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le blog d'Edmée - Page 2

  • Grand écran: François Ozon revisite "L'étranger" d'Albert Camus. Une brillante réussite avec un excellent Benjamin Voisin

    Après Luchino Visconti en 1967, avec Marcello Mastroianni dans le rôle principal, François Ozon revisite L’étranger d’Albert Camus, monument de la littérature française paru en 1942. Il nous ramène en 1938 à Alger, dont il offre une remarquable reconstitution et s’attache à suivre l’énigmatique Meursault (Benjamin Voisin). 

    Jeune homme d’une trentaine d’années, c’est un modeste employé sans ambition. Alors que sa mère vient de mourir dans un asile, Il demande un congé à son patron pour aller l’enterrer, devoir dont il s’acquitte sans la plus petite larme ou émotion. Le lendemain, il entame une liaison avec Marie (Rebecca Mader), une collègue de bureau, qui tombe très amoureuse de lui. Puis il reprend son quotidien banal. Avant de se laisser entraîner dans les affaires louches de son voisin Raymond Sintès (Pierre Lottin). Meursault finira, sans qu’on sache très bien pourquoi, par tuer un Arabe sur une plage inondée d’un soleil de plomb

    François Ozon nous plonge dans une ambiance lourde et surchauffée qu’il nous fait physiquement ressentir. Il propose une relecture brillante, épurée, politique, contemporaine, de ce roman culte, écrit pour explorer l'absurde, cette conviction que la vie n'a pas de sens évident et que chercher à lui en donner un est inutile. La vie de Meursault, monstre d’indifférence, en est le reflet. Pour lui, rien ni personne n’a de sens. C’est ce qu’explore l’auteur dans une oeuvre à la mise en scène minimaliste et précise, filmée dans un noir et blanc somptueux.  

    Beau comme un dieu, Benjamin Voisin révélé par Ozon dans Eté 85, se glisse magistralement dans la peau de cet homme à la passivité saisissante, perturbante. Mutique, détaché de tout, il n’éprouve rien, ne montre rien. Tout lui et égal. Il sera certes condamné à la peine capitale pour son crime, mais aussi par son absence totale de remord et son incapacité à pleurer la mort de sa mère. A ses côtés, Pierre Lottin se montre très convaincant en grande gueule toxique et insupportable, qui joue les gros bras et bat sa femme. A la hauteur également Rebecca Mader dans le rôle de Marie. Personnage plus développé que dans le roman, elle est pleine de vie, d’amour, de désir, contrastant avec l’impassibilité et l’insensibilité de Meursault. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande, depuis mercredi 5 novembre.

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  • Grand écran: "Kika", un triple coup de foudre pour son héroïne Manon Clavel. Rencontre

    Venue du documentaire traitant de sujets forts (le vjol dans Sans frapper, le débordement du système hospitalier dans Sauve qui peut), Alexe Poukine se lance dans la fiction, avec un long métrage qui serait un peu, selon elle, la suite d’un court réalisé en 2020. La réalisatrice française évoque le parcours sinueux et incertain de Kika, son héroïne qui donne son nom au film. Assistante sociale, elle s’investit totalement dans son job, et vit en couple depuis 17 ans avec Paul, le père de sa fille. Jusqu’au jour où, suite à un rocambolesque incident, La jeune femme tombe amoureuse de David, un réparateur de vélos.
       
    Elle s'installe avec lui. Mais son nouvel univers s’écroule, quand David meurt brutalement d’un AVC. Enceinte, complètement fauchée, Kika doit trouver très vite de l’argent. C’est ainsi qu’elle va petit à petit découvrir le monde des travailleuses du sexe et les pratiques BDSM dont elle ignore tout. Mais sur lesquelles la cinéaste pose un regard documenté- 

    Entre tensions et émotions, Alexe Poukine traite aussi d’autres thèmes comme la précarité, le deuil, la douleur, la survie, les préjugés. Evitant tout misérabilisme et jugement, passant de la légèreté au drame, elle brosse avec justesse et sensibilité le portrait d‘une femme à la fois forte et fragile, résiliente et audacieuse, attachante et paumée, qui met de côté sa peine et ne cesse de se battre pour avancer. Elle est formidablement incarnée par Manon Clavel, véritablement cocréatrice de son personnage.

    L'humour est sa petite carapace 

    Née aux Etats-Unis, elle arrive à 10 ans en France, intègre le Cours Florent puis le Conservatoire national supérieur d'art dramatique. En 2019, elle obtient un rôle dans La vérité du Japonais Hirokazu Kore-eda. Récemment vue dans la comédie Le répondeur de la Française Fabienne Godet, elle joue l’un des rôles principaux de la série Winter Palace.

