Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Grand écran: "Illusions perdues", fresque passionnante, spirituelle et moderne, au casting dix étoiles

    Ce film, Xavier Giannoli le portait en lui depuis ses 20 ans. Il est basé sur les Illusions perdues, le chef d’œuvre d’Honoré de Balzac publié entre 1837 et 1843,  dont il adapte librement la seconde partie, Un grand homme de province à Paris. Celui de la Restauration. Saisissant et redoutable reflet de notre époque, l’oeuvre, avec ses jeux de pouvoirs entre républicains et monarchistes à l’heure du libéralisme économique naissant et du règne du profit montre, s’il en était encore besoin, son intemporalité et son universalité.

    Auteur de Quand J’étais chanteur, A l’origine, Marguerite, Xavier Giannoli relève un immense défi, proposant un passionnant métrage romanesque et critique sur l’ascension et la chute de Lucien Chardon (Benjamin Voisin). Jeune poète inconnu et naïf à l’ambition dévorante, il veut se forger un destin et obtenir le droit de porter le nom à particule de sa mère «de Rubempré», pour faire oublier le sien .

    Tout s’achète et se vend

    Quittant l’imprimerie familiale et Angoulème, sa ville natale, il monte à Paris avec sa protectrice Louise de Bargeton (Cécile de France). Il va alors découvrir un univers vertigineux, trépidant, flamboyant, fourmillant de faux-semblants où l’argent est roi, où tout s’achète et se vend, la littérature la presse, la politique la réputation et l’amour.  

    Paraître est un must pour exister dans ce monde où le journalisme constitue un échelon vers la réussite. Débarqué dans la capitale dans le but de voir publié un recueil de poésie dédié à Louise (qui abandonnera vite le jeune provincial ignorant des codes et conventions de la bonne société), Lucien entre dans le sérail médiatique grâce à Etienne Lousteau (Vincent Lacoste). 

    L’opinion, une marchandise comme une autre

    Rédacteur à la plume féroce, Lousteau lui explique sa conception et sa pratique d’une profession où l’opinion devient une marchandise comme une autre. Créations de polémiques ou d’événements, articles achetés pour encenser ou descendre un livre, favoriser le directeur de théâtre le plus offrant qui paie lui une claque pour applaudir ou huer un spectacle. On retiendra plus particulièrement un irrésistible morceau de bravoure sur le bon exercice d’une critique aux effets salvateurs ou dévastateurs. D’où une peinture à l’acide d’un milieu corrompu et cupide au service de ceux qui le financent. 

    Aux dialogues ciselés, décapants, mordants, s’ajoutent une densité narrative, une mise en scène brillante, fluide et en mouvement, musicalement rythmée par Bach et Rameau, une reconstitution historique minutieuse. L’ensemble  sublime cette fresque foisonnante, spirituelle et moderne, qui brosse un portrait satirique implacable de la vie mondaine, de la presse et des arts en ce début de 19e siècle. Elle se combine avec le triste sort de Lucien que vont perdre sa soif démesurée d’élévation sociale, sa faiblesse coupable à manger à tous les râteliers, son obsession à se faire un nom dans un microcosme qu'il ne peut atteindre. 

    Des comédiens remarquables

    Les comédiens contribuent évidemment énormément à la grande réussite de l’opus. A commencer par Benjamin Voisin, omniprésent, qui avait déjà beaucoup séduit dans Été 85 de François Ozon. Il n’incarne pas, il est Lucien, ingénu arriviste dont la naïveté, le romantisme et l’humanité cèdent devant le cynisme et l’arrogance et la lâcheté. On craque également pour Vincent Lacoste, esprit vif, mentor un rien diabolique, exaspérant et drôle. Fragile et influençable, Cécile de France s’oppose à Jeanne Balibar, marquise machiavélique, perfide et manipulatrice.

    Et on n’oubliera  pas Xavier Dolan sobre et élégant dans un personnage fictif, l’écrivain Nathan, narrateur et conscience de Lucien, Gérard Depardieu, truculent et très inspiré éditeur illettré près de ses sous, Jean-François Stévenin, en chef de claques sans foi ni loi, l’un de ses derniers rôles. Ou enfin Salomé Dewaels, courtisane  et comédienne, le vrai amour de Lucien, mais dont le pari risqué du théâtre classique précipitera la mort. A voir absolument.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis  mercredi 20 octobre.

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine
  • Grand écran: "L'homme de la cave", le portrait d'un salaud

    Réalisateur éclectique mais plus particulièrement porté sur la comédie (Le coût de la vie, Les femmes du 6e étage, Alceste à bicyclette), Philippe Le Guay revient avec L’homme de la cave, un thriller tiré d’une histoire vraie, qui est arrivée à un couple ami. 

