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La griffe du léopard - Page 30

  • Festival de Locarno: "L'expérience Blocher" à l'épreuve de la Piazza Grande

    20101124-lunch-with~s600x600[1].jpgLes mesures de sécurité avaient été renforcées sur la Piazza Grande et dans la cabine de projection en raison de rumeurs de menaces visant à empêcher la séance du soir sous les étoiles. L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron continue à provoquer des remous suite aux critiques socialistes autour de la subvention de fédérale allouée à un documentaire sur un politicien de droite.

    Plus précisément le ténor de l'UDC qui a forcé le réalisateur à se poser quelques questions avant de mener son projet à terme. A commencer par celle-ci? Comment faire le portrait d’un homme dont on ne partage ni les idées, ni les méthodes, ni les idées,ni les convictions? Bron y répond avec une expérience de cinéma en mettant en place une stratégie, comme dans ses œuvres précédentes.

    Il ne propose donc pas une enquête dans cette fable sur le pouvoir à valeur de document, émaillée de clins d’œil au septième art, notamment à Citizen Kane d’Orson Welles. Il nous livre avant tout un face à face inédit se déroulant essentiellement dans une voiture. Un poste d’observation pour le cinéaste qui raconte de l’intérieur, à la première personne et à partir de l’automne 2011, l’histoire du tribun zurichois en campagne pour les élections fédérales. Une façon de s’impliquer dans le processus en créant un hors-champ.

    Au cours de ce périple rythmé par d’innombrables discours, de rencontres avec ses partisans, les non familiers du personnage découvrent la vie de ce fils de pasteur pauvre aux origines allemandes qui va devenir en quelques années un industriel milliardaire. Et une bête politique qui a provoqué, contre toute attente, le refus des Suisses d’entrer dans l’EEE en 1992. Le fameux dimanche noir. Et pourtant la star, accédant au Conseil fédéral en 2003 avant d'en être évincée quatre ans plus tard, a exercé une telle influence dans les années 1990 et 2000, qu’elle a profondément modifié le paysage helvétique.

    Ceux qui attendent un opus agressif, à charge, réglant le sort d’un vilain bonhomme à coup de critiques ou de révélations explosives seront déçus. Ils n'apprendront même rien sur l'homme public dans ce film de cinéaste qui n'avait pas l'intention de faire un pour ou un contre. Mais de boucler en quelque sorte une trilogie commencé avec Le Génie helvétique en 2003 tourné avant la crise économique, Cleveland contre Wall Street (2010) pendant et L’expérience Blocher après. "Le fil rouge est la démocratie à travers un prisme qui est Blocher", explique-t-il à la conférence de presse.

    l-experience-blocher_c_Frenetic--672x359[1].jpgEn passant dix-huit mois au contact de l’un des politiciens les plus haïs et admirés du pays, n’a-t-il pas craint de se laisser manipuler? "Non. je ne lui donne pas la parole. Je rappelle que le film s’intitule L’expérience Blocher, et non Le système Blocher. Je raconte mon expérience avec lui. Notre relation n‘a pas évolué".

    Le cinéaste ne révèle pas non plus quelle a été la réaction de son "acteur" en se découvrant dans ce documentaire, se contentant de déclarer qu’il n’a demandé aucun changement. Il raconte aussi que tout ce qu’il a demandé à Christoph Blocher il l’a fait et que c’était assez jouissif.

    On pénètre ainsi dans da maison, dans son intimité. On le voit nager dans sa piscine, effectuer quelques exercices, se mettre de la crème sur le visage, ou encore chanter un air d'opéra dans son château de Rhäzüns. Sa femme Silvia, qui voyage souvent avec lui, s’est également pliée à une mise en scène pour le moins surprenante. Bron la filme en train de lire dans son lit, à l’hôtel, tandis que son mari travaille à côté…

    Certains ont reproché au cinéaste de glisser sur la surface, de ne pas avoir réussi à percer ses secrets, son mystère. D’avoir par exemple utilisé une voix off pour meubler, parce qu’il n’en avait pas appris autant qu’il l’aurait voulu. "Pas du tout. Encore une fois c’est une expérience, Je n’ai pas posé de questions pour en savoir plus. Je n’ai travaillé qu’avec des sources connues. Je me suis interdit d’aller au-delà. Il s’est livré petit à petit. Au bout d’un an, j’ai découvert qu’il détestait le crépuscule. Il a des angoisses vespérales".

