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  • Grand écran: "Profession du père", avec Benoît Poelvoorde en mythomane brutal et lâche

    Lyon 1961. Pour Emile, 12 ans, son père, André Choulans, est un héros. Impressionné, il ne se lasse pas d’écouter ce surhomme qui lui raconte les chapitres mémorables d’une vie exaltante. Tour à tour il a été ténor, footballeur, parachutiste, agent secret, créateur des Compagnons de la chanson à qui il a présenté Edith Piaf, ceinture noire de judo.

    Et surtout conseiller personnel du général de Gaulle, Du moins « jusqu’à sa trahison envers l’Algérie », comme il l’assène avec colère. Et c’est ainsi que ce père mythomane, atteint de folie, sujets ä des accès de rage pour des motifs des plus futiles, va confier ä son fils, en cette année 1961, des missions dangereuses pour sauver l’Algérie qui menace de devenir indépendante. 

    Avec Ted, son ami américain fantôme, il concocte un projet d’assassinat du général où Emile tient la vedette. Un challenge de taille pour le gamin qui craint son paternel, mais rêve de l’égaler. En dépit des châtiments qu’il lui fait subir. Car pour en faire un bon espion, André Choulans n’hésite pas à le frapper violemment avec sa ceinture ou à le réveiller en pleine nuit pour l’obliger ä exécuter une série de pompes, Impuissante, la mère est dans le déni des dérives de son mari malade. Aimante, soumise et réduite à son rôle de ménagère, elle ne peut que consoler Emile quand la situation dérape.

    Profession du père, signé Jean-Pierre Améris, est adapté du terrifiant roman autobiographique et éponyme de Sorj Chalandon. «C’est aussi un peu mon histoire»,  nous confiait Le réalisateur, qui a passé son enfance ä Lyon. «Bien que non mythomane mon père était un tyran domestique qui nous terrorisait, ma mère, ma sœur et moi ». Tout en atténuant la noirceur du roman, il ne nous plonge pas moins dans l’univers oppressant de cette famille dysfonctionnelle, via la relation père-fils paradoxale entre psychose, amour, admiration et conflits.   

    Jules Lefebvre, un atout majeur

    Pour incarner cet homme détraqué, Jean-Pierre Améris a décidé, après Les émotifs anonymes et Une famille à louer, de collaborer une nouvelle fois avec Benoît Poelvoorde. Il est parfait en névrosé inquiétant, brutal, lâche et pitoyable. Un rien fantasque et loufoque également. 

    Mais dans cet opus filmé à hauteur d’enfant, l’autre atout majeur est Jules Lefebvre, découvert dans Duelles d’Oliviier Masset-Depasse. Il campe un Emile formidable, étonnant de naturel, de spontanéité, de maturité. Et on n’oubliera pas Audrey Dana, à la hauteur dans son rôle de mère désarmée, mais tentant de protéger son enfant contre les explosions démentes de son conjoint.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 28 juillet.  

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  • Festival de Cannes: la Palme d'or à "Titane", de Julia Ducournau. Un film féministe choc, violent, transgressif, clivant

    La Française Julia Ducournau, 37 ans, benjamine de la compétition, est devenue samedi la deuxième réalisatrice à remporter la Palme d’or pour Titane, 28 ans après Jane Campion pour La leçon de piano. Son oeuvre a soit électrisé, soit secoué Croisette et critiques. Super dans son costume arc-en-ciel, le président du jury Spike Lee, censé donner les prix d’interprétation, s’est mélangé les pinceaux en annonçant pratiquement la récompense suprême dès le début d’une cérémonie au déroulement assez bordélique jusqu’au bout.  

    Entourée de l’étonnante Agathe Rousselle qui fait l’amour avec les voitures et de Vincent Lindon, pompier sous stéroïdes, Julia Ducournau a remercié le jury "de laisser entrer les monstres et de rendre le cinéma plus inclusif". Déjà à l'affiche dans les salles de Suisse romande,, le féministe Titane, mêlant mutation des corps. hybridation femme/machine, recherche de paternité, questionnement de l’identité et du genre, est le film le plus choc, le plus violent, le plus transgressif et le plus trash du concours.  Mais aussi sans doute le plus nouveau.

