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La griffe du léopard - Page 18

  • Festival de Locarno: boxeur dans "Sparring", Mathieu Kassovitz décroche un Léopard pour sa carrière

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaamat.jpgAprès Adrien Brody, lauréat du Leopard Club Award, honorant une personnalité du cinéma qui a marqué l’imaginaire collectif, c’était au tour du talentueux Mathieu Kassovitz de décrocher l’Excellence Award Moët & Chandon pour sa carrière devant et derrière la caméra.

    César du meilleur espoir masculin en 1994 pour sa prestation dans Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard, il avait raflé le prix de la mise en scène à Cannes en 1995 pour La Haine, devenu culte. Il a notamment i collaboré avec de grands réalisateurs comme Costa-Gavras (Amen, 2002), Steven Spielberg (Munich, 2005) et le dernier Michael Haneke (Happy End, Cannes 2017).

    L’hommage, complété par une sélection de ses films, lui a été rendu sur la Piazza Grande qu’il découvrait pour la première fois et où était projeté Sparring, de l’acteur Samuel Jouy. «C’est un beau moment pour mon ego», avait déclaré Mathieu Kassovitz, qui tient le rôle principal, à l’occasion d’une conférence de presse où il s’est surtout amusé à jouer les potaches avec les autres protagonistes.

    Cette première réalisation raconte l’histoire de Steve Landry, 45 ans, un boxeur qui a perdu plus de combat qu’il n’en a gagné, comme en témoigne son visage amoché. Avant de raccrocher les gants, il accepte de devenir le sparring partner d’un champion. Et se voit offrir une dernière occasion de briller auprès de sa femme et de ses enfants, plus particulièrement de sa fille qui lui voue une admiration sans borne.

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaapat.jpgUne oeuvre mineure, à l‘image de la programmation de la Piazza Grande jusqu'ici. A une ou deux exceptions près. On mettra évidemment à part le captivant Good Time de Josh et Benny Safdie, présenté à Cannes en compétition en mai dernier. Dans ce polar noir, un homme cherche à faire sortir de prison son frère arrêté au cours d’un braquage qui a mal tourné. Une dérive déglinguée entre désespoir et violence frôlant parfois l’absurde dans les bas-fonds newyorkais. Le héros Robert Pattinson y est méconnaissable (photo).

    On a aussi aimé Lola Pater, cinquième long métrage du cinéaste franco-algérien Nadir Moknèche. Il s'est attaqué au thème délicat de la transsexualité et réussi à le traiter avec subtilité et sensibilité, évitant la caricature et le cliché. Avec Fanny Ardant. (Voir notre interview dans notre chronique du 4 août).

    En revanche Noémie Lvovsky n’a pas convaincu avec Demain et tous les autres jours. Une mère, qu'interprète elle-même la réalisatrice, s'enfonce dans la folie, tandis que sa fille de 9 ans, certes turbulente mais plus adulte qu’elle, essaie de la protéger. Mathilde est aidée dans sa tâche par une étonnante chouette parlante… Noémie Lvovsky nous entraîne dans un univers intimiste et secret saupoudré de surnaturel. Dommage qu’elle ait trop tendance à nous perdre en route.

    Mais c’est moins grave que Drei Zinnen de l’Allemand Jan Zabeil, qui exploite maladroitement l’animosité permanente, voire pire, d’un jeune garçon à l’égard du nouveau compagnon de sa mère. Un film à l’ambiance faussement anxiogène et aux invraisemblances plombantes. Mais qu’est donc allée faire Bérénice Bejo dans cette galère ?

    Enfin, on évitera de s’étendre sur le regrettable ratage de Amori che non sanno stare al mondo (Des histoires d’amour qui n’appartiennent pas à ce monde) de Francesca Comencini. Le film avait  été refusé paraît-il l’an dernier à la Mostra de Venise.

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  • Festival de Locarno: décevante chasse au Léopard d'or à mi-parcours

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaluckycar.jpgAprès avoir démarré mollement, cette 70e édition n'a guère changé de vitesse. A commencer par la compétition qui, au cinquième jour, n'a pas soulevé l‘enthousiasme des critiques. Un euphémisme dans la mesure où, sur les films proposés jusqu’ici, seul l’un d’eux Lucky, première réalisation de l’acteur John Carroll Lynch a provoqué des applaudissements relativement nourris. Davantage dus à la présence au casting du protagoniste principal Harry Dean Stanton et un certain David Lynch (photo) qu’aux qualités de l’œuvre. Ce qui ne l’empêchera peut-être pas de le retrouver au palmarès…

    Mais on a quand même un peu de mal à se passionner follement pour les déambulations, dans une ville désertée, de Lucky, un nonagénaire athée, ronchon et farouchement indépendant qui, après avoir survécu à ses contemporains sent venir sa propre fin. Le réalisateur le suit alors dans une sorte de voyage spirituel et introspectif, sur fond d’un quotidien rythmé par un rituel immuable, lever, gymnastique, télé, mots croisés et bloody mary chez Elaine... 

