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Sorties de la Semaine - Page 295

  • Cinéma: "Pas son genre", une irrésistible romance sur fond de fossé culturel

    356306.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx[1].jpgPour Clément, élégant romancier et prof de philo, il n’y a que Paris au monde. La province, même proche, c’est la brousse. Aussi apprend-il avec consternation son affectation pour un an à Arras, où il pense s’ennuyer comme un rat mort. Et puis il rencontre par hasard Jennifer, une ravissante coiffeuse faite au moule. 

    Aussi prétentieux que charmeur, un peu lâche avec ses conquêtes, Clément répugne à s’engager, tandis que la pétillante, souriante et vibrante Jennifer est prête à tomber amoureuse. Ils entament alors une relation improbable en raison de leurs centres d’intérêts diamétralement opposés. Kant et Proust pour ce fils d'intellos bobos un rien inapte au bonheur, Anna Gavalda, magazines people, comédies romantiques et soirées karaoke en compagnie de deux copines pour cette mère célibataire, issue d’un milieu modeste.

    Avec ce film, adapté d’un livre de Philippe Vilain, Lucas Belvaux signe une histoire d’amour  apparemment asymétrique en forme d’originale romance psycho-socio-réaliste sur ces êtres incompatibles, aux antipodes l’un de l’autre. Evitant les pièges du genre, il joue subtilement avec les clichés. Rappelant évidemment La dentellière, le gros succès de Claude Goretta, Pas son genre est un petit bijou à l'éclat rehaussé par la remarquable prestation d’Emilie Dequenne et de Loïc Corbery, sociétaire de la Comédie-Française. De passage à Genève, le réalisateur belge nous en dit plus.

    belvaux[1].jpg-Vous nous proposez là un premier film sentimental assez atypique dans votre parcours.

    -C’est vrai, mais je sortais de trois films très noirs, lourds et j’ai été attiré par le sujet en entendant une journaliste parler à la radio du roman de Philippe Vilain. J’y suis resté à la fois fidèle tout en me montrant fifférent. L’auteur racontait l’histoire du point de vue de l’homme et j’ai voulu remettre la femme à égalité, pour que le spectateur ne la voie pas uniquement à travers ses yeux à lui.

    -Ce qu’il y a d’intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas d’un ménage à trois ou d’un adultère, comme dans pratiquement chaque opus du genre. Ils sont tous les deux libres

    -Oui, pour moi c’était primordial. Il n’y a pas non plus le poids de la religion. En principe rien ne vient contrecarrer leur amour à part la barrière culturelle. 

    -Ce fossé passe notamment par la littérature. Chacun a envie que l’autre s’intéresse à ce qui le passionne. 

    -Cela arrive. Ils viennent en quelque sorte se nourrir mutuellement, mais sans essayer de se changer.

    -Finalement, le plus philosophe des deux n’est peut-être pas celui qu’on croit.

    -Peut-être. Encore que Jennifer n’en soit pas une à proprement parler. Elle a une éthique. Elle construit sa vie et s’y tient. Elle transforme son univers, refuse de se laisser aller, colore le gris, rend son cops plus attirant. Elle doit se battre pour tout mais ne se plaint pas. Elle est digne.

     -De qui vous sentez-vous le plus proche ?

    -Des deux. Je viens de son monde à elle et je vis dans son monde à lui. J’aime ce qu’il lit, mais je ne comprends rien à la philo..
     
     -Vous avez fait appel à de formidables acteurs. A commencer par Emilie Dequenne, qui se révèle de surcroît excellente chanteuse dans les scènes de karaoke.

    -Je  la trouve encore mieux que ce que je  pouvais espérer, voire imaginer. Je me demande pourquoi elle ne tourne pas davantage. Emilie fonctionne comme un phénix. Elle se consume à chaque rôle, disparaît pour créer un personnage puis réapparaît différente.

    -C’est bien à cela qu’on reconnaît les grands acteurs. 

    -Effectivement. Les grands le sont à la fois dans le jeu et dans le don. Le jeu c’est ce qu’ils maîtrisent, le don, c’est ce qui leur échappe, la générosité, la confiance qu’ils ont dans le réalisateur.
     
    -Deux mots sur Loïc Corbery qui a désormais rejoint la famille du cinéma?
     
    -Je l’ai déniché  lors d’un casting.  Il correspond parfaitement à ce que je cherchais. Un beau gosse qui n’a pas besoin de séduire. Et qui peut lire des textes de Beaudelaire ou Giono de façon naturelle pour être crédible dans son rôle de prof. Mais ce n’est pas très étonnant pour un  acteur de théâtre aussi doué. Pendant qu’on tournait, il jouait Don Juan. Ce qu’il est absolument à mon avis.

    A noter que Loïc Corbery incarne actuellement un Alceste déprimé et bougon dans "Le Misanthrope" de Molière, mis en scène par Clément Hervieu-Léger- Comédie-Française, salle Richelieu, Jusqu’au 20 juillet.

