Les mesures de sécurité avaient été renforcées sur la Piazza Grande et dans la cabine de projection en raison de rumeurs de menaces visant à empêcher la séance du soir sous les étoiles. L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron continue à provoquer des remous suite aux critiques socialistes autour de la subvention de fédérale allouée à un documentaire sur un politicien de droite.
Plus précisément le ténor de l'UDC qui a forcé le réalisateur à se poser quelques questions avant de mener son projet à terme. A commencer par celle-ci? Comment faire le portrait d’un homme dont on ne partage ni les idées, ni les méthodes, ni les idées,ni les convictions? Bron y répond avec une expérience de cinéma en mettant en place une stratégie, comme dans ses œuvres précédentes.
Il ne propose donc pas une enquête dans cette fable sur le pouvoir à valeur de document, émaillée de clins d’œil au septième art, notamment à Citizen Kane d’Orson Welles. Il nous livre avant tout un face à face inédit se déroulant essentiellement dans une voiture. Un poste d’observation pour le cinéaste qui raconte de l’intérieur, à la première personne et à partir de l’automne 2011, l’histoire du tribun zurichois en campagne pour les élections fédérales. Une façon de s’impliquer dans le processus en créant un hors-champ.
Au cours de ce périple rythmé par d’innombrables discours, de rencontres avec ses partisans, les non familiers du personnage découvrent la vie de ce fils de pasteur pauvre aux origines allemandes qui va devenir en quelques années un industriel milliardaire. Et une bête politique qui a provoqué, contre toute attente, le refus des Suisses d’entrer dans l’EEE en 1992. Le fameux dimanche noir. Et pourtant la star, accédant au Conseil fédéral en 2003 avant d'en être évincée quatre ans plus tard, a exercé une telle influence dans les années 1990 et 2000, qu’elle a profondément modifié le paysage helvétique.
Ceux qui attendent un opus agressif, à charge, réglant le sort d’un vilain bonhomme à coup de critiques ou de révélations explosives seront déçus. Ils n'apprendront même rien sur l'homme public dans ce film de cinéaste qui n'avait pas l'intention de faire un pour ou un contre. Mais de boucler en quelque sorte une trilogie commencé avec Le Génie helvétique en 2003 tourné avant la crise économique, Cleveland contre Wall Street (2010) pendant et L’expérience Blocher après. "Le fil rouge est la démocratie à travers un prisme qui est Blocher", explique-t-il à la conférence de presse.
En passant dix-huit mois au contact de l’un des politiciens les plus haïs et admirés du pays, n’a-t-il pas craint de se laisser manipuler? "Non. je ne lui donne pas la parole. Je rappelle que le film s’intitule L’expérience Blocher, et non Le système Blocher. Je raconte mon expérience avec lui. Notre relation n‘a pas évolué".
Le cinéaste ne révèle pas non plus quelle a été la réaction de son "acteur" en se découvrant dans ce documentaire, se contentant de déclarer qu’il n’a demandé aucun changement. Il raconte aussi que tout ce qu’il a demandé à Christoph Blocher il l’a fait et que c’était assez jouissif.
On pénètre ainsi dans da maison, dans son intimité. On le voit nager dans sa piscine, effectuer quelques exercices, se mettre de la crème sur le visage, ou encore chanter un air d'opéra dans son château de Rhäzüns. Sa femme Silvia, qui voyage souvent avec lui, s’est également pliée à une mise en scène pour le moins surprenante. Bron la filme en train de lire dans son lit, à l’hôtel, tandis que son mari travaille à côté…
Certains ont reproché au cinéaste de glisser sur la surface, de ne pas avoir réussi à percer ses secrets, son mystère. D’avoir par exemple utilisé une voix off pour meubler, parce qu’il n’en avait pas appris autant qu’il l’aurait voulu. "Pas du tout. Encore une fois c’est une expérience, Je n’ai pas posé de questions pour en savoir plus. Je n’ai travaillé qu’avec des sources connues. Je me suis interdit d’aller au-delà. Il s’est livré petit à petit. Au bout d’un an, j’ai découvert qu’il détestait le crépuscule. Il a des angoisses vespérales".
Enfin, concernant la polémique provoquée par la gauche sur la subvention que la Confédération lui a accordée, Bron l’estime normale."Mais maintenant, j’espère qu’on va passer au débat. Le film est fait pour ça".
La plus belle femme de tous les temps... C’est ainsi que l’avait une fois qualifiée Newsweek. Une simple déclaration et non un fait, remarque modestement Jacqueline Bisset dans le quotidien officiel du festival, ajoutant qu’une telle affirmation était plutôt désobligeante pour toutes ses congénères.
Alors qu’on a pu la voir à Locarno dans Under The Vulcano (1984) de John Huston, elle est aussi la vedette de Rich And Famous (1981), dernier film de George Cukor à qui le festival consacre sa rétrospective 2013. Jacqueline Bisset l'a redécouvert avec un immense plaisir sur l’écran géant de la Piazza grande et se déclare fière d'avoir coproduit cet opus dont elle a adoré le scénario.
L’actrice raconte aussi sa collaboration avec François Truffaut dans La nuit américaine (1973). Elle se demandait en fait pourquoi il l’avait engagée. "J’étais une sorte de hippie qui vivait sur la plage. Mais il avait pris sa décision après m’avoir vue dans The Mephisto Waltz. J’ai ainsi eu l’impression d’être vraiment choisie par lui et non par le directeur du casting. Et c’est un bon sentiment. Toutefois là encore s’est posé un petit souci de bouffe, Truffaut n’étant pas intéressé par la cuisine. En plus il ne buvait pas...
Au premier tiers de ce cru 2013 très prometteur… sur le papier, le doute s’insinue. Du moins au niveau de la compétition et de la Piazza Grande. Côté course au Léopard d’Or, je ne l’ai en tout cas pas encore vu passer. On a beaucoup insisté sur le fait que dix-huit des vingt prétendants en lice sont des premières mondiales. Et pour cause, serais-je tentée de remarquer. Qui voudrait de certains des opus sélectionnés?