Grand écran: "Enzo", fusion touchante de deux univers qui révèle un acteur (16/06/2025)
Enzo, cinquième long métrage de Robin Campillo (120 battements par minute) , a été écrit en collaboration avec Laurent Cantet (Entre les murs, Palme d’or 2008). A l'origine, ce dernier avait prévu de réaliser lui-même le film, mais il est mort juste avant le tournage en avril 2024. Robin Campillo, son ami de longue date, a pris le relais et s’est chargé de mettre en images l’histoire d’Enzo.
Issu d’un milieu bourgeois intellectuel de la Ciotat, ce dernier a choisi de faire un apprentissage de maçon. Contre toute attente, car l’ado de 16 ans, formidablement incarné par Eloy Pohu, une révélation (photo), n’est manifestement pas un manuel. Maladroit, pas bien costaud, ii traînasse, s’en fiche un peu. Cela énerve les autres ouvriers et son patron. Furieux il décide, pour se plaindre du travail approximatif d’Enzo, de le ramener chez ses parents.
Surpris, l'homme perd de son assurance en les découvrant très aisés, vivant dans une luxueuse villa sur les hauteurs, avec piscine et vue sur la mer. Ce sont des parents aimants. Surtout la mère ingénieure (Elodie Bouche), cultivée, douce, indulgente. En revanche le père (Pierfrancesco Favino), tout en se voulant tolérant et libéral, a beaucoup de mal à comprendre le choix de son fiston qu’il considère comme un caprice. Enseignant universitaire, il voudrait qu’il continue ses études, à l’image de son frère aîné. La pression monte, les confrontations se multiplient.
Une envie de se cogner au réel
Mai voilà. Ado mutique, un peu mystérieux, craignant l’échec et en manque de confiance Enzo n’a plus envie d’apprendre, de reproduire le modèle social. Exilé volontaire dans sa propre famille, refusant le système scolaire, il rompt avec cet environnement bourgeois où il étouffe. Rejetant une voie toute tracée, il a envie de respirer, de se cogner au réel, de devenir maçon. Il se sent bien, à sa place sur le chantier qu’il vit comme une utopie. Inattendue, sa rencontre avec Vlad (Maksym Slivinskyi), un collègue ukrainien plus âgé qui le trouble, va lui laisser entrevoir un autre avenir. Petit à petit, le jeune garçon s’affirme dans sa volonté de construire sa propre vie.
Entre émancipation, transmission, rupture, rapport de classe et rapport à l’identité sexuelle, ce touchant film d’initiation, beau, sensible et épuré, est à la fois un choc des mondes et la fusion de de deux univers. Il vibre de la passion de Laurent Cantet pour l’adolescence, ses bouleversements et ses tourments. Evoquant l’éveil à la sensualité, au désir homosexuel d’Enzo pour Vlad, il porte la griffe de Robin Campillo. «J’ai voulu le réaliser comme je pense, comme je sais. Il est certain que Laurent aurait fait une mise en scène différente, mais j’ignore où. L’important, c’est le plaisir d’essayer des choses. Je ne me suis pas posé beaucoup de questions».
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 juin.
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