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le blog d'Edmée - Page 2

  • Grand écran: "Oxana", portrait engagé d'une Femen, activiste radicale et artiste tourmentée. Avec Albina Korzh, magistrale

    Après Slalom en 2021 évoquant la relation abusive entre un coach de ski et sa protégée, Charlène Favier s’est penchée sur la vie de l’Ukrainienne Oksana Chatchko, co-fondatrice dans son pays, en 2008, des Femen, avec Sacha Shevchenko et Anna Hutsol. La réalisatrice française propose, avec Oxana; un bouleversant récit d’émancipation féminie,  en souvenir de cette jeune artiste et activiste qui s’est suicidée en 2018, à 31 ans.  

    Elle en a dix de moins lorsqu’elle se lance, avec ses amies, dans une série de happenings audacieux pour dénoncer le gouvernement corrompu, de l’époque,  la prostitution institutionnalisée  dans son pays, les élections truquées en Russie… Intrépides, le poing levé, couronne de fleurs dans les cheveux, les militantes s’exhibent seins nus, slogans politiques peints sur la poitrine et le corps. Un corps surutilisé qu’elles brandissent dès lors comme une arme. 

    Des militantes mondialisées mais aussi  emprisonnées, et torturées

    Les images de ces actions coups de poing font le tour du monde, le mouvement s’internationnalise et ses membres deviennent des symboles de la lutte contre l’oppression. Ce qui leur vaudra aussi d’être brutalement arrêtées, emprisonnées, torturées. A l’image d’Oksana, qui passionne surtout Charlène Favier. Elle brosse un portrait poignant, tragique, de cette guerrière rebelle et anarchiste, activiste radicale à la personnalité complexe et tourmentée.  
     
    Magistralement  incarnée par Albina Korzh

    Elle se dévoile aussi en fille d’ouvriers orthodoxes, peintre talentueuse d’icônes religieuses, image elle-même de la résistance au patriarcat, qui obtiendra le statut de réfugiée politique en France. Elle est formidablement incarnée par la jeune Ukrainienne Albina Korzh, littéralement habitée par son personnage dans cette œuvre féministe captivante, qui nous en apprend autant sur le collectif que sur ses téméraires adeptes

    Construit en flashbacks, le film raconte la dernière journée d’Oksana, le 23 juillet 2018, avec un retour sur les événements précédents qui convergent vers cette date funeste.  Une structure repensée pour laisser plus de place à la fiction, comme nous explique Charlène Favier, lors d’une rencontre à Genève. Elle nous apprend aussi pourquoi Oksana est devenue Oxana. «Parce que c’est la mienne et que ses amis avaient l’habitude de l’appeler Ox… » 

    Comment l’idée de ce film  vous est apparue?

    J’étais à la recherche d’une héroïne inspirante, plus grande que moi. Un peu par hasard, on me parle d’Oksana, me demandant si je savais qu’elle était une des Femen et qu’elle avait fait les Beaux-Arts à Paris. Mais j’ignorais jusqu’à son existence. Dès lors, en apprenant qu’elle était artiste, j’ai eu envie de me plonger dans son histoire pour essayer d’en savoir plus sur elle. Dès que je l’ai approchée, elle m’a comme possédée. Je devais faire ce film.
     
    Qu’est-ce qui vous a tellement attirée chez elle ?
     
    Sa force, sa fragilité, sa pureté, son ambivalence. Elle était brave, libre, incandescente, mystique, sextrémiste. Une combattante investie d’une mission avec une soif d’absolu. Un personnage hyper romanesque à la Jeanne d’Arc. Elle disait aussi "l'art c'est la révolution". Ça m’a beaucoup parlé. Je me suis reconnue en elle. Attention, je n’ai pas son courage et je ne me prends pas pour Jeanne d’Arc. Mais je suis marginale, un peu à part, obsessionnelle. Tous mes films sont militants. J’ai envie de faire bouger les lignes à traves le cinéma.  
     
    J’imagine que ce ne fut pas simple de trouver une comédienne à la hauteur.

