "Des preuves d'amour", comédie pleine d'énergie et d'humour sur la comaternité. Rencontre avec la comédienne Ella Rumpf

    Le 23 avril 2013, l’Assemblée nationale française adopte la loi Taubira permettant le mariage aux couples de même sexe. Un an plus tard, Céline (Ella Rumpf) attend l’arrivée de son premier enfant que porte sa femme Nadia (Monia Chokri). Comme elle veut adopter sa fille, Céline est tenue de suivre une procédure juridique complexe, qui lui permettra d’être légalement reconnue comme mère.
     
    Pour construire son dossier, elle doit notamment réunir quinze lettres de divers personnages, attestant de leur vie commune, de leur projet conjoint d’élever l’enfant, dont une rédigée par sa propre mère (Noémie Lvovsky), célèbre pianiste se produisant partout dans le monde. Céline, qui entretient avec elle des relations houleuses, sera bien obligée d’aller la voir, pour espérer obtenir un témoignage indispensable.
     
    Premier long métrage d’Alice Douard, Des preuves d’amour est un prolongement de son court L’attente, césarisé l’an dernier. S’inspirant de sa propre expérience de comaternité, l’auteure française valorise le lien amoureux, l’énergie et la vitalité de ses héroïnes, tout en relevant à la fois le parcours redoutable d’une combattante au sein d’un système absurde et les affres du couple au quotidien. Elle propose ainsi une comédie dramatique joyeuse, subtile, ironique, pleine d’amour et  d’humour. La musique joue par ailleurs un rôle essentiel dans cette œuvre aux allures d’enquête sociologique, portée par deux magnifiques comédiennes.
     
    Selon la cinéaste, la difficulté était d’associer Ella Rumpf pour qui elle avait écrit le rôle de Céline, à une autre actrice de son talent Car il fallait que les deux puissent exister aussi bien indépendamment qu’ensemble. La Québécoise Monia Chokri se montrant à la hauteur, le duo fonctionne à merveille. Justes et complices, elles s’enrichissent l’une l’autre. De son côté, Noémie Lvovsky se révèle  également convaincante en mère égocentrique, cassante, désobligeante, qui a privilégié sa carrière à la vie familiale. Mais qui ne peut s’empêcher, à la fin, de se laisser aller à une émotion insoupçonnée. Lorsque l’enfant paraît…
     
    Rencontrée à Genève, Ella Rumpf, Franco-Suisse née à Paris et élevée à Zurich, lauréate l’an passé du César de la révélation féminine dans Le théorème de Marguerite d’Anna Novion, raconte:  «Alice Douard a pensé à moi après m’avoir vue dans Grave (2016) de Julia Ducournau. Elle a écrit le rôle en s’inspirant de son propre vécu.  En même temps, ce n’est pas vraiment son histoire, mais elle m’a guidée, m’a aidée à comprendre le côté existentiel de ce parcours qu’elle raconte formidablement, sans grand drame. Après, c’était à moi de trouver le ton, d’en faire sentir l’enjeu». 
     
     Beaucoup de questions et une portée politique
     
    Ce rôle a changé le regard d’Ella Rumpf sur la maternité. «Avant je ne m’étais jamais envisagée comme parent. Depuis, je me pose beaucoup de questions. Ai-je envie d’avoir un enfant?. Est-ce bien raisonnable, aujourd’hui ?  J’ai pris conscience de cette énorme responsabilité. Et puis, c’est quoi une bonne mère? Qui peut en juger? J’aimerais concilier mon travail avec la maternité. Mais c’est compliqué. Surtout en Suisse où on n’aide pas beaucoup les femmes».
     
    Ella parle aussi de la portée politique du film face aux discours homophobes et à l’intolérance. «Luttant contre les discriminations et l’ignorance, il aborde les procédures administratives et judiciaires très compliquées auxquelles étaient confrontées, il y a onze ans, deux femmes désireuses d’adopter un enfant porté par l'une d'elles».
     