    Nous avons rencontré à Genève la comédienne qui séduit par son naturel, son dynamisme et et sa spontanéité. Paradoxale, multiple, impatiente, intense, Manon, omniprésente,  porte pour la première fois un film sur ses épaules. En décrochant de surcroît le rôle de ses rêves. «Quand Alexe Poukine me l’a proposé, j’ai eu un triple coup de foudre: pour le scénario, le personnage et la réalisatrice. J’étais en adéquation, en osmose avec tout, connectée avec Alexe. Imaginez que vous allez dans une soirée. Vous rencontrez une personne que vous ne connaissez pas, mais tout ce qu’elle dit vous parle immédiatement. On sait qu’on vient de la même planète. Le dirais un peu la même chose de Kika. Elle et moi on se ressemble. On utilise par exemple l’humour comme une arme pour se défendre. C’est ce que je fais quand je suis triste, mal à l’aise. C’est ma petite carapace ». 

    Elle devait être aussi perdue que Kika

    Manon Clavel s’est livrée en amont à des recherches sur le rôle en rencontrant des assistantes sociales. «Elles m’ont formée à leur métier. J’ai même assisté à des rendez-vous". En revanche, pas question de mener l'enquête sur les travailleuses du sexe. "J’aurais bien aimé, mais Alexe s’y est opposée Elle voulait que je sois aussi perdue que Kika, sans les codes. Pour que je me mette en danger, que je sois mal à l'aise, que j’aie les mêmes réactions. Peu à peu  je vois des gens et j'apprends énormément sur la douceur, la bienveillance, la tolérance, la solidarité. Le gros problème des discriminations de toutes sortes c’est la méconnaissance. Mais quand on se plonge dans  ces univers, on comprend beaucoup mieux. En fait, c’est ce qu’il fallait à Kika pour qu’elle progresse. Au début d’ailleurs, je pensais que les scènes de domination seraient les plus difficiles à tourner. En fait non, c’était plutôt joyeux. Les plus dures c’était les scènes d’émotion»

    Quand on a trouvé le rôle de ses rêves, en existe-t-il d’autres ? «Oui, bien sûr. Au théâtre, je vais jouer dans la dernière pièce de Marius Von Mayenburg, Ellen Babic. Côté cinéma  Hamé, du groupe La Rumeur et Marion Boyer ont écrit un drame romantique pour Sofian Khammes et moi. J’adore le personnage de la grande amoureuse Enfin j’ai le projet de continuer de travailler avec Alexe et qu’on se retrouve aussi ensemble devant la caméra».

    Kika, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès le 5 novembre.

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  • Grand écran: show Huppert-Lafitte dans "La femme la plus riche du monde". Rencontre avec le réalisateur Thierry Klifa

    Le film s’inspire très librement de l’affaire Banier-Bettencourt. Mégamédiatisée, elle a opposé Liliane Bettencourt, héritière du géant L’Oréal, à sa fille Françoise, suite à la plainte de cette dernière contre François-Marie Banier. L’écrivain et bphotographe, qui avait fait la connaissance de la milliardaire en 1987, lors d’un reportage photo pour le magazine Egoïste, a été condamné en 2016 à quatre ans de prison avec sursis, pour abus de faiblesse. Il avait soulagé son amie Liliane de quelque 700 millions d’euros.
     
    Déplaçant son intrigue dans les années 1990, Thierry Klifa a naturellement changé les noms des protagonistes. Liliane devient Marianne Farrère (Isabelle Huppert), sa fille Françoise se voit appeler Frédérique Spielman (Marina Foïs) et François-Marie Banier Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte). Plutôt fidèle aux faits, le réalisateur raconte, entre comédie, satire et drame familial, comment cette puissante et intelligente femme d’affaires est tombée sous la coupe d’un artiste gay ambitieux, arrogant, avec qui elle a entretenu une amitié amoureuse.
     
     Captivée par un escroc extravagant, insolent et trivial
     
    Le rôle est taillé sur mesure pour Isabelle Huppert. Sans surprise, le visage toujours aussi lisse mais les yeux fatigués, elle se glisse avec aisance dans la peau de cette séduisante sexagénaire. Froide, cassante sinon cruelle, elle s’ennuie à la tête de son empire de beauté, tout en traînant son mal de dos, ses migraines  et son épuisement dans son luxueux hôtel de Neuilly. Jusqu’au jour où elle rencontre Pierre-Alain Fantin, photographe exubérant. Il la flatte, l’amuse avec ses excès, met le bazar dans son univers policé, chamboule tout dans sa vie et la fait joyeusement renaître en l’emmenant dans des boîtes. .
     