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaata peau.jpgOn a été encore moins sensible aux culturistes du Canadien Denis Côté. Dans son documentaire, Ta peau si lisse, il évoque six de ces monstrueux gladiateurs des temps modernes, mus par leur obsession narcissique du corps qu’ils ne cessent de travailler pour se dépasser. L’envie, le désir de s'exhiber sur scène s’inscrit dans un délire masochiste ou s’enchaînent régimes et entraînements épuisants.

    Rien de très nouveau toutefois dans la démarche de l’auteur, bien qu’il revendique une approche différente du sujet, s’attachant notamment davantage que d’autres cinéastes à montrer l’aspect vulnérable sinon fragile de ces montagnes de muscles en les saisissant dans leur intimité, personnelle ou familiale.

    Comme d’habitude, Isabelle Huppert fait salle comble

    Déception également avec Madame Hyde, de Serge Bozon, dont on attendait beaucoup. La preuve, son héroïne Isabelle Huppert, aux côtés de Romain Duris et José Garcia à contre-emploi, avait comme d’habitude contribué à remplir une salle d’ordinaire à moitié vide.

    Mais voilà qui n’a pas suffi à faire véritablement décoller l’histoire pourtant prometteuse d’une excentrique et timide professeure de physique méprisée par ses collègues et tourmentée par ses élèves dans un lycée professionnel de banlieue. Foudroyée durant une nuit d'orage, la faible Mrs Géquil perd connaissance et, quand elle revient à elle, se sent portée par une énergie nouvelle. Celle de la puissante et dangereuse Madame Hyde dont il faudra dès lors maîtriser le feu...

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaboas.jpgLes Brésiliens Marco Dutra et Juliana Rojas s’aventurent plus loin dans le fantastique avec As Boas Manieras (Les bonnes manières). Infirmière solitaire de la banlieue de Sao Paulo, Clara est engagée comme nounou du futur enfant de la mystérieuse Ana. L’accouchement n’aura rien d’une délivrance… Sorte d’ovni dans la chasse au Léopard, l’opus se laisse certes voir. Mais victime de son infinie longueur et d’un jeu parfois approximatif, il n’améliore pas fondamentalement la qualité du concours

    A l’image de Gemini, de l’Américain Aaron Katz. Là, on frôle carrément le téléfilm. Sous couvert d’un crime commis chez une étoile hollywoodienne montante, il teste la relation complexe entre la starlette et son assistante qui va parcourir Los Angeles pour tenter de résoudre l’énigme. Visuellement plutôt plaisant, interprété par Lola Kirke et Zoe Kravitz, il est malheureusement desservi par les incohérences d’une intrigue inutilement tarabiscotée.

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  • Festival de Locarno: pour Fanny Ardant, transsexuelle dans "Lola Pater", chaque film est une aventure. Interview

    aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaafnr.jpgElle est belle, grande, mince, sincère, chaleureuse, passionnée. Avec des bagues à chaque doigt... nous rappelant les paroles du Tourbillon de la vie et son interprète qui vient de quitter la scène. Le temps d'un très bref commentaire. De Jeanne Moreau l’insoumise, Fanny Ardant dira sobrement que sa mort la rendue triste.

    Elle lui ressemble. Effrontée, extravagante, non conformiste, elle non plus n’a pas la langue dans sa poche, ne supporte pas la pensée unique, se moque des moralisateurs. Elle se dit peu mondaine sinon carrément asociale. A la tête de quelque 80 films, inoubliable Femme d’a côté de François Truffaut, elle est aussi réalisatrice de trois longs métrages, dont Le divan de Staline avec Gérard Depardieu, et a mis en scène un opéra au Châtelet.

    Douée pour la métamorphose et le mélange des genres, elle a accepté, à 68 ans, de jouer un homme devenu femme dans Lola Pater, le cinquième opus du cinéaste franco-algérien Nadir Moknèche. Fils d’immigrés algériens, Zino a grandi persuadé que Farid, son père, les a abandonnés, sa mère et lui. A la mort de cette dernière, il apprend que Farid n’est pas retourné en Algérie, mais qu’il vit en Camargue.