    C’était en effet ma préoccupation majeure, d’autant que je la voulais absolument ukrainienne. Le processus fut long. On était en 2021. J’ai commencé à écrire. La directrice de casting nous lance sur des pistes. Je voulais aller en Ukraine, mais je n’ai pas pu. En même temps il n’était pas question de lâcher l’affaire. J’ai vu 300 filles en zoom. Mais il y avait la guerre et les sessions étaient parfois interrompues par les coupures d’électricité ou des alertes de missiles. J’ai cru que je n’y arriverais jamais. Finalement, c’est dans ce contexte qu’Albina s‘est imposée. Elle m’a bouleversée.  Ce jour-là, on a aussi trouvé les interprètes pour Sacha et Anna .Elles sont toutes venues à Paris après un voyage de vingt-cinq heures en bus. Elles étaient prêtes à tout pour raconter cette histoire. On a travaillé avec la caméra. En voyant Albina, le chef op a pleuré et j’ai su qu'elle était Oksana. 
     
    Vous avez aussi fait énormément de recherches pour vous familiariser avec les Femen 

    Pour raconter Oksana, je devais raconter la naissance des Femen en alors que l’Ukraine était sous la botte du KGB. Et je dois dire qu’’à leur arrivée en France en 2012, je suis passée complètement à côté, comme beaucoup de gens. Faire de son corps un objet politique. S’en servir comme arme au service d’un message, on a eu du mal à comprendre cela chez nous. On les percevait comme des filles sexy, racoleuses, provocantes, et non comme des combattantes. Il était important pour moi de montrer leur exceptionnel engagement. Du coup, j ’ai lu et vu beaucoup de choses, notamment le documentaire du réalisateur suisse Alain Margot Je suis Femen  réalisé en 2014. J’ai travaillé le sujet comme une enquête journalistique, en rencontrant ses intimes, sa mère. Et je me suis fait mon propre avis, même si tout est réel. 
     
    A cet égard, vous évoquez naturellement la trahison, le dévoiement des Femen  avec le débarquement d’Inna Chevtchenko, qui a pris la tête du mouvement, provoquant l’éviction brutale d’Oksana et de Sacha.
     
    Les choses se sont en effet compliquées à ce moment pour des êtres fragilisés par des années de manifestations et de violence. Ina était très ambitieuse, manifestant une volonté farouche de s’en sortir. Notamment en squattant les plateaux télé. Pour Oksana et Sacha, montrer ses seins était une performance artistique et politique. Pour Inna, d’ailleurs réticente à exhiber sa poitrine au début, cela devient un outil médiatique. Dénaturant ainsi  le message originel des Femen. Cela dit, tout en racontant le souffrance d’Oksana, dépossédée de son mouvement,  je comprends le besoin vital d’Inna d’y arriver, avec une manière totalement différente de voir le monde.

    Aujourd’hui, le collectif a singulièrement perdu de sa gloire.  Inna règne toujours sur les Femen, encore actives dans huit pays, mais ne faisant plus que des apparitions sporadiques. Comme celle du 8 mars denier à Paris, où elles ont milité contre l’avancée des extrêmes. 

    "Oxana", à l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 30 avril.

     

     

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  • Grand écran: "Les indomptés" évoque des amours queer face aux interdits, dans l'Amérique des ffties

    Plongée dans l’Amérique des fifties avec Daniel Minahan, auteur d’épisodes de séries cultes comme The  L World, Six Feet Under, The Newsroom  ou encore Game Of Thrones. S’inspirant du roman à succès On Swift Horses (Les indomptésde Shannon Pufahl paru en 2019, le réalisateur se penche sur la communauté queer, dont les membres mènent, face aux interdits stricts de l’époque,. une existence secrète dans la crainte de dénonciations et poursuites allant jusqu'à l'emprisonnement.  

