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  • Grand écran: "La dernière leçon" ou le droit à mourir dans la dignité. Décevant

    527113[1].jpgFatiguée, usée, fanée, Madeleine en a assez de la vie. Mais elle tient à rester jusqu’au bout maîtresse de son destin en fixant elle-même la date et les conditions de sa mort.  C’est ce qu’elle annonce à ses enfants et petits-enfants, le jour où elle fête avec eux ses 92 ans. 

    Le choc est rude parmi les siens. Abasourdis, ils tentent de la dissuader tant cette décision ultime, alors qu’elle n’est pas malade, leur paraît inacceptable. En vain, Madeleine a choisi. Elle veut mourir debout. Alors ils s’enflamment et s’engueulent, chacun y allant de son ressenti. Diane finira par respecter la volonté de sa mère et s’en fera la complice pour partager ses derniers moments.

    Adapté du livre éponyme de Noëlle Châtelet paru en 2004, La dernière leçon est signé de la Française Pascale Pouzadoux. Une déception. En dépit ou en raison de la gravité du sujet, la réalisatrice ne sait trop sur quel pied danser. Après la bonne séquence de l’anniversaire en ouverture, elle propose un film bancal oscillant sans cesse entre drame et humour, tristesse et comédie, gentillesse et emportement, colère et chagrin.

    Dommage pour Marthe Villalonga qui livre une belle interprétation, aussi juste qu’émouvante. Ce n’est hélas pas le cas de Sandrine Bonnaire, une comédienne qu’on aime mais qu’on a rarement vu aussi mal dirigée, ou d’Antoine Duléry, très moyen dans le rôle du fils accablé par l’inébranlable désir maternel d’en finir. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 4 novembre.

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  • Grand écran: The Look Of Silence", voyage indonésien au bout de l'horreur

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    L’abominable ne se limite malheureusement pas au nazisme. En 2012, Joshua Oppenheimer livrait The Act  Of Killing, film terrifiant et délirant sur le massacre impuni en Indonésie de près d’un million de communistes ou prétendus tels. Il y laissait la parole à de vieux criminels de guerre rigolards fiers et satisfaits, qui rejouaient devant la caméra les horreurs commises en 1965-66. Avec jubilation et un manque confondant de culpabilité.

    Dans The Look Of Silence, tourné parallèlement, il aborde le même sujet en se plaçant cette fois du côté d’Adi Rukun (photo), frère cadet de Rami, son aîné qu’il n’a pas connu, accusé à tort de rébellion, horriblement torturé puis achevé par les militaires. Un assassinat qui marquera à jamais l’histoire familiale,

    Ophtalmologue itinérant, Adi s’informe lors de ses visites sur les circonstances de la mort de Rami, Animé d’un besoin de comprendre, il est impressionnant de calme, d’absence de colère, de violence ou de désir de vengeance face aux tueurs. Faisant preuve d’un incroyable courage dans un pays où les assassins sont encore au gouvernement, dans des villages ou un ancien bourreau habite la maison d’â côté.

    Si certains refusent de témoigner et déclarent qu’il ne s’est rien passé pendant ces années-là, un autre dit avoir bu le sang de ses victimes pour ne pas devenir fou. Il y a aussi cette scène démente, où Joshua Oppenheimer filme deux hommes responsables de la mort de Rami, se souvenant avec précision de la manière épouvantable dont cela s’est passé. Ne manifestant pas le moindre remord, ils restent persuadés d’avoir agi pour le bien de la nation. 

    Lors d’une interview aux Inrocks, Joshua Oppenheimer rappelle que «dans cette partie du sud asiatique, le fascisme n’est pas l’exception monstrueuse à la règle, il est la règle... The Look Of Silence est consacré à ce que ça fait de vivre pendant cinquante ans dans le déni d’un massacre de masse, sous un régime qui a perpétré les tueries, et avec pour voisins les familles des tueurs. Je voulais filmer, ajoute-t-il, ce silence douloureux, induit par la peur de s’exprimer».

    Tout cela donne un excellent documentaire à la fois édifiant, essentiel, puissant, magnifique, d’une rare humanité, basé sur la force d’un être à la fois ordinaire et extraordinaire qui ne veut justement plus vivre dans la terreur. Mais c’est aussi un film atroce, dont le détail des tortures infligées vous pétrifie et vous glace le sang.

