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le blog d'Edmée

  • Grand écran: Dans "La Cache" Lionel Baier perce des secrets et brasse des passions

    Après La dérive des continents (au sud), Lionel  Baier nous ramène en Mai 68 avec La Cache, adapté très librement du  roman autobiographique de Christophe Boltanski, Prix Fémina 2015.  Alors que ses parents manifestent dans les rues d’un Paris en ébullition, Christophe, 9 ans, vit les événements de ce singulier printemps dans l’appartement labyrinthique de ses grands-parents (Michel Blanc et Dominique Reymond)  rue de Grenelle, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère originaire d’Odessa (Liliane Rovère). l'existence de cette famille intergénérationnelle, excentrique, loufoque et bohème, tourne autour d’une mystérieuse cache. Elle va peu à peu révéler ses secrets, au sein de ce foyer fusionnel, confronté aux blessures et aux souvenirs enfouis du passé.  
     
    Avec cet ovni reliant deux mondes, fidèle à l’esprit et au ton du roman mais très différent dans sa narration, Lionel Baier mise sur la fantaisie en proposant une comédie douce-amère inventive, pleine de trouvailles visuelles. Pop, colorée, parsemée des slogans libertaires de ce Mai 68 si singulier, elle renvoie aussi à la BD. A la fois léger et profond, déconcertant et amusant, ce film atypique est porté par des comédiens qui séduisent par leur justesse. Aux côtés d’un excellent Michel Blanc en médecin angoissé, bouleversant jusque dans un dernier plan chaplinesque, on découvre une formidable Dominique Reymond, inflexible matriarche victime de la polio, ou encore l'impayable Liliane Rovère ,pour le moins  pittoresque en aïeule émigrée russe
     
    Joint par téléphone, Lionel Baier nous en dit plus sur ce film  qui avait été sélectionné en compétition au festival de Berlin. Une première pour un cinéaste malheureux de ne pas avoir pu partager cet honneur avec Michel Blanc, mais heureux de l’accueil qui lui a été réservé. «Non seulement une comédie en concours dans un grand festival, ce n’est pas fréquent, mais entendre rire Allemands et Français réunis dans la même salle face à ce sujet particulier, c’est émouvant.».
     
    -Comment avez-vous été amené à adapter ce roman de Christophe Boltanski?
     
    -On me l’a proposé quand il est sorti en 2015. En le lisant, j’ai été touché par la pudeur et la retenue de l’auteur face à ce qui lui est arrivé. En même temps, l’oeuvre m’apparaissait inadaptable dans la mesure où il s’agit d’une suite d’histoires qui se déroulent sur un siècle. La chose est donc restée en attente, jusqu’à ce que je trouve un angle. Ce furent les événements de Mai 68, qui ne représentent pourtant qu’une phrase dans le livre. Mais si l’adaptation est libre, je reste fidèle à la drôlerie et à la tendresse qui en émanent.
     
    Et Pourquoi ce contexte de Mai 68 ?
     
    -Parce que pour moi, cette période a fait resurgir les passions françaises. Vingt-trois ans après la guerre, l’inconscient remonte, les interrogations réapparaissent. Cela me permettait d’évoquer certaines thématiques. le rapport aux origines,  l’antisémitisme, le non-dit,  la construction de son identité. La génération de l’époque veut un inventaire, se pose la question du changement. Les homosexuels, ce que je suis, peuvent désormais dire qu’ils le sont. Mais ce n’est pas gagné. Il faudra repartir au combat.  Mai 68 résonne avec ce qui se déroule aujourd’hui, tout en faisant écho au passé.
     
    --En l’occurrence à la Shoah. Avec ce point de vue, vous pouvez l’évoquer en évitant le film historique.
     
