L'année cinématographique fut riche dans tous les genres Voici plus ou moins dans l'ordre, un florilège des oeuvres qui m'ont plus particulièrement marquée, intéressée, surprise, émue. Les auteurs français se taillent la part du lion dans cette liste évidemment non exhaustive.
Anora, de Sean Baker
Le réalisateur américain met en scène une rencontre entre une danseuse érotique de Brooklyn et le fils d’un oligarque russe dans un «club pour gentlemen» Le courant passe entre la volcanique Anora (Mikey Madison) et Vanya (Mark Eydelshteyn, ), tête à claques immature. Jouant de l'érotisme, sensualité, romance, drame social, polar sous tension, Sean Baker, récent lauréat de la Palme d’or, propose une comédie de mœurs déjantée, à la fois grave et pleine d’humour. Elle fait la part belle à un magnifique personnage féminin, Cendrillon moderne sublimée par Mikey Madison.
Les graines du figuier sauvage, de Mohammad Rasoulof
Père de deux filles, Imam est nommé juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran, alors que le pays est secoué par une vaste contestation populaire. La promotion inquiète sa famille, qui se sent en danger. Dépassé par les événements, Iman décide de se conformer à la cruauté du système, approuvant des condamnations à mort sans se préoccuper de preuves. Suite à la mystérieuse disparition de son pistolet, Imam sombre dans la paranoia, allant jusqu’à maltraiter ses filles en les accusant de vol. Dans cette charge haletante contre le gouvernement de Téhéran, l’opposant Mohammad Rasoulof propose un film de genre en forme de métaphore d’un régime au bord de la chute. Il a gagné le Prix spécial du jury sur la Croisette.
The Zone Of Interest, de Jonathan Glazer
Entre pique-nique, pêche à la ligne et balades à cheval, Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, sa femme Hedwig (Sandra Müller, remarquable) et leurs cinq enfants mènent une vie idyllique dans leur jolie maison avec jardins fleuris, grande serre et piscine. Mais juste derrière le mur, il y a le pire camp de la mort. Dans ce film évoquant la banalité du mal tourné sur place, Grand Prix du jury cannois 2023, mais sorti au tout début 2024, Jonathan Glazer filme l'horreur de la Shoah sans jamais la montrer Absolument glaçant.
Juré no 2, de Clint Eastwood
Journaliste dans un petit magazine, Justin Kemp (Nicolas Hoult) est tiré au sort comme juré dans un procès pour meurtre. L’accusé, un homme violent, est suspecté d’avoir tué son amie avec laquelle il entretenait une relation houleuse. Après la plaidoirie de la procureure, le jury est convaincu de sa culpabilité. A une voix près, celle de Justin Kemp, qui va tenter de retourner ses co-jurés. En pleine forme, Clint Eastwood nous emporte dans un récit qui nous scotche au fauteuil dès la première minute.
Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, d’Emmanuel Parvu
Un simple baiser entre deux jeunes garçons et la violence se déchaîne contre l’un d’eux, Adi 17 ans, dans ce petit village de pêcheurs roumain. Le monde de l’ado, du coup enfermé, martyrisé, exorcisé ( !) est bouleversé. La critique froide de l’homophobie ordinaire sur fond de corruption et de loi du silence au sein d’une société rétrograde, a valu à Emanuel Parvu la Queer Palm en mai dernier à Cannes. Il captive et bouleverse par sa mise en scène efficace, simple, sobre, presque distante, de cette œuvre portée par d’excellents comédiens.
The Apprentice, d’Ali Abbasi
Le réalisateur danois propose son passionnant premier film américain. Il raconte l’irrésistible ascension de Donald Trump (Sebastian Stan) dans le monde des affaires et du pouvoir au cours des années 1970-1980, suite à une rencontre avec Roy Cohn (Jeremy Strong), avocat conservateur et entremetteur politique aussi abject qu’influent. Sebastian Stan est si bluffant qu’on a presque l’impression d’avoir le vrai Trump à l’écran. Avec sa fameuse mèche et sa bouche en cul de poule. Ame damnée magnétique,Jeremy Strong ne le lui cède en rien, parvenant même à l’éclipser dans le rôle du rapace Roy Cohn
The substance, de Coralie Fargeat
Reine de l’aérobic à la télévision, Elizabeth Sparkle vient d’atteindre l’âge fatidique de 50 ans. Pour garder son job, elle se laisse tenter par un message lui garantissant une meilleure version d’elle- même, plus jeune et plus belle grâce à une mystérieuse substance. Avec cet excellent sujet sur le jeunisme et la violence faite aux femmes, Caroline Fargeat propose un body horror cruel, drôle et grandguignolesque, porté par la formidable Demi Moore.
