Tout ce qui est Italien fait, sur le festivalier locarnais, l’effet de la cape rouge sur le taureau. Si en plus il s’agit d’une star, l’émeute n’est pas loin. Damant le pion à Charlotte Rampling et à Alain Delon, Ornella Muti, née Francesca Romana Rivelli à Rome en 1955, avait ainsi attiré la méga foule au Forum, après l’hommage qui lui a été rendu sur la Piazza grande.
A la tête de 70 films, dont quatre sont montrés au festival, l’invitée d’Olivier Père, qui a participé à l’âge d’or du cinéma italien avec Risi, Monicelli et Scola, s’est retrouvée derrière la caméra par hasard. "Je suivais des cours de danse et je n’avais pas du tout l’intention de faire du cinéma mais un jour j’ai accompagné ma sœur qui ne voulait pas aller seule à un bout d’essai . Lorsque le réalisateur m’a vue, c’est moi qu’il a choisie. Non pas parce que j’étais mieux que ma sœur, mais parce que j’avais l’âge de l’héroïne recherchée".
Modeste, elle ne dira pas qu'elle était surtout d’une beauté à tomber et que le réalisateur n’avait pas les yeux dans sa poche. Toujours est-il qu’elle débute à quinze ans dans Seule contre la mafia, un drame sicilien.C’est à cette occasion que le cinéaste Damiano Damiani la baptise Ornella Muti.
Après avoir enchaîné quelques séries B en Italie et en Espagne, Ornella Muti donne la réplique à Ugo Tognazzi, avec qui elle tournera à plusieurs reprises, dans Romances et Confidences (1974) de Mario Monicelli. Ce fut une rencontre très importante professionnellement. Je n’ai pas fait d’école. J’étais une gamine, et j’ai appris sur le tas avec de grands acteurs qui m’ont beaucoup aidée. Primordial également pour moi qui ne prépare pas mes rôles, le travail avec le réalisateur.
Deux ans plus tard, c’est Marco Ferreri qui l’engage pour La dernière femme où elle incarne une jeune puéricultrice, maîtresse d’un père célibataire en l’occurrence Gérard Depardieu. Elle en tournera deux autres avec l’iconoclaste metteur en scène, Histoire de la folie ordinaire en 1981 et L’avenir est de sexe féminin trois ans plus tard.
Cette mère de trois enfants qui a toujours donné une importance particulière à la famille fera une troisième rencontre importante avec Dino Risi pour Dernier amour en 1978. Puis on la verra chez Francesco Rosi en 1987 dans Chronique d’une mort annoncée le film de Francesco Rosi qui fit couler beaucoup d’encre suite au titre de Libération Chronique d’une merde annoncée, avant de connaître une nouvelle carrière en France dans les années 90. Tout récemment elle a participé au film de Woody Allen To Rome With Love.
Traversant la cinématographie italienne, Ornella Muti a toujours passé avec aisance du film populaire au cinéma d’auteur, du rire aux larmes. "Je n’aime pas me limiter à un genre. Par exemple, avant de me coucher, j’ai envie de voir une comédie qui me fait rire. Par ailleurs je trouve qu’une comédie peut aussi faire passer un message. Elle dit se sentir bien dans tous ses personnages. .. "Ce que j’aime c’est jouer".
La magnifique n’a évidemment pas échappé à la question sur le secret de son look. "Des sacrifices, un régime strict, beaucoup de sport et de la méditation". Comme quoi cela ne suffit pas d’être mariée à un chirurgien esthétique…
Valeria Bruni-Tedeschi dans un fauteuil roulant
Avant Ornella Muti, c’est le réalisateur transalpin Edoardo Gabbriellini qui avait, sans surprise, rameuté les troupes à la conférence de presse pour son film Padroni di casa. D’autant que l’opus réunit notamment Elio Germano, prix d’interprétation à Cannes il y a deux ans, Valeria Bruni-Tedeschi et le célèbre chanteur des années 70, Gianni Morandi.
Dans cette variation laborieuse sur le thème de l’homme est un loup pour l’homme, le cinéaste se livre à une réflexion sur la violence, la fragilité qui la sous-tend et la façon dont elle peut peut se déclencher facilement. Un film qui pourrait se dérouler partout mais dontl'intrigue se passe en l’occurrence dans un petit village. Les êtres humains sont vus comme des animaux sociaux, dans une nature qui semble observer de menus événements virant à la tragédie.
Valeria Bruni-Tedeschi joue la femme d’un chanteur retiré depuis dix ans dans les lieux, devenu cynique et désespéré. Clouée dans un fauteuil roulant à la suite d’un ictus, elle subit sa méchanceté. Ce n’est pas le genre de rôle qu’affectionne la comédienne.
"J’ai rencontré Edoardo qui m’a parlé de ce personnage particulier. J’étais à la fois attirée et hésitante. Je n’aime pas trop les numéros de virtuosités, mais plutôt être moi-même en tant qu’actrice. Mais j’ai accepté après avoir rencontré une personne victime de cette maladie il y a 15 ans. J’ai parlé avec elle de sa solitude, de cette prison où elle se trouve sur le plan de la communication. Cela ne m’a pas seulement émue, mais je me suis demandée comment on pouvait vivre de cette manière pendant autant de temps".