     -C’était aussi plus simple pour moi de faire de l’humour en Mai 68 qu’en 1942. Je ne suis pas Lubitsch. Plus sérieusement Je ne me voyais pas du tout dans la reconstitution. Je suis très phobique de l’iconographie nazie. En même temps il ne s’agit pas d’un événement historique figé, mais d’un processus qui a commencé en 1933.  Rien n’est fini. On est marqué. Cela détermine notre comportement, infuse notre quotidien. Il suffit de considérer  le retour de la guerre, le terrorisme,  l'antisémitisme, le racisme, le règne validé de l’extrême-droite.
     
    -Parlez-nous de Michel Blanc, dont c’est le dernier film. Avez-vous immédiatement pensé à lui?
     
    -Assez vite, notamment en raison de l’inquiétude, de la peur congénitale qu’il dégage dans ses films,  C’est un homme aux abois, Il court après quelque chose. Il y avait donc une correspondance avec son rôle dans La Cache Mais c’est aussi quelqu’un de tendre, de sensible, d’élégant. Je me suis beaucoup inspiré de ce qu’ était Michel Blanc, pour filmer la relation entre l’acteur et son personnage, ainsi que la façon dont il va vers les autres. .
     
    - Et lui, a-t-il accepté tout de suite?
     
    - Oui. Je l’ai rencontré pendant deux heures en 2023. Il s’est mis au service du film. Il ne m’a  jamais demandé de changer des choses, ce qui ne l'empêchait pas de faire des suggestions. Le tournage a été très agréable. Il râlait tout le temps, mais ce n’était pas grave. En fait avec lui rien n’allait, mais dans le fond tout allait  bien .
     
    La Cache à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 mars.
     

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  • Grand écran: critique et ironique, Samir raconte l'histoire de la migration italienne en Suisse

    Dans son nouveau documentaire, La transformation merveilleuse de la classe ouvrière en étrangers, le réalisateur zurichois Samir se penche sur la migration italienne en Suisse, de l’après-guerre jusqu’à aujourd'hui. Cette  plongée, où se mêlent racisme, xénophobie et résilience, fait écho au propre parcours de l’auteur, qui sait de quoi il parle. Rappelons que né à  Bagdad en  1955, il a émigré en Suisse à l’âge de six ans. Il n ‘a obtenu la nationalité suisse que dix ans plus tard, quand sa mère a récupàéré.la sienne,  après s’être remariée avec un citoyen helvétique.  

    Des parties de ce parcours sont d'ailleurs incluses sous forme d’animation, où on le voit fréquenter milieux ouvriers, syndicaux, ou encore le parti socialiste. Outre ses séquences, l'opus fourmille d’archives, de scènes de films, de clips, de photos de famille  de documents publics, de chansons, de lieux, d’interviews

    Des images pour décrire la violence, l'hostilité à l'égard des saisonniers, ces hommes et ces femmes venus travailler pour des salaires misérables. Vivant dans des baraquements insalubres, ils sont séparés .de leurs enfants qu’ils font parfois faisaient entrer illégalement en Suisse. Très engagé dans les mouvements syndicaux et de la gauche radicale, membre du comité de l'initiative Quatre Quarts pour une naturalisation facilitée, Samir critique vivement la position de la Suisse face à l’immigration. Sans oublier celle des forces conservatrices présentes dans les syndicats . Point culminant de cette xénophobie érigée en système, l’initiative Schwarzenbach en 1970, demandant une limitation des étrangers à 10 %. Elle fut rejetée à 54 %.  

    L'Italie devenue carrément un must

    Samir montre que dans les années 80, la situation évolue de manière générale en Suisse. Les syndicats intègrent les syndicats. Le statut de saisonnier est aboli en 2002 Avec le temps,  la cuisine, la culture, la mode italienne deviennent carrément un must. Sauf qu'on n'en  a pas fini avec la xénophobie, comme on le voit  la fin de l'oeuvre. Elle a juste changé de visages. Ceux des migrants africains notamment exploités dans le sud de l’Italie, d’où étaient alors partis les ouvriers dans l’espoir d’une vie meilleure...
     
