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  • Festival de Locarno: le Philippin Lav Diaz et le Roumain Radu Jude, marathoniens de la compétition

    3h35, presque un court métrage pour le réalisateur philippin Lav Diaz, qui nous a habitués à une oeuvre-fleuve! On pourrait considérer Essentiel Truth Of The Lake comme une préquelle de When The Waves Are Gone présenté l’an dernier à Venise. Ce que réfute le réalisateur, qui évoque un retour en arrière avec une grande partie tournée avant  le précédent. 

    Il y reprend le personnage torturé du lieutenant de police  Hermes Papauran, l’un des meilleurs enquêteurs des Philippines, mais impuissant face aux meurtres sanglants et aux mensonges indécents du dictateur philippin Rodrigo Duterte lors de la guerre contre la drogue. 

    Porter sa croix pour s'infliger de la douleur

    Même découragé, Papauran n’en poursuit pas moins, dans des lieux recouverts de cendres volcaniques et un lac insondable, son combat pour tenter d’élucider une affaire qui le hante depuis quinze ans, Lorsqu’on lui demande pourquoi il porte une telle croix, il répond qu’il veut juste continuer à s’infliger de la douleur. 

    Les films de Lav Diaz représentent toujours une expérience cinématographique particulière. Entre rêve, réalité, performances artistiques sur fond de message politique fort et de critique violente  contre les atrocités commises dans son pays, ils sont par ailleurs reliés à la nature. Essential Truth Of The Lake ne fait pas exception, l’auteur utilisant les arbres, la pluie, une fleur, le feu ,bref  tout ce qui s’y passe, pour ajouter de la chair à ses personnages. 

    Lauréat du Léopard d’or en 2014 pour From What I Before (5h30), le cinéaste Philippin pourrait en gagner un autre. Ce serait une première.   

    Radu Jude suit Angela dans l'enfer du trafic à Bucarest

    Autre marathonien en lice Radu Jude, qui avait séduit avec Bad Luck Banging, Ours d’or à Berlin il y a deux ans. Tourné en pleine pandémie, le film raconte  les tribulations  d’une institutrice à Bucarest, victime de la diffusion d’une sextape. 

    On est moins enthousiaste pour N’attendez pas trop de la fin du monde. Pendant 2h45, Le réalisateur roumain suit la blonde Angela qui, au milieu d’une circulation dantesque, parcourt inlassablement en voiture les rues de Bucarest tout en faisant (c’est insupportable à la longue) des bulles avec son chewing-gum.

    Elle doit filmer le casting d’une vidéo sur la sécurité au travail commandée par une multinationale. En colère, soumise à un rythme  infernal ( un leitmotiv), elle lutte pour sa survie dans un monde où il est difficile de faire sa place au boulot, dans la société et dans sa propre  vie. On a aussi droit à Bobita, son avatar, qui permet à l’auteur de recycler le type de masculinité toxique à laquelle les femmes sont constamment confrontées, histoire de libérer ce mécanisme de domination

    Comme un collage

    Mi road-movie mi comédie, mi film de montage, le film composé d’un grand nombre d’éléments fonctionne comme un collage avec différents genres, types d’humour où stratégies esthétiques. Il comprend deux histoires principales, dont une qui lui est arrivée, traitant d’exploitation du personnel, ou d’accident de travail les victimes étant toujours à blâmer pour ne pas avoir respecté les consignes de sécurité alors qu’en fait ce sont tous des travailleurs exemplaires. 

    Enfin, dans ce fil en noir et blanc, Radu Jude mêle de la couleur avec le portrait d’une chauffeure de taxi au temps de la dictature communiste par le biais d’un film de 1981 Et qui, sans être une grande œuvre, laisse découvrir une forme de féminisme et des éléments subversifs, En outre, cette confrontation d’images de l’époque d'avant à l’actuelle contribue à l’idée générale de Radu Jude, qui réfléchit à ce que nous sommes aujourd’hui. 

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  • Festival de Locarno: "Anatomie d'une chute", film choc de la Piazza Grande. Sandra Hüller magistrale

    Justine Triet avait provoqué l’émoi sur la Croisette avant de décrocher rune incontestable Palme d’or. Anatomie d’une chute , dont elle a écrit le scénario avec son compagnon l’acteur et cinéaste  Arthur Harari est à l’évidence le film choc de la Piazza Grande. Sa réalisatrice brosse le remarquable portrait d’une femme  que tout accuse de la mot de son mari.  

    Sandra,  écrivaine à succès,  bisexuelle, vit dans un chalet isolé à la montagne avec Samuel, romancier lui aussi mais moins inspiré, et Daniel, leur fils aveugle.  Un jour,  Samuel est retrouvé sans vie au pied de la maison. Faute d’explications tangibles, une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré l'incertitude sur ce qui s’est réellement passé: Un an plus tard démarre un long procès auquel Daniel assiste, découvrant alors l’histoire de ses parents dont la relation est méthodiquement disséquée. 

    Tout commence par un entretien désordonné entre Sandra et une étudiante en lettres qui se montre vague dans ses questions, lorsque qu’une musique assourdissante retentit à l’étage où travaille Samuel , empêchant la poursuite de l’interview. La jeune femme s’en va et puis c’est la chute, mortelle, la découverte de trainées de sang bizarres le long du mur…

    Au-delà du film à procès 

    Le doute s’installe, Accident, meurtre, suicide? Samuel avait des raisons de se donner la mort et  Sandra celles de le tuer. Justine Triet multiplie les pistes pour égarer les spectateurs qu'elle met dans la peau des jurés et qui sont eux aussi amenés à analyser méticuleusement la  vie de Sandra et Samuel, leurs qualités, leurs défauts, leurs failles, leurs névroses, leurs  disputes enregistrées de surcroît par le mari, leur rivalité d’artistes, leurs rapports de pouvoir, de domination. 

