Tombé sous le charme de la BD éponyme de d’Abel Lanzac et Christophe et Blain, Bertrand Tavernier signe sa première satire politique avec Quai d’Orsay, adapté du premier tome. Le jeune Arthur Vlaminck est engagé au service du ministre des Affaires étrangères Alexandre Taillard de Worms. Au contact de ce grand homme charmeur, survolté et virevoltant, il découvre, et nous avec lui, les coulisses de la diplomatie française.
Diplômé de l’ENA, Arthur, brillamment interprété par Raphaël Personnaz, doit donc écrire les discours du maître des lieux, jusqu’au plus célèbre d’entre eux, celui contre la guerre en Irak, applaudi aux Nations-Unies le 14 février 2003.
La tâche est dantesque dans la mesure où chaque mot est pesé dans des phrases remaniées à l'envi par le ministre jamais satisfait. Et où "la plume", humiliée plus souvent qu’à son tour doit on seulement remettre sans relâche son ouvrage méprisé sur le métier, mais également composer avec les susceptibilités, les hypocrisies, les coups fourrés et les ambitions de chacun, au sein d’une équipe constamment sous stress.
Cette comédie du pouvoir est emmenée tambour battant par un bluffant Thierry Lhermitte, qui ne craint ni l’outrance ni l’exubérance en enfilant le costume de l’extravagant, théâtral, séduisant et agaçant maître des lieux, inspiré par de Dominique de Villepin. Evitant de tomber dans le piège de l'imitation, mais se délectant à l’évidence de son personnage aux tics de langage, citant Héraclite et vouant une passion immodérée au Stabilo Boss jaune, il s’amuse comme un petit fou.
Le contraste est saisissant entre son énergie débordante et la placidité de Niels Arestrup, excellent dans son rôle le de directeur de cabinet à la voix douce et traînante, tentant d’apaiser les tensions avec un détachement et calme qui confinent à l’apathie.
Un film intelligent, tourbillonnant, bien maîtrisé, en dépit de son côté un peu caricatural. On regrette par ailleurs quelques scènes débordant du cadre en nous emmenant dans l’intimité de la "plume". Alourdissant l’intrigue, elles parasitent inutilement un univers dingue, dont les protagonistes dévoués corps et âme à leur fonction vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sont censés n’avoir aucune vie privée. (Photo: Bertrand Tavernier au centre entre Thierry Lhermitte et Raphaël Personnaz).
Film à l’affiche dans les salles romands dès mercredi 6 novembre.