Bettina Oberli n’a pas eu de chance sur la Piazza avec Le vent tourne. Vraiment pas du bon côté hélas, des trombes d’eau s’étant abattues après les deux tiers de la projection. Un mauvais tour des éléments pour ce film où, avec son compagnon Alex, écolo radical, Pauline a construit une vie autosuffisante en accord avec la nature, dans une ferme isolée du Jura.
Liés par leur travail, leur amour et leur idéal, ils veulent, pour parachever leur autonomie, produire leur propre électricité. C’est alors que débarque Samuel, ingénieur insouciant, venu équiper la propriété d’une éolienne. Pauline est immédiatement attirée par lui. Sa vie de couple et sa vision du monde vont s’en trouver chamboulées,
Notamment auteure de la comédie à succès Les mamies ne font pas dans la dentelle (2006), Bettina Oberli, qui s’est entourée de la jolie Mélanie Thierry et du séduisant Pierre Deladonchamps, veut traiter à la fois d’émancipation féminine, d’amour, de séparation, d’écologie. Avec en ligne de mire la fragilité de la vie, de la nature, des sentiments et des relations.
Avec ce premier long-métrage en français la réalisatrice se sentait comme devant une page blanche, avec une grande envie d’ouvrir son horizon, de quitter sa zone de confort. Malheureusement, Le vent tourne en reste aux intentions à la fois sur la forme et le fond.
Une troisième Piazza pour Denis Rabaglia
Egalement programmé sur la célàbre place, en revanche par beau temps, Denis Rabaglia, seul réalisateur romand à n’avoir jamais tourné de long métrage de fiction dans sa langue maternelle, marquait son retour à Locarno avec Un nemico che ti vuole bene (Un ennemi qui te veut du bien). Une comédie noire ou plutôt grinçante sur fond de thriller, avec un scénario genre Agatha Christie à l’envers, dont les quinze premières minutes renvoient à une histoire vraie.
Par une nuit d’orage, le professeur Enzo Stefanelli (Diego Abatantuono, photo) sauve la vie d’un jeune homme blessé par balle et qui s’avère être lui-même un tueur à gages. Pour remercier cet homme providentiel, le garçon lui promet d’éliminer son ennemi potentiel, en quête duquel il se met, créant par la même occasion le chaos dans la vie de Stefanelli.
Question 1: le professeur sera-t-il capable d’identifier ce fameux ennemi ? Et question 2 : chacun de nous en a-t-il vraiment un à identifier ? Sans aller jusque là, Denis Rabaglia avoue avoir dû « revisiter » une relation qu’il avait pensé être un ami et qui en réalité n’en était pas un… Nous livrant un bout d'autobiographie dans cette oeuvre construite autour de préoccupations personnelles.
Glaubenberg de Thomas Imbach
De son côté, seul Helvète à la chasse au Léopard d’Or, Thomas Imbach signe Glaubenberg, une histoire inspirée à la fois de sa vie et des Métamorphoses d’Ovide, plus précisément le texte sur Byblis, amoureuse désespérée de son jumeau Caunus. Frère et soeur Lena, 16 ans (Zsofia Körös, photo) et Noah, 19 ans (Francis Meier) entretiennent depuis l’enfance une relation fusionnelle. Elle devient ambiguë à l’adolescence, Lena éprouvant pour Noah un désir ardent qui vire à l’obsession.
Agressive, jalouse, elle commence à vivre dans un monde imaginaire, se perdant dans des rêves érotiques. Elle finit par avouer son amour à Noah qui, choqué, la repousse et décide de partir sur un chantier archéologique en Turquie. Lena, n’arrivant pas à convaincre Noah de l'intensité de ses sentiments, part sur ses traces et sombre dans la folie, comme Byblis délaissée par Caunus effrayé, qui était partie le rechercher jusqu’en Asie mineure.
L’inceste est un thème tabou, difficile à traiter. Mais l’absence de tension couplée à des scènes improbables, surréalistes, ou sonnant particulièrement faux, font qu’on a beaucoup de mal à croire à cetimpossible amour interdit et à l’inconditionnalité avec laquelle Lena vit sa passion.
On reviendra plus en détails sur ces trois films et avec des interviews de Bettina Oberli et Denis Rabaglia lors de leur sortie en Suisse romande.