    Enfin, concernant la polémique provoquée par la gauche sur la subvention que la Confédération lui a accordée, Bron l’estime normale."Mais maintenant, j’espère qu’on va passer au débat. Le film est fait pour ça".

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  • Festival de Locarno: pour Jacqueline Bisset, le cinéma passe aussi par l'estomac!

    get[5].jpgLa plus belle femme de tous les temps... C’est ainsi que l’avait une fois qualifiée Newsweek. Une simple déclaration et non un fait, remarque modestement Jacqueline Bisset dans le quotidien officiel du festival, ajoutant qu’une telle affirmation était plutôt désobligeante pour toutes ses congénères.

    La comédienne, née en 1944 en Angleterre, est venue à la rencontre du public après avoir reçu à son tour son Léopard d'Or. Comme Faye Dunaway, Anna Karina, Christopher Lee ou Sergio Castellitto, elle a évoqué sa carrière, dévoilant avec grâce, naturel et humour une part plus intime de sa personnalité à travers une foule de petites anecdotes. D’où il ressort que le cinéma pour elle passe aussi par l’estomac.

    Il est clair qu’elle aime manger et boire. Ses souvenirs de tournage sont liés à un verre de vin, à la découverte du pernod, au bonheur de désobéir à un cinéaste, qui avait interdit l’alcool à ses protagonistes, en descendant quelques margaritas en douce. Aux repas pris en commun. "Pas seulement parce qu’on se nourrit. La pause, c’est aussi un moment privilégié pour discuter avec ses partenaires".   
     
    get[1].jpgAlors qu’on a pu la voir à Locarno dans Under The Vulcano (1984) de John Huston, elle est aussi la vedette de Rich And Famous (1981), dernier film de George Cukor à qui le festival consacre sa rétrospective 2013. Jacqueline Bisset l'a redécouvert avec un immense plaisir sur l’écran géant de la Piazza grande et se déclare fière d'avoir coproduit cet opus dont elle a adoré le scénario.

    C’est avec le célèbre réalisateur qu’elle a appris le langage du corps. "Au début les acteurs sont rigides. Ils se cachent derrière des gestes. Puis ils se détendent et les oublient. Ils avaient intérêt car Cukor détestait les poseurs. Avec lui, la seule difficulté c’était son obsession de la rapidité tant il craignait de perdre les spectateurs en ralentissant le rythme. Plus vite, plus vite ne cessait-il de nous répéter. S’il avait eu un fouet,  il s’en serait servi… "

    Mais avant d’en arriver là, Jacqueline Bisset a rappelé ses débuts, précisant qu’elle n’avait jamais été mannequin, ainsi que tout le monde le prétend. "Pendant cinq mois, j’ai essayé de gagner un peu d’argent en faisant des photos. Ce n’est pas cela être un mannequin. D’ailleurs je n’étais pas bonne. Mais j’ai eu l’occasion de rencontrer de fantastiques photographes qui m’ont enseigné l’importance de la lumière".

    De fil en aiguille, elle s’est retrouvée à jouer des petits rôles dans Cul de sac (1966) de Roman Polanski aux côtés de Catherine Deneuve et dans Voyage à deux de Stanley Donen l’année suivante, où elle donnait notamment la réplique à Audrey Hepburn. Une Audrey qui, à son désespoir, ne mangeait qu’une tomate et un peu de pain à déjeuner…

    nuit_americaine_1973-2[1].jpgL’actrice raconte aussi sa collaboration avec François Truffaut dans La nuit américaine (1973). Elle se demandait en fait pourquoi il l’avait engagée. "J’étais une sorte de hippie qui vivait sur la plage. Mais il avait pris sa décision après m’avoir vue dans The Mephisto Waltz. J’ai ainsi eu l’impression d’être vraiment choisie par lui et non par le directeur du casting. Et c’est un bon sentiment. Toutefois  là encore s’est posé un petit souci de bouffe, Truffaut n’étant pas intéressé par la cuisine. En plus il ne buvait pas...

    Dans le même ordre d’idée, elle pense que la réputation d’un Chabrol grand gastronome était surfaite. Elle ne semble pas non plus avoir beaucoup apprécié son rôle dans La Cérémonie (1995). Alors qu’elle avait été immédiatement traumatisée en débarquant dans un hôtel qui lui faisait penser à celui de Shining,  elle se sentait comme une poupée dans cette peau de bourgeoise que Chabrol lui avait assignée… "Nous n'avons pas eu une relation chaleureuse. Non seulement Il ne laissait pas place à l’improvisation, mais comme il détestait les bourgeois, à la fin il nous a tous tués!"

