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  • Grand écran: "Utoya, 22 juillet" nous plonge au coeur de l'enfer en reconstituant l'effroyable tuerie

    image.jpgC’était le 22 juillet 2011. Ce jour-là, l’extrémiste de droite norvégien Anders Behring Breivik, qui purge une peine de 21 ans de prison reconductible, tuait 77 personnes dans deux attentats. Le premier dans le centre-ville d’Oslo, où l’explosion d’une bombe devant le siège du gouvernement causait la mort de huit personnes, et le second lors d’une effroyable tuerie dans un camp de vacances sur l’île d’Utoya. Déguisé en policier, le terroriste abattait méthodiquement 69 membres de la Jeunesse travailliste, faisant par ailleurs des dizaines de blessés.

    Ancien photographe de guerre, le cinéaste norvégien Erik Poppe a reconstitué le massacre en adoptant le point de vue de Kaja, une jeune victime. Il a rapidement écarté le documentaire, choisissant la fiction pour être au plus près de la réalité. En consultant les survivants et les proches des victimes, il a décidé d'un récit entièrement du côté des jeunes, déclarait-il lors de la présentation du film à la Berlinale en février dernier.

    Un unique plan-séquence de 72 minutes

    Cinématographiquement, Utoya, 22 juillet est un exploit. A l’exception de son introduction, où Kaja assure notamment à sa mère au téléphone que tout est normal, se dispute avec Emilie, sa petite soeur rebelle dans leur tente, parle avec ses amis de l’attentat dans la capitale et du barbecue prévu pour le soir, le film est tourné en un seul et impressionnant plan-séquence de 72 minutes, la durée de la tuerie. Laissant le spectateur sur le flanc, pétrifié par la violence.

    En suivant Kaya (Andrea Berntzen, 19 ans, photo, convaincue par l’approche de l’auteur), militante sérieuse qui ne va cesser de rechercher sa soeur dès qu’elle entend le premier coup de feu, Erik Poppe nous plonge au cœur de l’enfer. Il nous fait vivre de l’intérieur l’interminable horreur vécue par les militants prisonniers de l’ile, se cachant dans les bois avec une envie de s’enfoncer dans le sol, ou se terrent dans les petits recoins des falaises tombant dans la mer.

    Tout en racontant l’histoire de façon radicale, implacable, brutale, sauvage, faisant parfois preuve d’un réalisme cru en montrant l’agonie d’une jeune fille, le film se concentre avant tout sur le claquement des balles, d'autres bruits effrayants, les courses chaotiques et la peur viscérale des jeunes coincés sur un coin de terre, luttant pour leur survie en ignorant l’origine du danger. Par ailleurs, du tireur traquant ses proies, on ne voit qu’à deux ou trois reprises une menaçante et lointaine silhouette noire.

    Deux autres films 

    Toutefois les avis divergent entre hommage vibrant aux victimes et récupération indéfendable. Si Utoya, 22 juillet a été bien accueilli par la critique scandinave, Erik Poppe est aussi accusé de complaisance et se retrouve au centre d’une polémique rappelant celle envers Gus Van Sant, lorsqu’il avait reconstitué la fusillade de Colombine il y a quinze ans.

    Cela n’a pas empêché deux autres cinéastes de se pencher sur la question, dont Paul Greengrass avec Norway, produit par Netflix et présenté à la dernière Mostra de Venise. Une série télévisée et également prévue sur la chaîne norvégienne NRK.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 3 octobre.

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  • Grand écran: avec "Amin", Philippe Faucon continue à explorer l'immigration. Emouvant, simple, juste

    amin_0.jpgDeux ans après Fatima, qui lui avait valu trois Césars dont celui du meilleur film, Philippe Faucon, poursuivant son questionnement et son exploration de l’immigration, revient avec Amin. Il raconte le parcours d’un Sénégalais qui a laissé sa femme et ses enfants pour travailler sur des chantiers en France, et gagner de quoi les nourrir au village.

