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Sorties de la Semaine - Page 26

  • Grand écran: "Plan 75": l'insoutenable programme pour se débarrasser des vieux au Japon

    Réalisatrice japonaise, Chie Hayakawa se penche sur un problème aigu de son pays, le vieillissement de la population, réussissant à traiter ce thème complexe avec une incontestable acuité. Son film, Plan 75, se déroule dans un futur proche. Face à la multiplication de seniors, le gouvernement nippon estime qu’à partir d’un certain âge, ils deviennent un trop gros poids pour la société. Il concocte donc un programme proposant aux plus de 75 ans de mettre fin à leurs jours. En échange, ils bénéficient d’un accompagnement téléphonique et reçoivent une somme de 100.000 yens (environ 650 francs suisses), qu'ils utilisent comme bon leur semble.

    Chie Hayakawa nous met tout de suite dans le bain, avec une tuerie de personnes âgées dans un établissement médical. Cette ouverture est inspirée du massacre de Sagamihara, où un  homme avait massacré dix-neuf handicapés dans un établissement spécialisé, expliquant ce carnage par leur inutilité et une trop lourde charge financière pour l’Etat.

    A partir de la redoutable réalité d’un monde dystopique, la cinéaste n’imagine en fait que la mise en place du Plan, accepté par la population et permettant ainsi au gouvernement de se débarrasser de millions de personnes, considérés comme de vulgaires détritus, un peu comme le montrait  Richard fleischer dans Soleil  vert, sorti en 1973.

    Pour mieux nous immerger dans son sujet, Chie Hayakawa se concentre sur trois personnages centraux. Michi, 75 ans,  ne trouve plus d’emploi et ne parvient pas à obtenir d’aide sociale. Par conséquent et à son corps défendant, rejetée de partout et de plus en plus isolée, elle se trouve  éligible au plan. De son côté Hiromu, jeune fonctionnaire, est chargé de recruter des candidats, tandis que Maria, aide-soignante les accompagne et les soutient dans leur ultime démarche.

    A la fois terrible, insoutenable et bouleversant, Plan 75 aborde l’euthanasie dite choisie, en potentiel système d’Etat. Effrayant, plus particulièrement lorsqu’on imagine que cela pourrait être prémonitoire.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 3 mai.

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  • Cinéma: «Quand tu seras grand", regard humaniste sur un Ehpad et les liens qui se tissent entre vieux et jeunes

    Après  Les Chatouilles , où elle racontait le viol qu’elle avait subi à neuf ans par un ami de la famille, Andréa Bescond aborde à nouveau, avec Eric Métayer, un sujet grave, en posant son regard sur les maisons de retraite et leurs dysfonctionnements. Dans Quand tu seras grand, tous deux se penchent non seulement sur la façon dont sont traités ou plutôt maltraités les vieux, mais également les jeunes, tout en évoquant les liens qui peuvent se tisser entre ces deux maillons négligés de la société.

    Dans ce film choral, on découvre Yannick (Vincent Macaigne), aide soignant dans un Ehpad (EMS en Suisse). Entre pression permanente , faute de personnel et restrictions budgétaires qui impactent le travail, les soins et la considération dus aux pensionnaires,, il tente de faire face à ces manques de moyens chroniques avec bonne humeur.  

    Alors qu’il est déjà à la limite, son quotidien et celui des résidents se complique encore, quand ils doivent partager le réfectoire de l’établissement avec une classe d’enfants et leur animatrice (Aïssa Maïga) dont la cantine est inaccessible suite à des dégâts d’eau. Mais si trop c’est trop au début, les choses ne tardent pas à s’arranger. 

    Souvent laissés seuls, végétant dans leur chambre, oubliés de leurs proches, les pensionnaires finissent par apprécier ces instants passés avec les enfants qui redonnent vie à leur quotidien et sont prêts, de leur côté, à apprendre. Ces rencontres entre deux univers opposés sont illustrées par l’amitié qui naît entre le retraité Yvon et Brieuc, un gamin d’une douzaine d’années délaissé par ses parents (photo). 

