Après Les Repentis (2021) qui évoquait l’assassinat du socialiste Juan Maria Jauregui par l’ETA, Iciar Bollain, réalisatrice engagée de plusieurs thrillers socio-politiques, propose avec Soy Nevenka l’histoire d’une femme qui a réussi à faire traduire en justice un homme politique influent et populaire pour harcèlement sexuel. Inspiré de faits réels, le film révèle le premier cas de #MeToo politique en Espagne, où il a fait couler beaucoup d’encre.
À la fin des années 90, Nevenka Fernández, 25 ans, est approchée par Ismael Alvarez, le charismatique maire de Ponferrada, en Castilla y León , afin de se présenter comme conseillère municipale aux prochaines élections. Ellle se retrouve responsable des Finances, un poste trop élevé pour un premier mandat. C'est le début d'une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par son patron. Pour s'en sortir, elle décide de le dénoncer et intente un procès à cet homme qui se croyait intouchable.
S’ouvrant sur une scène montrant une femme se terrant dans son appartement, puis s’entretenant avec son avocat, qui lui dit « Je te crois », l’œuvre, construite ensuite en flash back, nous laisse découvrir, avant son délabrement physique et psychique une Nevenka (Mireia Oriol ) brillante, belle, jeune, intelligente, prenant ses responsabilités très au sérieux.
Tout le contraire d’Ismaël (Urko Olazabal), son aîné de plus de 20 ans, personnage sympathique et charmeur en apparence, mais en réalité maire magouilleur, parvenu macho et lourdaud, marié à une femme très malade qu’il va bientôt enterrer. Usant de son pouvoir, de son aura, comptant sur la complicité et le silence de ses pairs, il est déterminé d’entrée à faire de Nevenka sa chose.
Nevenka perd complètement pied
Sous contrainte, intimidation et chantage perpétuels , elle finit malheureusement par céder aux avances d’Ismaël. Pour s’en vouloir terriblement et refuser aussitôt après cette relation toxique. Mais elle est tombée dans le piège. Son rejet est insupportable pour le pervers tyrannique, qui n’aura dès lors de cesse de la mépriser, de la rabaisser publiquement, de la détruire. Anéantie, Nevenka perd complètement pied.
Alors que les deux comédiens Mireia Oriol et Urko Olazabal se révèlent remarquables, Iciar Bollain décortique avec brio le phénomène de l’emprise, la mécanique du harcèlement sexuel et ses conséquences, la confusion, la douleur, le lent dépérissement psychologique et physique de la proie. par ailleurs soumise au regard des autres, des proches ne voulant pas la croire, cherchant avant tout à éviter le scandale. Sans oublier la sanction de l’opinion publique, inversant (n’oublions pas l’époque) les rôles de victime et d’accusé, à l’image de l’indécent procureur général lors du procès.
Aidée de ses amies et de son compagnon, Nevenka finira toutefois par échapper à son odieux prédateur. Grâce à l’aide de ses amies, de son compagnon qu’elle épousera et avec qui elle aura deux enfants. Et surtout grâce à la parole, démontrant ainsi l’importance de porter plainte au lieu de se réfugier dans un isolement pouvant parfois conduire au suicide.
A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 8 janvier.