    Dans cette fresque romantique et historique, Daniel Minahan suit en alternance le parcours et les liaisons entrecroisés de ses différents personnages. Jeunes mariés, Muriel (Daisy  Edgar-Jones) et Lee (Will Poulter) s’apprêtent à quitter leur Kansas natal rustique pour une nouvelle vie plus brillante en Californie. C’est alors que débarque Julius (Jacob Elordi) le frère de Lee, flambeur charismatique à la beauté fatale, démobilisé de la guerre de Corée en raison de son homosexualité. "Il n'est pas comme nous", dit d'ailleurs Lee à Muriel, sans se douter de la suite des événements 

    Relations clandestines

    Mais alors qu'on voit le triangle amoureux se former, Julius invité à suivre le couple décide de le quitter pour Las Vegas, où il rencontre Henry (Diego Calva), un jeune immigré mexicain avec qui il entame une bouillante relation clandestine. Tout en se livrant à des ébats torrides, ils montent une dangereuse arnaque au casino. De son côté Muriel, perturbée et en quête d’indépendance après le départ de Julius, se découvre une passion pour les paris hippiques et libère ses pulsions dans les bras de son audacieuse voisine Sandra (Sasha Celle).

    Avec Les indomptés, drame existentiel sensuel et sexuel, Daniel Minahan explore, sur fond de rêve américain,  les tabous, la culpabilité, les tentations refoulées, les désirs inavoués mais assouvis dans un farouche besoin de liberté, d’identité, d’émancipation féminine. Son univers rappelle celui des inoubliables Carol de Todd Haynes ou Brokeback Montain d’Ang Lee, mais se révèle moins bouleversant et vibrant. Principalement en raison d’une structure éclatée, Muriel et Julius vivant une romance platonique à travers leurss rapports avec un partenaire du même sexe. 

    Photographie et reconstitution soignées

    Le film ne manque cependant pas d’atouts, séduisant par sa belle photographie, sa reconstitution soignée des années 1950, et surtout par la prestation de ses protagonistes. Ils sont tous excellents, à commencer par Daisy Edgar-Jones (Muriel), actrice britannique qui s’est fait connaître grâce à la série Normal People. Elle est magnifique d’intensité, de sensibilité et d’émotion contenues, dans son aspiration à un rôle plus exaltant que celui d'épouse aimante au foyer. 

    On en dira autant de l’Australien Jacob Elordi, notamment vu en Elvis dans le mélancolique Priscilla de Sofia Coppola. Nettement plus convaincant que dans son incarnation assez plate du King, il apparaît aussi fascinant que follement sexy en joueur accro au risque et hanté par ses démons. Etoile montante, il pourrait bien faire de l’ombre à l’incontournable Timothée Chalamet, avec son look à la James Dean, dont il avoue être super fan. 

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 avril.

     

    A l’affche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 avril.

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  • Grand écran: "Mexico 86", une mère doublée d'une militante confrontée à un terrible dilemme.

    Une fusillade dans la rue, un homme blessé, achevé par des policiers. De sa fenêtre, sa femme Maria voit toute la scène, son bébé dans les bras. Activiste guatémaltèque, elle lutte contre la dictature militaire criminelle et corrompue de son pays, sous les coups de laquelle vient de tomber son mari. Menacée de mort elle est forcée par ses compagnons d'armes et pour assurer sa survie, de fuir au Mexique, abandonnant son enfant. Dix ans plus tard, son fils, élevé par sa grand-mère, revient vivre avec elle. Maria doit alors choisir entre son devoir maternel et la poursuite de son combat révolutionnaire.

    La petite histoire rejoint la grande dans Mexico 86, thriller politique à haute tension. Tout en condamnant avec force les régimes dictatoriaux, explorant des thèmes comme le sacrifice et le dépassement de soi, le réalisateur belgo-guatémaltèque César Diaz brosse le portrait sensible, subtil et émouvant, d'une mère aimante doublée d’une ardente militante. Il a choisi Bérénice Béjo pour incarner cette femme énergique et courageuse, confrontée à un terrible dilemme dans ce drame à dimension personnelle, politique et sociale. 

    Maria est prête à tout pour protéger son enfant, quitte à le tuer pour lui épargner d’éventuelles terribles souffrances, mais s’en sépare à nouveau, résolue à continuer de mener sa mission. Portant le film, pratiquement dans chaque plan, constamment sous pression, parfois prête à caquer,  la comédienne française remplit son rôle avec une conviction qui emporte l’adhésion.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 23 avril.

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