L’histoire de Souleymane, de Boris Lojkine
Demandeur d’asile, Souleymane se retrouve à Paris, sillonnant les rues à vélo pour ivrer des repas. Son statut lui interdit de travailler, et il lui reste deux jours avant un entretien à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui lui permettra peut-être d’obtenir des papiers. Avec ce thriller politico-social, Boris Lojkine livre un témoignage puissant sur les candidats à l’asile, dont les livreurs maltraités par des gens sans scrupules. Rendant hommage à leur courage, il nous plonge dans leur quotidien brutal en forme de tunnel, au bout duquel ils désespèrent de voir la lumière.
Tatami, de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv
Inspiré d’un fait réel, ce thriller d’espionnage sous haute tension tourné dans un magnifique noir et blanc nous immerge au cœur d'affrontements intenses, à la fois sportifs et politiques. Tout en nous laissant ressentir la terrible charge physique, psychologique et mentale pesant sur Leila, une championne de judo iranienne qui lutte pour ne pas céder aux injonctions du régime. Intelligente, courageuse, passionnante, cette première coréalisation irano-israélienne est de surcroît remarquablement portée par ses deux principales interprètes, qui «sont » plutôt qu’elles ne jouent leur personnage respectif.
Emilia Perez, de Jacques Audiard
Chef de cartel mexicain enfermé dans un corps d’homme, Manitas va devenir Emilia, avec l'aide d'une avocate. Surexploitée par un cabinet très occupé à blanchir des criminels, cette dernière voit là une porte de sortie inespérée. De son côté, passée pour morte, Emilia resurgit quatre ans après en bienfaitrice d’une ONG au service de familles mexicaines, victimes de la violence des barons de la drogue. Elle renoue alors des liens avec sa femme et ses deux enfants, ignorant ce qui lui est arrivé. Avec Emilia Perez, Jacques Audiard livre un thriller musical queer explosif. Prix du jury cannois et lauréat de quatre Golden Globes, dont meilleur film musical et meilleur film en langue étrangère.
Les fantômes, de Jonathan Millet
Torturé pendant des mois dans la pire es prisons syriennes, Hamid en est sorti vivant à ‘image de quelques autres détenus. Emigré en Allemagne, il a intégré l’une des cellules d’une organisation secrète formée de compatriotes. Espions amateurs, ils poursuivent à travers l’Europe des criminels de guerre qui se cachent sous de faux noms. Captivant, poignant, ce thriller original à tendance psychologique signé Jonathan Millet, maintient un suspense haletant. La tension monte au fil d’une histoire où se mêlent vengeance, traumatismes, obsession, deuil, rédemption.
Miséricorde, d’Alain Guiraudie
Dans ce polar rural et mystique qui flirte avec la comédie burlesque, on suit le déroutant Jérémie (Félix Kysyl) qui retourne dix ans après dans son village de Saint Martial pour l’enterrement du boulanger, son ancien patron. Il se retrouve au milieu d’une mystérieuse énigme, où Alain Guiraudie met sa griffe particulière, son humour noir décoiffant, son côté absurde, son inventivité, sa malice, son audace, sa liberté de ton. Une réussite qui tient aussi à la parfaite interprétation de tous les protagonistes, dont la désarmante Catherine Frot
Conclave, d'Edward Berger
Le pape vient de mourir et le doyen du collège , le cardinal Lawrence (remarquable Ralph Fiennes), réunit ses pairs pour élire son successeur. Avant de voir sortir la fumée blanche, on plonge en plein suspense dans un huis-clos oppressant. Peu à peu, on nous dévoile les manipulations, trahisons et autres complots ourdis par certains prélats avides de devenir pape, mais indignes d'accéder à.la fonction suprême.
Le comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière
En 1815, Edmond Dantès, jeune marin promu capitaine trahi par de jaloux rivaux, est arrêté le jour de son mariage pour un crime qu’il n‘a pas commis. Enfermé au château d’If, tristement célèbre forteresse marseillaise, il parviendra à s’évader après quatorze horribles années de bagne. Devenu très riche, il regagne Paris sous le nom de Comte de Monte-Cristo. Son but, faire payer cher les trois traîtres qui l’ont privé de sa jeunesse et de Mercédès, son grand amour. Entre félonie, aventure, duels, romance et suspense, on suit dans sa quête ce personnage trouble, ténébreux, parfaitement incarné par Pierre Niney.