    Simon (Jérémie Renier) et Hélène (Bérénice Bejo) veulent vendre leur cave pour financer des travaux dans leu appartement et trouvent un acheteur Jacques Fonzic (François Cluzet), un mystérieux retraité qui la paie comptant et décide de s’y installer physiquement, à la grande surprise des propriétaires. .

    Ces derniers n'ont pourtant encore rien vu et l’opération banale se transforme en cauchemar pour Simon, d’origine juive, qui tente en vain  d’annuler la vente. Car Fonzic, ancien professeur d’histoire, a été viré pour négationnisme et, ne tardant pas à montrer son vrai visage de raciste et d'antisémite, va continuer de distiller son poison sur Internet, et surtout auprès de jeunes influençables, à l’image de Justine, la fille adolescente du couple. 

    Rattrapé par une actualité où fleurissent fake news et complotisme, Philippe Le Guay signe un film utile, proposant une réflexion sur le négationnisme et ses manœuvres abjectes dont se sert Fonzic. Personnage dangereux, pervers, insidieux et lâche, il sème le trouble et la zizanie dans l’immeuble, se posant en victime parce qu’il se permet juste, dit-il de son détestable ton geignard et mielleux, de s’interroger sur l’Histoire. 

    Tout en louant sa démarche certes d’intérêt public  mais un peu scolaire, on reprochera à l'auteur d’en rajouter parfois inutilement dans le propos et les effets. Par ailleurs, si François Cluzet se révèle crédible, il a aussi tendace à forcer la dose dans l’abomination onctueuse.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 13 novembre.

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine
  • Grand écran: Captivant, "Le dernier duel" marque le retour impressionnant de Ridley Scott

    Lady Marguerite (Jodie Comer)  accuse de viol Jacques Le Gris (Adam Driver), le meilleur ami de  son mari Jean de Carrouges (Matt Damon). Comme personne ne la croit, Jean  provoque Jacques en duel, l’ultime en France sanctionné par la loi. La jeune femme fait preuve d’un exceptionnel courage en dénonçant publiquement  l’auteur du crime et en réclamant justice.  

    En effet,  Le dernier duel, basé sur des faits réels,  adapté du roman d’Eric Jager, se déroule au quatorzième siècle. Il est signé Ridley Scott, qui opère, ave ce  long métrage captivant au scénario  moderne, faisant écho au statut des femmes aujourd’hui, un impressionnant  retour quelques semaines avant House Of Gucci.

    Le film ouvre sur la joute à mort qui s’annonce face au public et à Lady Marguerite que la potentielle défaite de son époux  vouerait à une mort atroce. Elle serait dénudée, rasée et brûlée vive. Car cela signifierait, prétendument au regard de Dieu,  qu’elle a menti. Comme le dévoile l’intrigue dans un grand flash back révélant la nature du conflit qui n’a cessé de s’envenimer entre les deux chevaliers, bons compères devenus adversaires féroces. 

    Le dernier duel vaut tout d’abord par sa narration, les scénaristes Matt Damon, Ben Affleck et Nicole Holofcener ayant décidé de raconter les choses à travers différents points de vue. Chaque chapitre revient ainsi sur la version subtilement nuancée des trois protagonistes. Cela permet d’affiner le ressenti et les perceptions de chacun, mais également d’approfondir leur personnalité respective et la manière dont ils se considèrent.

    Si Jean de Carrouges arrange son caractère de rustre macho pleurant sur son honneur bafoué, tandis que Jacques Le Gris nie sans surprise le viol, estimant qu’il a en réalité juste «troussé la dame», la seule version qui importe aux yeux de l’auteur (et aux nôtres)  est celle de la vraie victime, Marguerite. Qui prend donc un énorme risque en parlant au lieu de se taire. 

    Bouleversante dans son humiliation, sincère dans son accusation,  l’attachante Jodie Comer lui rend hommage en volant la vedette à Matt Damon et Adam Driver, pourtant eux aussi impeccables dans leur prestation respective. La comédienne britannique, qui a accédé à la célébrité avec la série Killing Eve, fait partie, selon Vogue, des trente personnalités européennes de moins de 30 ans les plus influentes. On se réjouit de la retrouver en Joséphine de Beauharnais dans Kitbag, également réalisé par Ridley Scott.

    A l’interprétation remarquable s’ajoutent l’excellence de la mise en scène, la fidélité de la reconstitution de l’époque qu’il s’agisse des décors, des costumes, de la violence et du réalisme des scènes de combat. Si bien qu’on ne sent pas passer les 2h30 de l’opus. C’’est dire si on est scotché au fauteuil !

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 13 octobre.

    Lien permanent Catégories : Sorties de la Semaine