    Zino part alors à sa recherche et rencontre Lola, professeure de danse orientale. Elle finit par lui avouer qu’elle est Farid. Zino a de la peine à l’accepter. Nadir Moknèche s'est attaqué à un thème délicat qu'il traite avec subtilité et sensibilité, évitant la caricature et le cliché. On en reparlera plus longuement lors de sa sortie le 9 août prochain dans les salles romandes.

    aaaaaaaaaaaaaaaardant.jpg"L'amour est la plus grande histoire de la vie"

    "J’ai beaucoup aimé le scénario ainsi que mon personnage pour la richesse de son caractère, sa vulnérabilité, son insolence, sa fantaisie, son parcours chaotique", raconte Fanny Ardant, de passage à Locarno pour la projection de Lola Pater sur la Piazza Grande. «C’est un être très tourmenté. Il a choisi sa vie quel que soit le prix à payer. Là on est à la dernière épreuve. Il, enfin elle, se demande si son fils va l’aimer. L‘amour est la plus grande histoire de la vie. 

    Est-ce un rôle casse-gueule? Certaines actrices auraient sans doute craint pour leur image?

    Ce n'est pas mon cas, car je n’ai pas d’image à défendre. J’ai une sorte d‘irréductibilité liée à ce que je pense, ce que je suis, à la liberté. Tout en tant très pessimiste, je suis dotée d'une extraordinaire énergie. Ma carte maîtresse. Elle est venue à bout de chagrins qui m’ont presque laissée pour morte.

    Qu’est-ce qui définit le mieux l’être humain selon vous?

    Ce n’est en tout cas ni son sexe, ni son métier, ni sa nationalité, ni sa couleur. Tout cela n'est qu'une enveloppe. Ce qui le définit, c’est sa richesse, sa dualité, ses contradictions. ce moment où on l’a devant soi et où on le découvre dans ses qualités, ses défauts dans les réactions qu'il provoque. Celle de mon fils dans le film, c’est d'abord le rejet. Dès qu’il apprend à me connaître ce n’est plus le cas.

    Comment avez-vous travaillé votre personnage?

    Je l’ai davantage préparé que travaillé. Avec Nadir, nous nous sommes surtout attaché à l'allure générale, aux robes, aux chaussures, à la coiffure, la poitrine, le derrière. Et à la voix. "Plus bas, me répétait-il, plus bas".. Il m’a par ailleurs conseillé de prendre des cours de danse orientale. Pour le reste on se rend disponible. Je n’ai pas rencontré de transsexuelles. Je me serais retrouvée dans une réalité qui ne m’intéresse pas. Ce qui me passionne, c’est la vérité.

    La routine vous ennuie. Vous la cassez en vous montrant très éclectique. Vos choix sont à la fois populaires et auteuristes.

    Chaque film est une aventure. Dépendant de l’invention et de l’intelligence des metteurs en scène qui me proposent des choses différentes. Quand j'ai rencontré Nadir, j'ai été séduite par sa culture, sa façon de parler, de me voir au-delà des apparences. Je n'avais jamais joué ce rôle et je dis toujours oui à quelque chose d’irrésistible.

    Et c’est quoi l'irrésistible ?

    La découverte, la curiosité, le plaisir de jouer. Mais j’ai besoin d’avoir des affinités. Vous savez, je suis misanthrope. J’aime les êtres humains un par un. Je déteste le groupe. Je n’ai par exemple jamais appartenu à un parti politique. Je ne fais pas non plus partie de la "grande famille" du cinéma. Je veux la liberté chez un acteur. J’ai été très heureuse sur le tournage de Lola, où j’ai rencontré des gens formidables.

    Enfreindre c’est mieux que suivre. Votre devise de rebelle en somme. 

    Je revendique ma liberté de parole et celle de changer d’avis. J’ai de la difficulté à entrer dans l’ordre établi, j’ai du mal avec la loi, avec l’autorité, sauf si elle est bienveillante. Tout cela vient du  fait que très tôt, on a essayé de me faire peur. Or une vie ne peut pas être dictée par la peur.

    Vous avez le sens de la formule. Vous dites par exemple que le cinéma c’est comme le prêt à porter. En gros il en faut pour chacun. Une fois vous m'aviez confié que vous étiez comme une valise sur un tapis roulant. Est-ce toujours le cas?

    Oui, j’attends qu’on m’emporte. Les gens ont pris leur valise et il n’y en a plus qu’une sur le tapis, qui patiente. C’est moi. Et je suis prête à tout!

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