    Amin (Moustapha Mbengué) vit seul dans un foyer d’hommes seuls. Un jour, appelé pour des travaux dans une maison en banlieue, il y rencontre la propriétaire Gabrielle (Emmanuelle Devos), une infirmière séparée de son mari qui vit avec sa fille. Les deux solitaires se rapprochent, se réconfortent, se racontent. Pour un temps, sans s'engager, sans rien se demander. 

    Cette aventure sexuelle, sensuelle, brève mais intense s’inscrit logiquement au sein d'un film émouvant, simple, juste. Philippe Faucon nous montre Amin en France, ses relations avec ses compagnons ouvriers immigrés comme lui. Et, lorsqu’il la retrouve pour un court séjour, la situation de sa famille au Sénégal, où chacun souffre de l’absence de l’autre.

    A la recherche du naturel, du vrai, s’attachant davantage aux personnages qu’au récit, le réalisateur livre un long métrage sobre, épuré, sans mélo, sans effets ni clichés. A l’exception d’Emmanuelle Devos et Moustapha Mbengué, il est interprété par des acteurs non professionnels.

    1467028697574_0620x0435_1530255157470.jpgOn vous considère comme le peintre de l’exil

    Je suis en effet très sensible à cette thématique, au fait d’avoir à recommencer sa vie, d’être en décalage dans une société dont on n’a pas les codes où l’on vit séparé des siens pour de longues périodes, où on ne voit pas grandir ses enfants. Je ne l’ai pas forcément vécu, mais je l’ai senti autour de moi. Le sujet m’a été apporté par ma femme. C’est une histoire récurrente, proche d’elle. Elle a résonné en moi, en parlant avec elle et avec des amis issus comme nous de parents ou de grands-parents venus en France sans être Français ni parler la langue.

    Vous traitez de la séparation et de la famille des deux côtés.

    Oui, car ce qui est vécu par Amin l’est également par ceux qu’il a laissés derrière lui. Il se découvre en déphasage avec sa femme. Il leur faut un moment pour se reconnecter l’un à l’autre.

    L’autre grand thème est la solitude. D’où l'histoire d'amour entre Amin et Gabrielle.

    C’est en effet une dimension importante. La rencontre de ces deux solitudes est pratiquement inévitable. Pour Amin parce qu’il mène une existence loin des siens et pour Gabrielle qui se débat dans une situation compliquée, séparée d'un homme qui la harcèle.

    Il y a de l'érotisme dans le film.

    C’est vrai. Quand Amin retrouve sa femme, c’est à ce niveau. En rentrant en France, il a des besoins. Il se laisse prendre par une femme. Lui et Gabrielle s’apportent mutuellement quelque chose.

    Parlez-nous du choix d’Emmanuelle Devos.

    Elle a des qualités de comédienne qui m’intéressent. Quand on s’est rencontré, elle m’a demandé comment j’allais m’y prendre pour certaines scènes délicates que je prévoyais pour elles. Comme elles n’étaient pas gratuites, Emmanuelle en a compris le sens. Quand une actrice saisit cela, elle peut s’engager beaucoup. Par ailleurs, elle n’a pas l’habitude de jouer avec des inconnus. Mais quand il faut y aller, elle y va. Paradoxalement, j’avais l’impression qu’elle parviendrait à tenir son rôle sans le parasiter par le côté cinéma d’auteur et sa notoriété.

    Le film se déroule donc à la fois en France et au Sénégal. Mais vous évitez la couleur locale.

    On est au cœur de l’intime et de ce que la séparation provoque. J’avais envie d’aller plus loin que les images attendues, l'aspect exotique.  

    Vous donnez ainsi la parole à des gens qui généralement ne l’ont pas.

    Ce sont effectivement des gens peu représentés à l’écran. Dans la vie réelle, on les croise sans les voir. Amin leur permet d'exister, leur donne une singularité, une présence authentique. J’ouvre des fenêtres, de petites portes.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 3 octobre.

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