Après avoir démarré mollement, cette 70e édition n'a guère changé de vitesse. A commencer par la compétition qui, au cinquième jour, n'a pas soulevé l‘enthousiasme des critiques. Un euphémisme dans la mesure où, sur les films proposés jusqu’ici, seul l’un d’eux Lucky, première réalisation de l’acteur John Carroll Lynch a provoqué des applaudissements relativement nourris. Davantage dus à la présence au casting du protagoniste principal Harry Dean Stanton et un certain David Lynch (photo) qu’aux qualités de l’œuvre. Ce qui ne l’empêchera peut-être pas de le retrouver au palmarès…
Mais on a quand même un peu de mal à se passionner follement pour les déambulations, dans une ville désertée, de Lucky, un nonagénaire athée, ronchon et farouchement indépendant qui, après avoir survécu à ses contemporains sent venir sa propre fin. Le réalisateur le suit alors dans une sorte de voyage spirituel et introspectif, sur fond d’un quotidien rythmé par un rituel immuable, lever, gymnastique, télé, mots croisés et bloody mary chez Elaine...
On a été encore moins sensible aux culturistes du Canadien Denis Côté. Dans son documentaire, Ta peau si lisse, il évoque six de ces monstrueux gladiateurs des temps modernes, mus par leur obsession narcissique du corps qu’ils ne cessent de travailler pour se dépasser. L’envie, le désir de s'exhiber sur scène s’inscrit dans un délire masochiste ou s’enchaînent régimes et entraînements épuisants.
Rien de très nouveau toutefois dans la démarche de l’auteur, bien qu’il revendique une approche différente du sujet, s’attachant notamment davantage que d’autres cinéastes à montrer l’aspect vulnérable sinon fragile de ces montagnes de muscles en les saisissant dans leur intimité, personnelle ou familiale.
Comme d’habitude, Isabelle Huppert fait salle comble
Déception également avec Madame Hyde, de Serge Bozon, dont on attendait beaucoup. La preuve, son héroïne Isabelle Huppert, aux côtés de Romain Duris et José Garcia à contre-emploi, avait comme d’habitude contribué à remplir une salle d’ordinaire à moitié vide.
Mais voilà qui n’a pas suffi à faire véritablement décoller l’histoire pourtant prometteuse d’une excentrique et timide professeure de physique méprisée par ses collègues et tourmentée par ses élèves dans un lycée professionnel de banlieue. Foudroyée durant une nuit d'orage, la faible Mrs Géquil perd connaissance et, quand elle revient à elle, se sent portée par une énergie nouvelle. Celle de la puissante et dangereuse Madame Hyde dont il faudra dès lors maîtriser le feu...
Les Brésiliens Marco Dutra et Juliana Rojas s’aventurent plus loin dans le fantastique avec As Boas Manieras (Les bonnes manières). Infirmière solitaire de la banlieue de Sao Paulo, Clara est engagée comme nounou du futur enfant de la mystérieuse Ana. L’accouchement n’aura rien d’une délivrance… Sorte d’ovni dans la chasse au Léopard, l’opus se laisse certes voir. Mais victime de son infinie longueur et d’un jeu parfois approximatif, il n’améliore pas fondamentalement la qualité du concours
A l’image de Gemini, de l’Américain Aaron Katz. Là, on frôle carrément le téléfilm. Sous couvert d’un crime commis chez une étoile hollywoodienne montante, il teste la relation complexe entre la starlette et son assistante qui va parcourir Los Angeles pour tenter de résoudre l’énigme. Visuellement plutôt plaisant, interprété par Lola Kirke et Zoe Kravitz, il est malheureusement desservi par les incohérences d’une intrigue inutilement tarabiscotée.