    Quand tu seras grand n’a pas la force des Chatouilles, certaines situations et personnages sont stéréotypés, mais ce film intergénérationnel entre fiction et documentaire qui, outre de la vieillesse et de la transmission, traite de la mort, de la différence, de la tristesse, du désespoir, de la solitude, émeut par la tendresse, la sensibilité, l’humanité et l’humour qui s’en dégagent. Il est de plus porté par un Vincent Macaigne lunaire et débordé à l’irrésistible look de rocker, et Aïssa Maïga qui ne lésine pas sur l’énergie. Mention spéciale à Kristen Billon, excellent dans le rôle du jeune Brieuc. 

    Aussi chaleureuse que dynamique, Andrea Bescond nous en dit plus sur ce film qu’elle voulait positif et de nature à se remettre en question sans pour autant faire la morale. Il a nécessité beaucoup de recherches. « J’ai lu des livres, entendu des témoignages, rencontré des soignants. Ce que je voulais, c’est être au plus près du réel, faire attention de ne pas tomber dans le cliché. On ne peut pas aborder ce sujet sans être précis, crédible. Il ne faut pas sentir l’écrit. Toute l’équipe a fait un stage de deux jours en Ehpad et, lors du tournage, nous étions entourés de vrais soignants ».

    Vous saviez que la réunion des générations existait ?

    Non, pas quand on en a eu l’idée. La chose s’était développêe, puis avait cessé à cause du covid. Mais aujourd’hui, ça revient. Et cels se passe très bien. L’évidence s’impose dans la relation entre Yvon et le jeune Brieuc. Je désirais qu’ils aient une filiation en-dehors des liens du sang qui ne sont pas les seuls importants. Entre ces deux-là, en vrai, c’était facile. Ils ont communiqué tout de suite. 

    Puisqu’on parle des comédiens, ils sont tous bons. J’ai particulièrement aimé Vincent Macaigne. Il est assez hallucinant. A-t-il été difficile à convaincre?

    Pas du tout. C’était une proposition de la directrice de casting. Il a adoré son personnage à la lecture du scénario. Il a apporté ses propres fringues pour être plus crédible dans le côté rocker. Et il y est allé à fond. Comme les autres d’ailleurs.

    Avec ce film, Eric Métayer et vous  envoyez un  message. Pensez-vous être entendus?

    On n’espère pas grand-chose  des politiques qui ont failli à leur mission.  Par exemple, on avait passé Les Chatouilles à l’Elysée. Pour rien. Mais dans la société  ça circule, ça avance. Il y a une vraie prise de conscience.  Là c’est pareil. 

    On retrouvera Andréa Bescond à l’occasion de l’adaptation de son roman, Une simple histoire de famille, paru en janvier dernier. Il évoque trois générations liées par des secrets. Pour l’écrire elle a puisé dans son expérience personnelle. Après son viol, elle a souvent fantasmé, dit-elle, de tuer son agresseur. 

    "Quand tu seras grand", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 26 avril. 

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  • Grand écran: portrait de la magnétique et combative Nan Goldin, dans "All The Beauty And The Bloodshed"

    C’est l’une des plus célèbres photographes de sa génération pour ses images queer avant-gardistes, exposées dans de nombreux musées. Venue au monde en 1953 à Washington, Nancy Goldin, dite Nan a  réinventé la notion de genre  et les définitions de la normalité Jeune fille introvertie, elle s'est heureusement émancipée dans une communauté alternative. Insolite, quand on pense que sa mère voulait faire d’elle une parfaite WASP (White Ango-Saxon Protestant) !

    Suite à une opération en 2017, Nan est devenue dépendante à l’OxyContin, un  médicament anti-douleur. Elle a survécu de peu, et depuis lors , cette amoureuse du collectif et du partage se bat inlassablement contre les Sackler, richissime famille aristocratique américaine, propriétaire du géant  pharmaceutique Purdue et  figurant parmi  les plus grands mécènes dans le domaine de l’art. 