    A cet égard, l’actrice évoque le couple d’amoureuses parfois volcanique qu’elle forme avec Monia Chokri. «Elle m’avait marquée dans Les amours imaginaires de Xavier Dolan. Je l’admire et je l’adore. Pour moi, elle représente la force, l’indépendance, la créativité.  Un jour, elle m’a écrit un message sur Instagram et bien plus tard, je l’ai rencontrée. Mais quand Alice m’a dit qu’elle la voulait à côté de moi dans l’histoire, je n’y croyais pas. Je me disais que je n’avais pas le niveau».
     
    Trop modeste Ella Rumpf. D’autant qu’elle a été très demandée ces derniers temps, enchaînant trois films après Des preuves d’amour. A commencer par Coutures d’Alice Winocour aux côtés d’Angelina Jolie, «très sympa sur le plateau». Elle interprète une maquilleuse pendant la Fashion Week. «J’ai fait un stage chez Chanel. C’était intéressant. Une occasion d’aller derrière les coulisses». On la verra aussi dans Jupiter, où un président est confronté à une crise gravissime sur fond d’ultimatum nucléaire. Et enfin dans L’espèce explosive, où des sangliers provoquent une guerre entre agriculteurs et chasseurs.  
     
     «Des preuves d’amour», à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 19 novembre.
     
     

    Lien permanent 0 commentaire 0 commentaire
  • Grand écran: François Ozon revisite "L'étranger" d'Albert Camus. Une brillante réussite avec un excellent Benjamin Voisin

    Après Luchino Visconti en 1967, avec Marcello Mastroianni dans le rôle principal, François Ozon revisite L’étranger d’Albert Camus, monument de la littérature française paru en 1942. Il nous ramène en 1938 à Alger, dont il offre une remarquable reconstitution et s’attache à suivre l’énigmatique Meursault (Benjamin Voisin). 

    Jeune homme d’une trentaine d’années, c’est un modeste employé sans ambition. Alors que sa mère vient de mourir dans un asile, Il demande un congé à son patron pour aller l’enterrer, devoir dont il s’acquitte sans la plus petite larme ou émotion. Le lendemain, il entame une liaison avec Marie (Rebecca Mader), une collègue de bureau, qui tombe très amoureuse de lui. Puis il reprend son quotidien banal. Avant de se laisser entraîner dans les affaires louches de son voisin Raymond Sintès (Pierre Lottin). Meursault finira, sans qu’on sache très bien pourquoi, par tuer un Arabe sur une plage inondée d’un soleil de plomb

    François Ozon nous plonge dans une ambiance lourde et surchauffée qu’il nous fait physiquement ressentir. Il propose une relecture brillante, épurée, politique, contemporaine, de ce roman culte, écrit pour explorer l'absurde, cette conviction que la vie n'a pas de sens évident et que chercher à lui en donner un est inutile. La vie de Meursault, monstre d’indifférence, en est le reflet. Pour lui, rien ni personne n’a de sens. C’est ce qu’explore l’auteur dans une oeuvre à la mise en scène minimaliste et précise, filmée dans un noir et blanc somptueux.  

    Beau comme un dieu, Benjamin Voisin révélé par Ozon dans Eté 85, se glisse magistralement dans la peau de cet homme à la passivité saisissante, perturbante. Mutique, détaché de tout, il n’éprouve rien, ne montre rien. Tout lui et égal. Il sera certes condamné à la peine capitale pour son crime, mais aussi par son absence totale de remord et son incapacité à pleurer la mort de sa mère. A ses côtés, Pierre Lottin se montre très convaincant en grande gueule toxique et insupportable, qui joue les gros bras et bat sa femme. A la hauteur également Rebecca Mader dans le rôle de Marie. Personnage plus développé que dans le roman, elle est pleine de vie, d’amour, de désir, contrastant avec l’impassibilité et l’insensibilité de Meursault. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande, depuis mercredi 5 novembre.

    Lien permanent 0 commentaire 0 commentaire