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le blog d'Edmée

  • Grand écran: "Des preuves d'amour", comédie pleine d'énergie et d'humour sur la comaternité. Rencontre avec la comédienne Ella Rumpf

    Le 23 avril 2013, l’Assemblée nationale française adopte la loi Taubira permettant le mariage aux couples de même sexe. Un an plus tard, Céline (Ella Rumpf) attend l’arrivée de son premier enfant que porte sa femme Nadia (Monia Chokri). Comme elle veut adopter sa fille, Céline est tenue de suivre une procédure juridique complexe, qui lui permettra d’être légalement reconnue comme mère.
     
    Pour construire son dossier, elle doit notamment réunir quinze lettres de divers personnages, attestant de leur vie commune, de leur projet conjoint d’élever l’enfant, dont une rédigée par sa propre mère (Noémie Lvovsky), célèbre pianiste se produisant partout dans le monde. Céline, qui entretient avec elle des relations houleuses, sera bien obligée d’aller la voir, pour espérer obtenir un témoignage indispensable.
     
    Premier long métrage d’Alice Douard, Des preuves d’amour est un prolongement de son court L’attente, césarisé l’an dernier. S’inspirant de sa propre expérience de comaternité, l’auteure française valorise le lien amoureux, l’énergie et la vitalité de ses héroïnes, tout en relevant à la fois le parcours redoutable d’une combattante au sein d’un système absurde et les affres du couple au quotidien. Elle propose ainsi une comédie dramatique joyeuse, subtile, ironique, pleine d’amour et  d’humour. La musique joue par ailleurs un rôle essentiel dans cette œuvre aux allures d’enquête sociologique, portée par deux magnifiques comédiennes.
     
    Selon la cinéaste, la difficulté était d’associer Ella Rumpf pour qui elle avait écrit le rôle de Céline, à une autre actrice de son talent Car il fallait que les deux puissent exister aussi bien indépendamment qu’ensemble. La Québécoise Monia Chokri se montrant à la hauteur, le duo fonctionne à merveille. Justes et complices, elles s’enrichissent l’une l’autre. De son côté, Noémie Lvovsky se révèle  également convaincante en mère égocentrique, cassante, désobligeante, qui a privilégié sa carrière à la vie familiale. Mais qui ne peut s’empêcher, à la fin, de se laisser aller à une émotion insoupçonnée. Lorsque l’enfant paraît…
     
    Rencontrée à Genève, Ella Rumpf, Franco-Suisse née à Paris et élevée à Zurich, lauréate l’an passé du César de la révélation féminine dans Le théorème de Marguerite d’Anna Novion, raconte:  «Alice Douard a pensé à moi après m’avoir vue dans Grave (2016) de Julia Ducournau. Elle a écrit le rôle en s’inspirant de son propre vécu.  En même temps, ce n’est pas vraiment son histoire, mais elle m’a guidée, m’a aidée à comprendre le côté existentiel de ce parcours qu’elle raconte formidablement, sans grand drame. Après, c’était à moi de trouver le ton, d’en faire sentir l’enjeu». 
     
     Beaucoup de questions et une portée politique
     
    Ce rôle a changé le regard d’Ella Rumpf sur la maternité. «Avant je ne m’étais jamais envisagée comme parent. Depuis, je me pose beaucoup de questions. Ai-je envie d’avoir un enfant?. Est-ce bien raisonnable, aujourd’hui ?  J’ai pris conscience de cette énorme responsabilité. Et puis, c’est quoi une bonne mère? Qui peut en juger? J’aimerais concilier mon travail avec la maternité. Mais c’est compliqué. Surtout en Suisse où on n’aide pas beaucoup les femmes».
     
    Ella parle aussi de la portée politique du film face aux discours homophobes et à l’intolérance. «Luttant contre les discriminations et l’ignorance, il aborde les procédures administratives et judiciaires très compliquées auxquelles étaient confrontées, il y a onze ans, deux femmes désireuses d’adopter un enfant porté par l'une d'elles».
     
    A cet égard, l’actrice évoque le couple d’amoureuses parfois volcanique qu’elle forme avec Monia Chokri. «Elle m’avait marquée dans Les amours imaginaires de Xavier Dolan. Je l’admire et je l’adore. Pour moi, elle représente la force, l’indépendance, la créativité.  Un jour, elle m’a écrit un message sur Instagram et bien plus tard, je l’ai rencontrée. Mais quand Alice m’a dit qu’elle la voulait à côté de moi dans l’histoire, je n’y croyais pas. Je me disais que je n’avais pas le niveau».
     
    Trop modeste Ella Rumpf. D’autant qu’elle a été très demandée ces derniers temps, enchaînant trois films après Des preuves d’amour. A commencer par Coutures d’Alice Winocour aux côtés d’Angelina Jolie, «très sympa sur le plateau». Elle interprète une maquilleuse pendant la Fashion Week. «J’ai fait un stage chez Chanel. C’était intéressant. Une occasion d’aller derrière les coulisses». On la verra aussi dans Jupiter, où un président est confronté à une crise gravissime sur fond d’ultimatum nucléaire. Et enfin dans L’espèce explosive, où des sangliers provoquent une guerre entre agriculteurs et chasseurs.  
     
     «Des preuves d’amour», à l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 19 novembre.
     