    De son côté, Laurent Lafitte se complaît  à l’évidence dans ce rôle d’homosexuel extravagant, exhibitionniste, escroc d’une insolence sans limites, bouffon d’une trivialité sans égale. Mais à force d’en faire des tonnes, il en devient ridicule.  Ce n’est pas l’avis de Marianne. Captivée par cet individu fantasque et burlesque, elle se soumet à tous ses caprices. Provoquant l’effarement de ses proches et la haine de l’austère et dépressive Frédérique, souffrant du désamour de sa mère et qui veut la mettre sous tutelle. Pendant ce temps, le fidèle, discret, ambigu majordome (Raphaël Personnaz), pièce centrale très classe du mélodrame, observe et pose des micros. Il sera sacrifié.
     
    Parabole moqueuse de la lutte des classes,  La femme la plus riche du monde séduit notamment par une mise en scène précise, un travail soigné sur les décors et les costumes. Comédie caustique, elle mise toutefois plus sur le divertissement et le spectacle provocateur que sur l’étude approfondie de son sujet complexe.
     
    «C’est très excitant de faire sauter un coffre-fort»
     
    De passage à Genève, Thierry Klifa nous explique son envie de nous faire entrer chez les ultra riches, un monde à la fois fascinant et obscène. «Au-delà de ce que racontaient les médias, ce qui m’intéressait dans cette affaire Bettencourt, aux accents à la fois shakespeariens et balzaciens, c’était l’intime. Quand je voyais ces gens à la télévision, je voulais en savoir davantage. Parce qu’il y a plus que l’argent. Alors j’ai cherché, imaginé ces personnages, leur vie, dire une autre vérité. En allant derrière les grilles».
     
    «Ce sont des personnes totalement hors sol»
     
    «Il s’agit d’un milieu très dur à pénétrer, car il a ses lois», précise le réalisateur. « J’ai eu la chance d’y être invité et j’avais donc quelque chose à raconter. C’est très excitant de faire sauter un coffre-fort. Ce sont des gens qu’on ne croise jamais dans la rue.  Ils vont de leur villa au restaurant dans leur voiture avec chauffeur, en vacances dans des îles qu’ils possèdent, connaissent des personnes qui leur ressemblent, sont totalement hors sol. Mais ils peuvent être drôles malgré eux, car ils ont de la répartie».
     
    «J’ai écrit le rôle de Maranne pour Isabelle Huppert»
     
    Thierry Klifa a par ailleurs effectué de nombreuses recherches, lu beaucoup sur d’autres familles de mkilliardaires.. «J’ai essayé de ne pas avoir de regard moral. Je voulais être fidèle à l’esprit plutôt qu’aux faits, à la psychologie des personnages, à leur solitude .Je me suis également livré à un travail poussé  sur la façon dont on les représente, les décors dans lesquels ils évoluent, leurs meubles, leurs bijoux, leurs costumes. Isabelle Huppert ne porte pas ide 70 tenues dans ce film».  Et Thierry Klifa d’ajouter qu’il a écrit le rôle pour elle.  «Une composition qui sort de l’ordinaire, portant sur différents registres. Isabelle s’est amusée comme petite folle à jouer cette puissante femme d’affaires dominatrice, cash, violente, séductrice, neurasthénique, qui s’émancipe de tous les carcans. Cette mère aussi, qui n'aime pas son enfant».
     
    «Lafitte me fait penser à Serrault»
     
    L’auteur a également pensé assez vite à Laffitte  pour le personnage de Banier. «Il a cette démesure, cette folie qui me font penser à Serrault. Il va d’ailleurs jouer dans la comédie musicale La Cage aux folles en décembre au Châtelet. Il n’a jamais peur d’en faire trop. Il fallait qu’il soit insupportable qu’il ne cherche pas à plaire, mais à provoquer .Il va faire exploser cette famille, exhumer des secrets. Vous me dites qu’il en fait des tonnes, mais il en fait dans tout, jusque dans sa façon de sexualiser le majordome. Cela dit, je tiens à préciser qu’il ne représente pas les homosexuels. Il ne représente que lui-même». 
     
    «La femme la plus riche du monde» à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 octobre.
     
     
     
     
     
     

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