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Sorties de la Semaine - Page 88

  • Grand écran: "Benni", portrait saisissant d'une petite fille violente et sauvage

    illustration-cine-debat-benni_1-1572348682.jpgBlonde, les yeux bleus, la peau diaphane, elle  aurait pu avoir tout d'un ange.  Mais Benni (Helena Zengel) est une fille de neuf ans sauvage, dangereuse. Elle se bat violemment avec les enfants qui ne la comprennent pas et elle fait peur aux adultes. Traumatisée toute petite, ne supportant pas qu’on lui touche le visage, elle est sujette à des crises de panique qui la mettent dans des colères noires et la rendent terriblement agressive. Elle devient alors ingérable.

    Benni est prise en charge par les services sociaux et médicaux, mais tout ce qu’elle veut, c’est retourner vivre chez sa mère, célibataire, qu’elle adore. Fragile, instable avec deux enfants plus jeunes à élever de surcroît, celle-ci, incapable de s’occuper de Benni, se voit forcée de l’abandonner. Ce qui n’est pas de nature à calmer la rage de sa fille.

    Madame Bafané, directrice de centre et Micha, éducateur spécialisé dans les ados à problèmes, tous deux manifestant une rare bienveillance doublée d’une patience à toute épreuve, prêts même à enfreindre le protocole pour le bien de Benni, tentent de lui trouver un cadre bénéfique.

    En vain. Refusée par de nombreuses familles d’accueil, la gamine se voit également expulsée de tous les foyers où elle est placée, personne ne résistant à ses explosions de fureur. Benni a besoin de beaucoup plus de soutien que le système actuel a à lui offrir. Le titre original, System Crasher/Systemspenger, exprime parfaitement cette impuissance, cette désolante absence de solution à long terme.

    Au-delà du portrait saisissant de la fillette irrécupérable, le premier long métrage de Nora Fingscheidt est aussi un hommage au dévouement et l’empathie sans faille des travailleurs sociaux, symbolisés par Madame Bafané et Micha.

    La réalisatrice allemande met par ailleurs les nerfs et les oreilles des spectateurs à rude épreuve pendant deux heures. A chaque fois qu’un élément positif semble se dessiner, comme la belle relation qui s’installe entre Benni et Micha, c’est un nouvel échec avec un brutal et frustrant retour en arrière.

    Ce drame social pédagogique, émouvant, au scénario intelligent, très éclairant sur la pathologie dont souffre Benni, est porté de bout en bout par la jeune Helena Zengler, qui livre une prestation impressionnante. Les rôles secondaires de l’assistante sociale, de l’éducateur et de la mère sont eux aussi très convaincants.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 11 mars.

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  • Grand écran: "O Fim do Mundo", film de résistance sur une jeunesse lisboète meurtrie

    O-Fim-do-Mundo-11.jpgDans ce long métrage qui commence par un baptème et se termine par un enterrement, symbole de la fin d’un cycle et du début d’un autre, Basil Da Cunha suit les déambulations du jeune Spira (le beau Michael Spencer). Après avoir passé huit ans dans un centre pour mineurs, il retrouve sa famille et ses potes en revenant à Reboleiria un bidonville de la banlieue de Lisbonne voué à la démolition, où le réalisateur vaudois d'origine portugaise vit depuis dix ans.   

    Le retour de Spira, à la recherche d’un travail, rêvant d’un futur qui n’a pas grand-chose à lui offrir, n’est pourtant pas du goût de Kikas, un vieux trafiquant. Il lui fait comprendre qu’il n’est pas le bienvenu dans ce quartier à deux pas du centre de la capitale envahie par les touristes, où les habitants désoeuvrés, rejetés par le capitalisme, se débrouillent comme ils peuvent pour survivre. Ce sont les voisins et amis du cinéaste, qui en montre à la fois les côtés humains et brutaux.

    S’inspirant de leurs histoires, mêlant la réalité et la fiction en créant un univers parallèle, le cinéaste dresse dans O Fim do Mundo le portrait d’une jeunesse meurtrie, à travers des personnages dont on a volé l’enfance. Ils ont perdu leur innocence et prônent les vertus du crime à l’ancienne.

    Humaniste, l’auteur aime valoriser, mettre en lumière des gens qui ne le sont pas, leur donner de la visibilité à travers le cinéma, leur rendre une dignité et une parole qu’on leur refuse. Dans cette favela il magnifie les habitants, à l'image de Spira qui, tel un ange noir, la traverse en essayant de voir plus loin en dépit d'un avenir bouché. «J’ai voulu faire un film de résistance, sur la fin d’un monde, d’un quartier, d’une génération, représenté par cet endroit, un des derniers maquis où on peut vivre autrement.»