    Une occasion pour elle de définir les qualités principales d’un réalisateur. "C’est le grand-père du plateau. Il doit être chaleureux, ouvert, capable de capter les moments de vérité, permettre aux acteurs de répéter, les respecter, voire les aimer. "Certains s’en foutent et ne sont franchement pas cool. A se demander pourquoi ils font ce métier."

    Ce n'est pas le cas d'Abel Ferrara, avec qui Jacqueline Bisset vient de tourner Welcome to New York, adaptation apparemment scabreuse de l’affaire qui a provoqué la chute de DSK, l ’ex-directeur cavaleur du Fonds monétaire international. Elle incarne Anne Sinclair, aux côtés de Gérard Depardieu.

    Du film, l’actrice ne révèle pas grand-chose, mais trouve Ferrara tendre sous sa carapace de New Yorkais sauvage. Elle chante par ailleurs les louanges  de Depardieu. "Nous nous sommes bien entendus. C’est un charmeur, un homme attachant, généreux, enthousiaste, déployant une énergie phénoménale et montrant un énorme appétit de vivre". On ne s'étonnera pas qu'elle ait dîné avec lui.  Un convive qui a dû lui plaire, le grand Gérard ne s’étant à coup sûr pas contenté d’une tomate avec du pain! 

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  • Festival de Locarno: débuts languissants d'un cru très prometteur...

    gare-du-nord-photo-51e947d777dbd[1].jpgAu premier tiers de ce cru 2013 très prometteur… sur le papier, le doute s’insinue. Du moins au niveau de la compétition et de la Piazza Grande. Côté course au Léopard d’Or, je ne l’ai en tout cas pas encore vu passer. On a beaucoup insisté sur le fait que dix-huit des vingt prétendants en lice sont des premières mondiales. Et pour cause, serais-je tentée de remarquer. Qui voudrait de certains des opus sélectionnés?

    Trois seulement me semblent véritablement émerger. Le très attendu E Agora? Lembra-me (en français Et maintenant? Souvenez-vous de moi) de Joaquim Pinto. Le réalisateur portugais, qui vit avec le sida et l’hépatite C depuis une vingtaine d’années, raconte une année d’études cliniques sous psychotiques et médicaments toxiques, dont la commercialisation n’a pas encore été approuvée. Tout l’intérêt du film réside dans sa façon particulière de parler de la maladie à travers une réflexion sur la survie, l’amour et l’amitié.

    Avec Gare du Nord, la Française Claire Simon nous balade dans l’immense station parisienne, véritable fourmilière où se croisent des milliers de gens venus de partout et où elle suit où plus particulièrement quatre personnages. Il y a Mathilde, une prof d’histoire atteinte d’un cancer (Nicole Garcia, photo) qui noue une relation amoureuse avec Ismaël, un étudiant réalisant sa thèse sur les lieux, Joan, une agente immobilière qui y passe son temps entre deux clients et Sacha, à la recherche  de sa fille fuguuse. Parfois bâtard, le film séduit quand même par sa façon originale de capter des tranches de vie.

    On n’oubliera pas Pays barbare, un étonnant et remarquable documentaire français où Yervent Gianikian et Angela Ricci Lucchi montrent des matériaux filmiques sur l’Ethiopie coloniale italienne, récemment découverts dans les archives de particuliers. De nombreuses séquences militaires illustrent notamment la violence des conquérants.

    En ce qui concerne la Piazza Grande, c’est carrément la déception pour l’instant. Dont  2 Guns, laborieux film d'action de l'Islandais Baltasar Kormakur avec Denzel Washington et Mark Wahlberg en roue libre, Wrong Cops de l’iconoclaste Quentin Dupieux qui donne de plus en plus dans le potache, Vijai and I, une sirupeuse et improbable romance belge  de Sam Garbarski. Ou encore We're The Millers, une comédie à l’humour extra-gras de Rawson Marshall Thurber emmenée par Jennifer Aniston, strip-teaseuse devenue mère bidon de deux ados et fausse épouse d’un minable trafiquant de shit…

    Cela dit, il reste heureusement une grosse semaine pour ne pas faire mentir l'annonce d'une édition de derrière les fagots. Alors haut les cœurs et on croise les doigts!

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