    A l’affiche dans les ssalles de Suisse romane dès mercredi 4 novembre.

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  • Grand écran: "Le fils de Saul", quête insensée d'un homme dans l'innommable

    Le-Fils-de-Saul-la-critique[1].jpgOctobre 1944, camp de la mort d'Auschwitz. Juif hongrois, Saul Ausländer est membre d'un des Sonderkommandos, formés de déportés plus costauds que les autres, recrutés par les nazis et forcés de les assister dans la macabre mise en œuvre de la solution finale. Avant, ce qu'ils savent parfaitement, d'être liquidés eux aussi.

    Avec d'autres prisonniers, Saul vit des expériences effrayantes dans des conditions épouvantables. Inlassablement, il est chargé de faire descendre les juifs des convois, les oblige à se déshabiller, à laisser leurs vêtements suspendus à un clou puis à entrer dans les chambres à gaz où il les pousse pour en entasser un maximum.

    Puis il doit déblayer les «pièces» selon le vocabulaire allemand et les transporter jusqu'aux fours. Ces gestes, il les exécute mécaniquement, imperméable à l'horreur qui l'entoure.

    Il est en train de travailler dans un crématorium quand, au milieu d'innombrables cadavres, il croit reconnaître celui de son fils. Tandis que son Sonderkommando prépare une révolte (qui a réellement eu lieu), il est obsédé par l'idée de sauver l'enfant des flammes, de préserver son corps, et de trouver un rabbin pour lui offrir une sépulture digne.

    L'atrocité du quotidien

    Cette quête a priori dérisoire en des circonstances aussi atroces représente pourtant un acte ultime de résistance dans cet univers concentrationnaire. Une petite lueur d'humanité dans la nuit la plus noire.

    Innovant dans la forme, pour approcher au près l'enfer d'un camp d'extermination, Laszlo Nemes, 38 ans, héritier du maître Béla Tarr, a choisi la fiction pour plonger le spectateur dans l'innommable quotidien de son héros, remarquablement interprété par l'impressionnant Réza Röhrig (photo), New-Yorkais d'origine hongroise.

    En même temps, ce n'est pas un film sur l'Holocauste qu'il a décidé de ne pas représenter. Mais sur la brève existence de ces Sonderkommandos obligés de conduire les leurs, jusqu'à 400.000 en trois ou quatre mois, à la mort avant d'y passer eux-mêmes. Car c'est exclusivement de cela qu'il s'agit. Comme il le dit lui-même, il s'agit d'un film sur la réalité, la mort, l'absence totale d'espoir. Contrairement aux fictions traitant de la Shoah de façon insatisfaisante à son avis, parlant de survie, d'entraide, avec surcharge émotionnelle et dramatique. 

    Suggérer est plus fort que montrer

    Filmant son héros vidé de toute émotion en plan serré, le réalisateur ne donne à voir que ce qu'il voit, prenant soin d'éviter toute complaisance, tout voyeurisme. S'arrêtant aux portes des chambres à gaz, il laisse l'horreur des exécutions massives hors champ ou la suggère, ce qui est plus fort que la montrer, par des images floues.

    D'un bout à l'autre, s'en tenant au seul point de vue de Saul, excluant tout ce qui n'est pas essentiel à son histoire, il s'applique à suivre en continu pendant une journée et demie les déplacements de cet homme  entre les fours et les fosses communes, exécutant ses gestes, mécaniquement, imperméable à l'horreur qui l'entoure. Porté par une foi inébranlable, il est uniquement préoccupé par sa mission insensée. 

    Laszlo Nemes, dont une partie de la famille a été assassinée à Auschwitz, a décidé de traiter ce sujet après avoir trouvé un incroyable recueil de textes Des voix sous la cendre écrit en secret et enterré par des membres du Sonderkommando. 

    Un travail de mémoire pour les générations futures que ce film choc étouffant, au traitement radical, à l'esthétique sépulcrale, rythmé par des sons mous, des cris, des ordres, des grincements de chariots. Et une immersion dans l'insoutenable qui vous secoue, vous touche d'une manière viscérale, vous laisse complètement sonné à l'issue de la projection. Il a gagné le Grand Prix du jury au dernier festival de Cannes, mais aurait mérité la Palme d'Or.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 4 novembre.

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