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Grand écran: avec "Amin", Philippe Faucon continue à explorer l'immigration. Emouvant, simple, juste

amin_0.jpgDeux ans après Fatima, qui lui avait valu trois Césars dont celui du meilleur film, Philippe Faucon, poursuivant son questionnement et son exploration de l’immigration, revient avec Amin. Il raconte le parcours d’un Sénégalais qui a laissé sa femme et ses enfants pour travailler sur des chantiers en France, et gagner de quoi les nourrir au village.

Amin (Moustapha Mbengué) vit seul dans un foyer d’hommes seuls. Un jour, appelé pour des travaux dans une maison en banlieue, il y rencontre la propriétaire Gabrielle (Emmanuelle Devos), une infirmière séparée de son mari qui vit avec sa fille. Les deux solitaires se rapprochent, se réconfortent, se racontent. Pour un temps, sans s'engager, sans rien se demander. 

Cette aventure sexuelle, sensuelle, brève mais intense s’inscrit logiquement au sein d'un film émouvant, simple, juste. Philippe Faucon nous montre Amin en France, ses relations avec ses compagnons ouvriers immigrés comme lui. Et, lorsqu’il la retrouve pour un court séjour, la situation de sa famille au Sénégal, où chacun souffre de l’absence de l’autre.

A la recherche du naturel, du vrai, s’attachant davantage aux personnages qu’au récit, le réalisateur livre un long métrage sobre, épuré, sans mélo, sans effets ni clichés. A l’exception d’Emmanuelle Devos et Moustapha Mbengué, il est interprété par des acteurs non professionnels.

1467028697574_0620x0435_1530255157470.jpgOn vous considère comme le peintre de l’exil

Je suis en effet très sensible à cette thématique, au fait d’avoir à recommencer sa vie, d’être en décalage dans une société dont on n’a pas les codes où l’on vit séparé des siens pour de longues périodes, où on ne voit pas grandir ses enfants. Je ne l’ai pas forcément vécu, mais je l’ai senti autour de moi. Le sujet m’a été apporté par ma femme. C’est une histoire récurrente, proche d’elle. Elle a résonné en moi, en parlant avec elle et avec des amis issus comme nous de parents ou de grands-parents venus en France sans être Français ni parler la langue.

Vous traitez de la séparation et de la famille des deux côtés.

Oui, car ce qui est vécu par Amin l’est également par ceux qu’il a laissés derrière lui. Il se découvre en déphasage avec sa femme. Il leur faut un moment pour se reconnecter l’un à l’autre.

L’autre grand thème est la solitude. D’où l'histoire d'amour entre Amin et Gabrielle.

C’est en effet une dimension importante. La rencontre de ces deux solitudes est pratiquement inévitable. Pour Amin parce qu’il mène une existence loin des siens et pour Gabrielle qui se débat dans une situation compliquée, séparée d'un homme qui la harcèle.

Il y a de l'érotisme dans le film.

C’est vrai. Quand Amin retrouve sa femme, c’est à ce niveau. En rentrant en France, il a des besoins. Il se laisse prendre par une femme. Lui et Gabrielle s’apportent mutuellement quelque chose.

Parlez-nous du choix d’Emmanuelle Devos.

Elle a des qualités de comédienne qui m’intéressent. Quand on s’est rencontré, elle m’a demandé comment j’allais m’y prendre pour certaines scènes délicates que je prévoyais pour elles. Comme elles n’étaient pas gratuites, Emmanuelle en a compris le sens. Quand une actrice saisit cela, elle peut s’engager beaucoup. Par ailleurs, elle n’a pas l’habitude de jouer avec des inconnus. Mais quand il faut y aller, elle y va. Paradoxalement, j’avais l’impression qu’elle parviendrait à tenir son rôle sans le parasiter par le côté cinéma d’auteur et sa notoriété.

Le film se déroule donc à la fois en France et au Sénégal. Mais vous évitez la couleur locale.

On est au cœur de l’intime et de ce que la séparation provoque. J’avais envie d’aller plus loin que les images attendues, l'aspect exotique.  

Vous donnez ainsi la parole à des gens qui généralement ne l’ont pas.

Ce sont effectivement des gens peu représentés à l’écran. Dans la vie réelle, on les croise sans les voir. Amin leur permet d'exister, leur donne une singularité, une présence authentique. J’ouvre des fenêtres, de petites portes.

A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 3 octobre.

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