    Ayant lui-même subi des persécutions, Samir préfère toutefois l’ironie, l'humour et le sarcasme à la victimisation, à l'image de son titre La transformation merveilleuse de la classe ouvrière en étrangers, «Cela n’a pas trop plu aux syndicats, lors de la projection du film à Lausanne", plaisante-t-il à l’occasion d’une rencontre à Genève. 
     
    -Vous aviez déjà confronté les immigrants de la première génération aux jeunes issus de la seconde avec Babylone en 1993. Pourquoi un nouveau documentaire sur ce thème?

    -Je suis fasciné par le changement de culture. Par ailleurs, j’ai noté, dans mon propre milieu, que les gens  ne savent rien de ces 2,5 millions d’émigrés en Suisse. Ils croient qu’en général tout va bien et qu’il  n’y a pas de place pour le problème social.
    -
    Avec cette multitude d'archives de  toutes sortes, vous avez dû vous livrer à de longues et nombreuses recherches. 

    -Pas vraiment. Les films, par exemple, je les connaissais et en ce qui concerne les documents publics, les rapports gouvernementaux, on trouve tout facilement. En plus grâce au Covid, j’ai pu m’y consacrer au calme. Le plus difficile, c’était les interviews. J’en ai fait une centaine, mais beaucoup avaient de la peine à se raconte,, à témoigner. On ne le voulaient pas.. Les blessures et les traumatismes étaient toujours vivaces chez les anciens ouvriers. Cela dit, il y avait aussi des souvenirs de solidarité et même d’émancipation, notamment celle des femmes.
     
    -Vous critiquez à la fois la position de la Suisse et des syndicats 
     
     -Et pour cause. La migration, ,les expulsions, le racisme, on n’en discutait pas. Les forces conservatrices chez eux étaient  pro Schwarzenbach  

    -Alors que la situation a évolué à partir des années 80, la xénophobie demeure. Comme vous le dites, les immigrés continuent de faire le travail que ne veulent pas faire les Suisses. Mais c’est pareil ailleurs.
     
    Bien sûr. le racisme existe partout. A cet égard, je prépare une série télévisée européenne sur le sujet des derniers émigrés depuis 40 ans, avec chaque épisode centré sur un pays différent. 
     
    -Votre film  est un appel à dépasser les préjugés. Donc, l’espoir demeure. 

    -C’est pour cela que je l'ai fait. Je pense que les humains peuvent changer les humains. La Suisse est déjà changée. C’est un pays de migrants. On ne peut pas revenir en arrière.
     
     -Votre film est à charge. Alors finalement cette Suisse, est ce que vous l’aimez ?
     
    --Oui, beaucoup. Aujourd’hui, c’est mon pays. Je ne pourrais plus vivre en Irak.
     
    On en tirera donc une conclusion logique. Qui aime bien châtie bien...

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 26 mars. 

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  • Grand écran: "Vermiglio", peinture minimaliste d'un milieu rural âpre, désuet et traditionnel

    Pour Vermiglio ou la Mariée des montagnes, son deuxième long métrage qui lui a valu le Grand Prix de la Mostra de Venise en septembre dernier, la réalisatrice italienne Maura Delpero nous emmène dans un petit village isolé des montagnes du Trentin. Avec cette peinture d’un monde rural très traditionnel, l’auteure s’attache surtout à la figue tutélaire de l’instituteur, chef cultivé d’une famille nombreuse, Faux progressiste mais vrai tyran domestique, il profite de son savoir pour asseoir sa domination sur sa femme, la plupart du temps soumise, et ses trois filles subtilement rebelles, chacune à sa façon. Mais pour le père, seule la benjamine vaut quelque chose et mérite de continuer ses études. L’aînée est juste bonne à marier. D'où une partie du titre.