    La difficulté du choix

    Destiné à cliver, il clive, ce qui n’a rien d’étonnant dans cette 74e édition où chacun avait sa Palme et où, du coup, aucune n’était indiscutable. Le fait d’avoir décerné le Grand prix du jury ex-aequo à l’Iranien Ashgar Farhadi (Un héros) et au Finlandais Juho Kuosmanen (Compartment No6) ainsi que deux Prix du jury à l’Israélien Nadav Lapid (Le genou d’Ahed) et à Apichatpong Weerasethakul (Memoria) est symbolique de cette difficulté de choix.

    Pour les autres médailles de la soirée, celle de la mise en scène revient à Leos Carax, auteur d’Annette, tandis que celle du scénario récompense le Japonais Ryusuke Hamaguchi, qui aurait mérité mieux pour son magnifique Drive My Car. 

    Excellents prix d’interprétation

    L’Américain Caleb Landry Jones est sacré meilleur acteur pour sa performance dans Nitram de l’Australien Justin Kurzel, où il s’apprête à commettre l’une des pires tueries de l’histoire du pays. De son côté Renate Reinsve, une révélation, décroche l’interprétation féminine pour Julie en douze chapitres du Norvégien Joachim Trier, où elle joue une femme en quête d’elle-même. Tous deux sont excellents.

    Un mot encore sur la Caméra d’or remise à  Murina de la cinéaste croate Antoneta Alamat Kusijanovic restée dans son pays pour une raison majeure. Elle a donné naissance à son premier enfant la veille de la cérémonie. Enfin, une Palme d’honneur a été décernée au grand Marco Bellochio. 

    Edition marquante mais pas transcendante

    Pour le reste, on relèvera une édition réussie un peu boursouflée mais de bonne tenue dans l’ensemble, marquante mais pas transcendante, où dominait le cinéma français. Avec comme toujours des perles découvertes dans les sections parallèles qui auraient eu leur place en compétition. 

    Enfin, ce cru 2021 n’a pas été trop perturbé par les mesures sanitaires, même s’il fallait montrer patte blanche pour entrer dans le Palais des festivals ou porter son masque pendant toute la durée des projections. Par ailleurs, on ne peut pas franchement prétendre que la billetterie dématérialisée a empêché les files d’attente de se former. Mais on a survécu !

     

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  • Festival de Cannes: une 74e édition en manque de Palme d'or indiscutable

    Particulière, cette course à la récompense suprême, qui se termine ce soir avec la proclamation du palmarès par le président du jury Spike Lee et ses camarades. Alors qu’on s’attendait à une géniale découverte après toute cette attente et ces frustrations covidiennes, aucune Palme d’or indiscutable ne se dégage vraiment des 24 œuvres en lice pour la décrocher. 

    Et pourtant que ce fut dense. Plus spécialement en deuxième semaine on avait carrément passé la vitesse supérieure avec une quinzaine de films au menu. Avec Benedetta de Paul Verhoeven, Tout s’est bien passé de François Ozon, Bergman Island de Mia Hansen-Love  Drive my car de Ryusuke Hamaguchi dont on a déjà parlé, on en a retenu quelques autres susceptibles de toucher le jack pot, ou du moins de figurer au palmarès.  

    A commencer par Jacques Audiard qui, six ans après le triomphe contesté de Dheepan, opère une véritable mutation dans Les Olympiades, son premier film en noir et blanc somptueux, co-écrit avec Céline Sciamma et Lea Mysius. Librement inspiré de trois nouvelles graphiques de l’Américain Adrian Tomine, le film se déroule dans le quartier chinois du 13e arrondissement de Paris.

    Traitant du polyamour dans cette effervescente comédie romantique,  Audiard se livre à une étude de moeurs en radiographiant finement des âmes, des cœurs et des corps. Il suit quatre jeunes gens, trois filles et un garçon, dont les parcours se croisent et les désirs s’entrecroisent. Le tout sur fond de nouvelles technologies permettant des rencontres, du harcèlement ou des ébats pornos en ligne.  