    On l’aura compris Anatomie d’une chute va au-delà du film à procès, la chute du corps symbolisant celle du couple et de l’érosion de la passion.  Impressionnant, haletant, captivant, l'opus nous embarque dès les premières images pour ne plus nous lâcher pendant 150 minutes. 

    Logique car il est en outre magistralement interprété par la comédienne allemande Sandra Hüller, pour qui Justine Triet a écrit le rôle. Elle n’incarne pas seulement, elle est cette auteure célèbre, complexe, indéchiffrable, insaisissable, parfois violente,, qui assume sa liberté, ses choix, sa bisexualité qui sera utilisée contre elle.. C’est une femme forte qui veut tout avoir, à qui tout réussit, ce qui la rend d’autant plus suspecte. 

    Formidables joutes oratoires

    Voire davantage. Autour d’elle évoluent notamment deux importants personnages permettant à Justine Triet de démonter également  les mécanismes de la justice,  A commencer par le procureur général, redoutable manipulateur campé par Antoine Reinartz, bien décidé à faire condamner Sandra qu’il estime coupable et qui fait tout son possible pour convaincre les jurés en contrant l’avocat de la défense joué par Swann Arlaud, Leur duel donne lieu à de formidables joutes oratoires. 

    On  n’oubliera pas, dans le rôle de Daniel, le fils de Sandra, Milo Machado Garner, dont la confiance qu’il avait en sa mère vire au doute qu’il nous transmet. On a enfin une pensée émue pour Sophie Fillières décédée le 21 juillet dernier et qui était chargée de le garder.   

    Pour résumer, Anatomie d’une chute, tragique drame conjugal qui, par extension concerne les couples, est un grand film à voir absolument. Il doit sortir dans les salles de Suisse romande  le 23 août prochain. 

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  • Festival de Locarno: "La voie royale", nouveau récit d'apprentissage de Frédéric Mermoud sur la Piazza Grande

    Après Complices et Moka, Frédéric Mermoud,  captivé par ce moment-clé où les jeunes doivent faire des choix qui vont définir leur existence et désireux de traiter à nouveau le sujet, revient avec La voie royale, un récit d’apprentissage qui a eu les honneurs de la Piazza Grande. Elève brillante passionnée par les mathématiques, Sophie Vasseur 18 ans, est poussée par son prof qui a perçu son potentiel, à quitter la modeste ferme familiale pour suivre à Lyon une classe préparatoire aux Grandes Ecoies, qui forment les futures élites françaises. 

    Au début, émerveillée, Sophie ne sait pas très exactement pourquoi elle veut rentrer dans cette filière, contrairement aux autres élèves qui ont plus ou moins tous déjà un plan. Car les barrières subsistent, Que se passe-t-il pour une fille d’èleveur qui n’a pas les codes, face à une certaine condescendance, voire moquerie  de la part de ses camarades et des enseignants ? Au fil de rencontres, d’échecs cuisants, face à une concurrence féroce, elle réalise que rien n’est jamais acquis et qu’elle va devoir se battre comme jamais pour trouver sa voie et atteindre son objectif: intégrer la prestigieuse Polytechnique

    On pourrait imaginer qu’il faille être calé en maths et en physique pour apprécier le film, mais ce n’est pas le cas. On suit, sans problème, sans  savoir comprendre ni résoudre de redoutables équations, le dur cheminement de Sophie vers l’excellence. Avec cette obligation de ne pas baisser les bras. De bosser comme une dingue tout en s’émancipant du formatage et en faisant preuve de créativité, pour relever un vrai défi d’ascension sociale. 

    Tout en évoquant la lutte des classes en évitant de tomber dans la caricature, Frédéric Mermoud raconte l’éveil de cette jeune fille sur différents plans, universitaire, sentimental, politique., mêlant sa quête d’identité à un désir de changer les choses de l’intérieur. Il est servi par l’interprétation impeccable de Suzanne Jouannet., vue dans Les choses humaines d’Yvan Attal .Solaire, spontanée, joyeuse, énergique, elle incarne une Sophie qui ne se pose jamais en victime en dépit de nombreux revers. 

    Elle forme avec Marie Colomb, personnage à qui au contraire tout réussit sansapparemment fournir le moindre effort, un joli duo aussi crédible que complice. Leur donne la réplique Maud Wyler, également parfaite dans le rôle de la prof, pur produit de cette culture. Dure, terriblement exigeante («je ne suis pas responsable d’une crèche»), elle  est du genre qui aime bien châtie bien. Et ne s’en prive pas. 

    Choisir d’aimer dans la chaleur de "La bella estate"

    Toujours sous les étoiles, l’Italienne Laura Luchetti nous a projeté dans le Turin de 1938. Ginia, 16 ans, vient  de quitter sa campagne et trouve du travail, dans un atelier de mode. En quête d’aventure, elle est captivée par le monde des artistes dans les quartiers bohèmes de la ville que lui fait découvrir la sulfureuse Amelia. Libre, provocante, un peu plus âgée et expérimentée, différente, elle sert de modèle aux peintres.

    Alors que Ginia tombe amoureuse de l’un d’eux dans sa volonté d’exister, d’être vue, Amelia lui offre une perspective différente sur la vie. Submergée par ses émotions, l’adolescente s’abandonne à son premier grand amour. dans son bel été Languissant, ce film qui se veut sensuel est vaguement inspiré par le roman de Cesare Pavese.. 

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