    Nous sommes en plein hiver 1944 et l’endroit arriéré, figé, est apparemment épargné par les violences d’une guerre sur le point de s’achever. Ce contexte est rappelé par l’arrivée d’un jeune soldat sicilien cherchant refuge. Il va bouleverser à jamais le quotidien bien ordonné d’une communauté où rien ne semble bouger, et qui vit au rythme des saisons. En l‘occurrence celles de Vivaldi, musique qu’adore et enseigne l’instituteur.  

    Prenant son temps, Maura Delpero propose un film lent, classique, contemplatif, au récit minimaliste, poétique, délicat et âpre, lumineux et sombre. Suggérant à la fois l’enfermement, et le changement finalement induit par les femmes, il se déroule dans de magnifiques décors.

    Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, une histoire vraie

    Dernier d’une famille nombreuse, Roland naît en 1963 avec un pied bot qui l’empêche de se tenir debout. On ne cesse de conseiller à sa mère Esther de l’appareiller. Mais elle refuse et promet à son fils qu’il marchera comme les autres. Avec une rare obstination, elle met dès lors tout en œuvre pour tenir cette promesse. Cloué dans son lit, Roland découvre le monde en regardant la télévision et développe une passion pour Sylvie Vartan, apprenant notamment à lire grâce à ses chansons. Et puis un jour, le miracle se produit…

    Tiré d’une histoire vraie, cette adaptation du best seller de Roland Perez met en scène Leila Bekhti en super mère courage, se vouant totalement  à son petit handicapé. Une combattante forcenée que l’on suit pendant une cinquantaine d’années d’épreuves diverses. Opiniâtre, inébranlable, possessive, passionnée, attachante, elle se révèle bluffante aux côtés de Jonathan Cohen. Impossible de rester insensible à son énergie débordante dans ce film en forme d’hommage à l’amour des mères, où Sylvie Vartan a accepté de jouer son propre rôle.

    Agent Of Happiness évalue le niveau de bien-être

    Créé en 1972 et inscrit dans la constitution promulguée le 18 juillet 2008, le bonheur national brut ou BNB est un indice servant au gouvernement du Bhoutan à mesurer le bien-être de sa population. il se veut une définition du niveau de vie plus importante que le produit national brut. Mais encore, comment se mesure--t-il? C’est à cela que la hongroise Dorottya Zurbó et le bhoutanais Arun Bhattarai tentent de répondre, avec Agent of happiness ,  

    Amber, quadragénaire  accompagné d’un collègue, est ainsi envoyé aux quatre coins du territoire pour recueillir les réponses, moins sereines qu’imaginées, aux 148 questions couvrant des domaines aussi variés que la personnalité des Bhoutanais interrogés. Mais on découvre surtout dans ce documentaire pour le moins original, que ce fonctionnaire célibataire chargé d’évaluer le bonheur des autres, est lui-même  dans une quête désespérée du sien.

    Hôtel Silence tourné vers la reconstruction

    Souffrant d’une profonde dépression suite au départ de sa femme, Jean, 52 ans, veut en finir et décide de partir pour un voyage en principe sans retour, dans un pays européen dévasté par la guerre. Arrivé dans un petit village au  bord de la mer, il prend une chambre dans un hôtel en mauvais état. Abîmé à l’image des quelques rescapés du conflit qui l’accueillent. Leur sort fait rapidement mesurer à Jean le côté presque dérisoire de sa propre détresse. Face au délabrement des lieux, à la pauvreté, mais surtout à la résilience des habitants, il décide de les aider dans un processus de reconstruction qui lui sera également bénéfique.

    Signé de la réalisatrice helvético-québécoise Léa Pool, Hôtel Silence est adapté de Ör de la romancière islandaise Audur Ava Olafsdottir. Film d’espoir, faisant écho à l Ukraine et à Gaza, il doit beaucoup à la prestation du charismatique Sébastien Ricard, qui se glisse avec talent dans la peau du quinquagénaire émouvant et tourmenté, héros principal de l’histoire.

    Films à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 19 mars.

     

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