    Pour lui, c’est une résistance à la normalisation qui lui fait peur, à la modernité. «Même si elle s’immisce à travers quelques téléphones portables, il y a une volonté de ne pas rester rivé à son ordinateur.»  Comme dit l’un de ses personnages, ce n’est pas de cette manière qu’on va conquérir le monde ou se faire de l’argent.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 11 mars. 

     

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  • Grand écran: dans "Sous la peau", Robin Harsch suit trois ados sur le douloureux chemin de la transition. Interview

    Sous-la-peau-8.jpgEffie Alexandra, Söan et Logan sont nés dans le mauvais corps. Avec des attributs qui ne correspondent pas à ce qu’ils sont. Obsédés par ce qui leur manque ou ce qu’ils ont en trop, par le regard de l’autre, par le dire ou le cacher. Pendant plus de deux ans, le Genevois Robin Harsh, se mettant à la place du spectateur, du parent ou du jeune qui se pose une foule de questions, a suivi ces trois adolescents sur le long et douloureux chemin de la transition, le grand bouleversement  qu’elle provoque chez eux, leurs parents, les difficultés qu’elle entraîne à l’école et dans la société.

    Mais il est surtout question d’une quête de leur véritable identité. De cette identité enfouie au plus profond de chacun d’eux. «Aujourd’hui on parle de LGBTI, mais il  n’y a pas, dans l’alphabet, suffisamment de lettres pour décrire toutes les différences de l’humanité», explique Effie, qui ne s’est jamais senti un garçon. «J’étais une fille avec des organes génitaux différents. Je dirais même que j’avais un pénis de fille et que peut-être il allait tomber un jour. Je suis libre depuis que j’ai des seins. Mon corps m’appartient.»

    «Dès que j’arrivais, ils me disaient “T’es un garçon ou t’es une fille ?” remarque Söan. « Que ça, tout le temps… Du coup, il y a un moment où j’ai basculé à l’opposé. Je me maquillais, j’avais un sac à main… Ce que je ne ferais plus jamais de ma vie aujourd’hui… » Pour Logan, c’est juste le haut qui le dérange beaucoup. «Comme une prison que t’as envie d’arracher.».

    IMG_8506-rotated.jpegRobin Harsch, 42 ans, auteur de plusieurs courts métrages et de documentaires pour la télévision, s’est lancé dans l’aventure par hasard. « En 2015,  une amie me parle de la création du Refuge à Genève, un centre qui  permettra à des adolescents LGBTIQ+ de venir parler de leurs problèmes en lien avec leur préférences sexuelles ou leur identité de genre. Je me suis dit que cela ferait un bon thème de documentaire.»

    Il a vu plusieurs gays, mais aucun ne voulait être filmé à visage découvert. «J’ai donc laissé tomber le projet et décidé, deux ans plus tard, de me concentrer sur les trans, grâce à Effie Alexandra qui avait envie de parler. J’ai ensuite rencontré Söan et Logan.»

    Au début, Robin pensait les accompagner pendant six mois.  « Mais c’était trop peu, chacun d’eux étant dans une étape différente sa transition et l’expérience a duré beaucoup plus longtemps. Tous les trois se sont livrés facilement. Le courant a passé très vite. Peut-être parce que je leur ai beaucoup parlé de moi, de de ma vie, de mes histoires d’amour.»

    Un soutien parental primordial

    Robin Harsch s’intéresse aussi évidemment aux parents, qui ont été plus difficiles à convaincre de s’exprimer. Il a fallu établir la confiance. La mère de Logan évoque alors sa souffrance. « C’est comme un deuil. Comme si ce garçon allait tuer ma fille que j’ai connue pendant dix-huit ans. Puis avec le temps, on récupère un jeune homme épanoui, bon à l’école, qui va mieux... » Pour la mère de Söan, il n’y a pas de genre. « Il n’y a pas de il ou elle. Ce qui reste c’est l’enfant. Fille, garçon, l’enfant. Il n’y a que lui. » 

    Le soutien parental se révèle  primordial dans la mesure où plus de 70% des jeunes candidats à la transition ont eu des idées suicidaires. Un sur trois passe à l’acte ou fait une tentative selon des études internationales. Il n’y en a pas en Suisse, mais d’après une éducatrice du Refuge, le risque chute de 93% quand le trans est soutenu par son entourage. Reste que certains jeunes rejetés, voire menacés  par leur famille sont en danger. D’où un hébergement proposé au centre pour préserver leur sécurité physique ou psychique.

    Avec ce documentaire, Robin Harsch espère apporter sa petite pierre. «J’ai surtout pensé à ceux qui ignorent tout de la transidentité et ont des a priori.  On voit heureusement de plus en plus de films sur le sujet et c’est tant mieux. Je pense que les mentalités changent, principalement chez les jeunes qui se montrent de moins en moins jugeants. Par exemple mon fils de neuf ans trouve que c’est bien».  

    A l’affiche le 11 mars à Genève et Lausanne, le 18 à Neuchâtel et ensuite dans le reste de la Suisse.

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