    France de Bruno Dumont avec une Léa Seydoux époustouflante 

    On  est très séduit par Bruno Dumont, qui lui aussi change radicalement de registre avec France, satire féroce de la célébrité, où il flingue à la fois joyeusement et gravement une  mise en scène télévisuelle obscène de l’actualité. Poussée dans ses limites par sa délirante assistante (Blanche Gardin), Léa Seydoux décoiffante en vedette cynique de Regard sur le monde, émission phare d’une chaîne d’info en continu qui donne dans le journalisme d’une rare indécence. 

    On la voit jubiler à l’idée de déstabiliser Macron ( un montage sur des images du chef de l’Etat), danser parmi les bombes, diriger des rebelles comme au théâtre pour que ça passe mieux, ou embarquer faussement sur un bateau de migrants dont elle évoque le tragique destin, les larmes aux yeux. Sa prestation, la montrant aussi victime du système dont elle fait partie, pourrait lui valoir un prix d’interprétation. 

    Compartment No 6, une histoire simple

    On a un faible pour Compartment N0 6 du Finlandais Juho Kuosmanen. Présent  pour la première fois en concours, il ne se prend pas la tête pour raconter une histoire simple son histoire. Laura, une jeune étudiante finlandaise à Moscou, passionnée par les pétroglyphes du néolithique de Mourmansk, aurait dû s’y rendre avec Irina, son amoureuse. 

    Mais celle-ci a d’autres projets et Laura est obligée de faire ce très long voyage seule. Dans le train, elle doit partager son compartiment avec un inconnu fortement alcoolisé qu’elle a une grande envie de fuir dans un premier temps. Mais cette cohabitation forcée, propice à une série de péripéties, va peu à peu rapprocher ces deux êtres que tout sépare.

     De Srebrennikov à Weerasethakul en passant par Farhadi et  Anderson 

    Mais si on a nos favoris, il en existe plein d'autres pour les critiques.  Par exemple Petrov’s Flue  de Kiirill Srebrennikov. Un film russe fou à la mise en scène hallucinante, racontant l’histoire dingue de Petrov, auteur de BD. Affaibli par une grosse fièvre, il est entraîné par son mari Igor dans une déambulation aussi démente qu’alcoolisée entre rêve et réalité. Monstrueux et complexe. 

    Certains ne jurent que par Memoria du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Palme d’or en 2010 pour Oncle Boonmee, il revient sans surprise avec un film contemplatif, magnifique et ésotérique. Il commence par un étrange, puissant et mystérieux boum que Jessica (Tilda Swinton) est la seule à entendre à n’importe quel moment du jour et de la nuit. Les médecins peinent à l’identifier. Initiée par un chamane, elle finira par découvrir l’origine de ce son qui la hante. 

    Sérieux client pour de nombreux critiques Un héros d'Ashgar Farhadi. Pour la quatrième fois en concours, l’Iranien nous plonge dans un imbroglio sans créativité, Autorisé à sortir un week-end de la prison où il est enfermé pour une dette qu’il n’a pas honorée, Rahim ne sait pas comment rembourser son créancier. A la suite d’une manipulation douteuse, qui le fait pourtant passer pour un héros, il s’enferre dans ses mensonges, compromet des gens et se met sa famille à dos. On n’adhère pas. 

    De leur côté, les fans de Wes Anderson misent sur leur idole, de retour sur la Croisette avec The French Dispatch,  rendant hommage à une presse et une France rêvées. L’affiche est prestigieuse (Murray, McDormand, Swinton, Brody, Seydoux, Amalric. Chamalet) et on ne peut nier que le cinéaste a un style visuel unique. Il crée par ailleurs un univers dont beaucoup raffolent. Ce qui n’est pas notre cas. 

    Enfin, si on veut du clivant, pourquoi pas Titane, de  la Française Julia Ducournau? Il y en a qui  placent très haut l'opus de la jeune réalisatrice qui, fascinée par la mutation des corps, la fusion entre la chair et le métal, questionne les thèmes de l'identité, de la filiation et du genre

    Qu’en pensera le jury ? On verra bien.  On espère juste qu'il oubliera Flag Day de Sean Penn, pour nous le plus mauvais film de la compétition.

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