Stars, grands auteurs, premières œuvres, blockbusters, films classiques, rétrospective événement: le cru tessinois 2014, qui mise sur la superposition, l’échange et le partage selon son directeur artstique Carlo Chatrian, par ailleurs déterminé à bousculer et surprendre le spectateur, s’annonce plutôt riche et capiteux dans ses différentes sections.
Dont une nouvelle, Signs Of Life, consacrée à d’autres formes de narration et qui proposera un film par jour sur la magique Piazza Grande. Pilier de la manifestation, celle-ci accueillera chaque soir quelque 8000 spectateurs sous les étoiles. Avec à la clé une mini polémique concernant un secteur de 300 places numérotées réservables à l’avance, moyennant un supplément de 15 francs.
En principe cette expérience pour le moins curieuse ne devrait pas trop échauffer les esprits, mais sait-on jamais? Ce qu’il y a de sûr en revanche, c’est que Lucy, le dernier film de Luc besson avec Scarlett Johansson (photo) en vedette et en mutante (encore…), fera l’’ouverture mercredi sur l’écran géant de la célèbre place. On aura l’occasion de revenir sur ce film qui fait un carton aux Etats-Unis en questionnant le pouvoir du cerveau.
Quinze autres opus sont proposés dont Le Guépard de Luchino Visconti, The Hundred-Foot Journey du Suédois Lasse Hallström A la vie de Jean-Jacques Zilbermann, Pause et Schweizer Helden des Suisses Mathieu Urfer et Peter Luisi, A signaler également Sils Maria d’Olivier Assayas avec Juliette Binoche, couronnée à cette occasion d’un Excellence Award.
Agnès Varda, qui présente Les plages d'Agnès, recevra elle un Léopard d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Le même prix prestigieux sera remis à une autre icône de la Nouvelle vague, Jean-Pierre Léaud. On en profite pour citer quelques invités de marque dont Melanie Griffith, Dario Argento, Jonathan Pryce, Julie Depardieu ou Isabelle Carré.
17 films à la chasse du Léopard d'Or
Colonne vertébrale de la manifestation, la compétition officielle avec 17 titres, dont 13 en première mondiale, en lice pour décrocher le Léopard d’Or. Venus de Etats-Unis, du Brésil, de Russie, des Philippines ou du Portugal, ils constituent un voyage autour du monde auquel prennent part deux Suisses: Andrea Staka avec Cure, The Life Of Another, relatant la fiin de la guerre des balkans à Dubovnik et L’Abri de Fernand Melgar, suivant des SDF dans l’hiver lausannois. Le Vaudois avait provoqué la polémique en 2011 avec Vol spécial.
Le jury sera présidé par le réalisateur italien Gianfranco Rosi, lauréat du Lion d’or à Venise en 2013 avec Sacro GRA. Il choisira le grand vainqueur en compagnie des cinéastes allemand Thomas Arslan et chinois Diao Yi’nan, l’actrice danoise Connie Nielson et sa consoeur allemande Alice Braga.
Roman Polanski et sa leçon de cinéma
L’un des moments les plus forts du festival, sera la présence de Roman Polanski, figure des plus influentes. Le réalisateur, acteur, producteur et écrivain,a profondément marqué l’ histoire du cinéma moderne, usant de différents registres stylistiques pour exprimer une vision qui en fait l’un des maîtres du septième art.
L’auteur de films inoubliables comme Répulsion, Rosemary’s Baby, Chinatown, Le pianiste, Palme d’Or en 2002, recevra un prix spécial et offrira le 15 août une leçon de cinéma aux jeunes cinéastes de la Locarno Summer Academy, ainsi qu’à tout le public. La veille, il présentera avec sa femme Emmanuelle Seigner (photo) qui en est la tête d’affiche, La Vénus à la fourrure, en compétition à Cannes en mai dernier.
Son invitation par le festival a déjà suscité quelques remous. Une émission de la Première vient notamment de se pencher sur le sujet. Venu recevoir un prix à Zurich en 2009, le cinéaste avait, rappelons-le, été arrêté pour une vieille affaire de viol de mineure aux Etats-Unis. Il avait alors été assigné à résidence pendant sept mois dans son chalet de Gstaad. La Suisse avait finalement refusé de l’extrader.
Rétrospective Titanus
On terminera ce tour d’horizon par la traditionnelle rétrospective. Forte d’une cinquantaine d'oeuvres, elle met en valeur cette année la Titanus, plus ancienne maison de production italienne, fondée en 1904 et encore en activité aujourd'hu. Titanus a été consacrée dans les années 1950-60 par l'apport de grands cinéastes, tels que Comencini, Risi, De Sica, Boligni, Zurlini, Monicelli, Rosi, Olmi, Lattuada et occasionnellement Rossellini, Fellini puis Visconti.
Festival de Locarno, du 6 au 16 août.
Et voilà, les jeux sont quasiment faits pour la course au Léopard d'or 2013. Il ne reste plus qu’un film taïwanais en compétition A Time in Quchi. De quoi espérer encore... Je parlais en effet du côté languissant de la compétition à une ou deux exceptions près, jusqu’à l’émouvante réussite de Tableau noir d’Yves Yersin. Depuis, le concours n’a pas franchement décollé, comptant hélas davantage de bas que de hauts.
Honorable également Mary Queen Of Scots, film en costumes du Suisse Thomas Imbach fasciné par cette figure historique. S’inspirant de Stephan Zweig, il revisite l’aventure tragique de celle dont l’ennemie mortelle, sa cousine Elisabeth, ordonna l’emprisonnement pendant dix-neuf ans avant de lui faire couper la tête. Le cinéaste qui procède par voie de lettres lues en voie off que Mary (Camille Rutherford, photo) écrit à sa rivale, compare les deux femmes à deux lionnes se battant pour le même trône. Le tout sur fond de guerres de religion renvoyant à ce qui se passe aujourd’hui.
Le choix de faire parler l’ex-terroriste a déplu au gouvernement tessinois mais a été bien applaudi par les critiques. Tout comme Educaçao Sentimental du Portugais Julio Bressane, un objet cinématographique pourtant assez plombant. Je lui préfère nettement E Agora? Lembra-me de son compatriote Joaquim Pinto (photo), dont je vous avais déjà parlé. Vivant depuis vingt ans avec le sida et l’hépatite C, il se livre à une réflexion sur la survie, l'amour et l'amitié à la fois douloureuse et pleine d'espoir.
Qu’est-ce qui fait beaucoup courir les festivaliers? Les stars, une daube américaine, une romance à sangloter dans les chaumières... et surtout le sexe, avec un sulfureux parfum de scandale à la clé. A Locarno cela fait belle lurette que les directeurs artistiques aiment miser sur la chose pour qu'on en cause. Avec succès, la preuve!