    Film à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 30 avril.

     

     

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  • Cinéma: "Tokyo Family", l'hommage au chef-d'oeuvre d'Ozu "Voyage à Tokyo"

    images[9].jpgShukichi et Tomiko Hiramaya, un vieux couple japonais vivant dans la région d’Hiroshima vont rendre visite à Tokyo, peut-être pour la dernière fois, à leurs trois enfants qu’ils n’ont pas vus depuis longtemps.

    Ils tombent mal, car ces derniers ont leur vie, leurs obligations, leurs problèmes et pas trop de temps à consacrer à leurs parents. Ils leur offrent alors un séjour dans un bel hôtel au bord de la mer. Mais les Hiramaya s’ennuient après une nuit et décident de revenir en ville où ils se retrouvent bien seuls. 

    Avec Tokyo Family, Yoji Yamada rend hommage à son maître Yasujiro Ozu en réalisant un remake de son chef- d’œuvre Voyage à Tokyo, sorti en 1953 et sur le tournage duquel il fut jeune assistant. Une adaptation très fidèle bien que contemporaine, située après la catastrophe de Fukushima.

    Tout en utilisant beaucoup les portables, GPS ou autres technologies modernes, on retrouve la même situation familiale, les mêmes personnages, à l’exception du fils cadet mort à la guerre chez Ozu, la même trame, les mêmes thèmes comme la mort ou les conflits de générations chers à l’illustre aîné. Le fossé s’est d’ailleurs encore creusé et l’avenir se révèle toujours plus incertain.

    L’esthétique étant également proche de celle d’Ozu, Yamada livre indéniablement un bon film à la mise en scène classique, dont on salue aussi l’interprétation. On ne peut toutefois s’empêcher de se demander si cette version moderne d’une œuvre, souvent considérée comme l’une des meilleures de l’histoire du cinéma, était véritablement utile.

    Film à l’affiche dans les salles romandes dès le mercredi 23 avril.  

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  • Cinéma: "Dans la cour" avec Catherine Deneuve au bord de la déprime

    cour[1].jpgUn film avec Catherine Deneuve en tête d’affiche ne laisse jamais indifférent. Après avoir joué la fugueuse sexagénaire dynamique et avide de liberté chez Emmanuelle Bercot dans Elle s’en va, la voici vedette de Dans la cour, une comédie sur la dépression et la solitude signée Pierre Salvadori.

    Elle apparaît en femme fragile qui perd gentiment les pédales. Un rôle auquel elle ne nous avait pas habitués. Mais après cinquante ans de carrière, elle n’a pas peur de casser son image, ainsi qu’elle l’a confié dans une interview au Téléjournal. Pour autant qu’elle l’ait redouté un jour.

    Face à elle, Gustave Kervern, réalisateur débarqué de Groland. C’est un attelage peu commun, voire contre-nature qu’a formé là Pierre Salvadori. Dun côté elle, comédienne hors-norme, phénomène de longévité qui ne se voit pas arrêter de tourner, "icône à 70 ans" a récemment titré le New York Times Magazine comme le rappelle Télérama. De l'autre lui, acteur bourru à la barbe broussailleuse, aux cheveux même rares en bataille, à la tête d’ours et au physique ingrat.

    Là il incarne Antoine, la quarantaine bien tapée, musicien au bout du rouleau qui met brusquement fin à sa carrière. Après quelques jours à errer et à chercher un boulot, il décroche celui de concierge dans un vieil immeuble de l’est parisien. C’est là qu’habite Mathilde, fraîchement retraitée, impliquée dans la vie associative et attentive à ses voisins.

    Mais la fantasque et déraisonnable Mathilde est très stressée par les nouvelles qu’elle lit dans les journaux. Et quand elle découvre une fissure dans le mur de son salon, son inquiétude latente vire à l’angoisse proche de la panique à l’idée que la maison pourrait s’effondrer. Antoine, qui s’était immédiatement senti des affinités avec  cette femme rencontrée en prenant ses fonctions, développe un sentiment d’amitié. Dépressif lui-même, animal blessé accro à la drogue, il craint de la voir sombrer dans la folie.

    Cette fissure qui s’agrandit est évidemment symbolique de l’état de ces deux personnages cabossés, mais pas seulement. La cour de l’immeuble, où s’agite une brochette de fêlés est aussi le reflet d’une société française soignant sa déprime, son anxiété et son mal-être à grands coups d’antidépresseurs.  

    Tout cela donne une comédie à la fois drôle, noire, mélancolique, oscillant entre légèreté et gravité. A l’image de ses deux personnages principaux attachants et touchants, elle donne souvent dans le burlesque, antidote à la réelle détresse ambiante.

    Film à l’affiche dans les salles romandes dès mercredi 23 avril.

     

     

     

     

     

     

     

     

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