    Les Sackler sont accusés d’avoir commercialisé l’OxyContin,  sans mettre en garde les patients contre ses dangereux effets  addictifs, dans le but de pousser à la sur-prescription.  Et d’être ainsi responsables de la crise des opiacés dans le monde, plus particulièrement  aux Etats-Unis, où elle a causé quelque  500.000 morts en vingt ans.

    Des opérations coups de poing

    Avec d’autres militants accros et .leurs proches, Nan Goldin  a fondé  l’organisation PAIN (Prescription Addiction Intervention Now) consacrée à la prévention des overdoses. Menant des opérations coup de poing  inspirées d’Act Up,  ses membres. ont dénoncé la complicité de grandes institutions comme le Louvre, la Tate, le Guggenheim ou le Met qui, jusqu’à récemment, acceptaient l’argent et les œuvres d’art de la famille Sackler. 

    Le film s’ouvre sur l’un de ces coups d’éclat emblématiques à l’intérieur du  prestigieux musée de la Cinquième Avenue,  avec projections de faux contenants d’opioïdes et d’ordonnances dans la fontaine de l’aile Sackler, tandis que des manifestants s’allongent sur le sol pour un  die-inll The Beauty And Th » saisissant et spectaculaire. . 

    Avec  Avec All The Beanty And The  Bloodshed (Toute la beauté et le sang versé) , Laura Poitras elle-même réalisatrice pugnace, s’est non seulement penchée sur la lutte acharnée de Nan Goldin.,  mais sur son existence et son parcours artistique. Elle brosse ainsi  un portrait fascinant de sa protagoniste,. marquée à jamais par le suicide de sa sœur en 1963., internée contre son gré car lesbienne. Le titre de l’opus est d’ailleurs inspiré d’un  texts de son aînée adorée.

    Oscarisée en 2015 pour Citizenfour  consacré au lanceur d’alerte Edward Snowdon, la documentariste a décroché le Lion d’or à la dernière Mostra de Venise avec son dernier (très) long métrage hybride, brillamment mené entre documentaire et biographie, né d’une volonté de Nan Goldin d’informer sur les intervention de PAIN.  On peut du coup reprocher  à l’auteur de multiplier les niveaux de lecture  Mais ce serait oublier que la vie de sa singulière héroïne,  qu’elle soit familiale, amoureuse ou sociale,. est inséparable de son oeuvre (à l’image de sa série emblématique  The Ballad Of Sexual Dependance), et de sa lutte acharnée.  

    Engagement sans faille contre les discriminations des gays dés 1983 

    Revisitant, principalement à l’ide d’une multitude de photos,  l’existence de cette incroyable battante, Laura Poitras retrace son engagement  contre les discriminations subies par la communauté gay à la fin des années 1970 et début 1980  Dès 1983, Nan Goldin a beaucoup et longtemps photographié ses amis de l’Underground queer de Boston, puis de la Bowery newyorkaise. Se succèdent  devant son objectif travestis, poètes,  écrivains, cinéastes, mais également drag queens, prostituées ou junkies à une époque où un  sida diagnostiqué équivalait à une condamnation à mort pour ces gens, créatifs ou non , fauchés les uns après les autres.

    Eminemment politique, artistiquement et socialement réussi,  cet opus frontal, radica,l où Nan Goldin se livre sans concession, s’apparente, on l’a souvent dit, au combat de David contre Goliath. Reste que les Sackler, poursuivis en justice par divers plaignants dont bien sûr PAIN, ont été forcés d’entendre  les témoignages de leurs victimes.  Devant ensuite payer six milliards de dollars à huit  états américains. Par ailleurs leur nom a été effacé du Louvre. Ainsi que de la Tate,  du Guggenheim ou du Met, qui ont renoncé à tout financement d’une dynastie avec du sang sur les mains. . 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi  25 avril. 

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