     

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  • Grand écran: François Ozon revisite "L'étranger" d'Albert Camus. Une brillante réussite avec un excellent Benjamin Voisin

    Après Luchino Visconti en 1967, avec Marcello Mastroianni dans le rôle principal, François Ozon revisite L’étranger d’Albert Camus, monument de la littérature française paru en 1942. Il nous ramène en 1938 à Alger, dont il offre une remarquable reconstitution et s’attache à suivre l’énigmatique Meursault (Benjamin Voisin). 

    Jeune homme d’une trentaine d’années, c’est un modeste employé sans ambition. Alors que sa mère vient de mourir dans un asile, Il demande un congé à son patron pour aller l’enterrer, devoir dont il s’acquitte sans la plus petite larme ou émotion. Le lendemain, il entame une liaison avec Marie (Rebecca Mader), une collègue de bureau, qui tombe très amoureuse de lui. Puis il reprend son quotidien banal. Avant de se laisser entraîner dans les affaires louches de son voisin Raymond Sintès (Pierre Lottin). Meursault finira, sans qu’on sache très bien pourquoi, par tuer un Arabe sur une plage inondée d’un soleil de plomb

    François Ozon nous plonge dans une ambiance lourde et surchauffée qu’il nous fait physiquement ressentir. Il propose une relecture brillante, épurée, politique, contemporaine, de ce roman culte, écrit pour explorer l'absurde, cette conviction que la vie n'a pas de sens évident et que chercher à lui en donner un est inutile. La vie de Meursault, monstre d’indifférence, en est le reflet. Pour lui, rien ni personne n’a de sens. C’est ce qu’explore l’auteur dans une oeuvre à la mise en scène minimaliste et précise, filmée dans un noir et blanc somptueux.  

    Beau comme un dieu, Benjamin Voisin révélé par Ozon dans Eté 85, se glisse magistralement dans la peau de cet homme à la passivité saisissante, perturbante. Mutique, détaché de tout, il n’éprouve rien, ne montre rien. Tout lui et égal. Il sera certes condamné à la peine capitale pour son crime, mais aussi par son absence totale de remord et son incapacité à pleurer la mort de sa mère. A ses côtés, Pierre Lottin se montre très convaincant en grande gueule toxique et insupportable, qui joue les gros bras et bat sa femme. A la hauteur également Rebecca Mader dans le rôle de Marie. Personnage plus développé que dans le roman, elle est pleine de vie, d’amour, de désir, contrastant avec l’impassibilité et l’insensibilité de Meursault. 

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande, depuis mercredi 5 novembre.

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  • Grand écran: "Kika", un triple coup de foudre pour son héroïne Manon Clavel. Rencontre

    Venue du documentaire traitant de sujets forts (le vjol dans Sans frapper, le débordement du système hospitalier dans Sauve qui peut), Alexe Poukine se lance dans la fiction, avec un long métrage qui serait un peu, selon elle, la suite d’un court réalisé en 2020. La réalisatrice française évoque le parcours sinueux et incertain de Kika, son héroïne qui donne son nom au film. Assistante sociale, elle s’investit totalement dans son job, et vit en couple depuis 17 ans avec Paul, le père de sa fille. Jusqu’au jour où, suite à un rocambolesque incident, La jeune femme tombe amoureuse de David, un réparateur de vélos.
       
    Elle s'installe avec lui. Mais son nouvel univers s’écroule, quand David meurt brutalement d’un AVC. Enceinte, complètement fauchée, Kika doit trouver très vite de l’argent. C’est ainsi qu’elle va petit à petit découvrir le monde des travailleuses du sexe et les pratiques BDSM dont elle ignore tout. Mais sur lesquelles la cinéaste pose un regard documenté- 

    Entre tensions et émotions, Alexe Poukine traite aussi d’autres thèmes comme la précarité, le deuil, la douleur, la survie, les préjugés. Evitant tout misérabilisme et jugement, passant de la légèreté au drame, elle brosse avec justesse et sensibilité le portrait d‘une femme à la fois forte et fragile, résiliente et audacieuse, attachante et paumée, qui met de côté sa peine et ne cesse de se battre pour avancer. Elle est formidablement incarnée par Manon Clavel, véritablement cocréatrice de son personnage.

    L'humour est sa petite carapace 

    Née aux Etats-Unis, elle arrive à 10 ans en France, intègre le Cours Florent puis le Conservatoire national supérieur d'art dramatique. En 2019, elle obtient un rôle dans La vérité du Japonais Hirokazu Kore-eda. Récemment vue dans la comédie Le répondeur de la Française Fabienne Godet, elle joue l’un des rôles principaux de la série Winter Palace.

    Nous avons rencontré à Genève la comédienne qui séduit par son naturel, son dynamisme et et sa spontanéité. Paradoxale, multiple, impatiente, intense, Manon, omniprésente,  porte pour la première fois un film sur ses épaules. En décrochant de surcroît le rôle de ses rêves. «Quand Alexe Poukine me l’a proposé, j’ai eu un triple coup de foudre: pour le scénario, le personnage et la réalisatrice. J’étais en adéquation, en osmose avec tout, connectée avec Alexe. Imaginez que vous allez dans une soirée. Vous rencontrez une personne que vous ne connaissez pas, mais tout ce qu’elle dit vous parle immédiatement. On sait qu’on vient de la même planète. Le dirais un peu la même chose de Kika. Elle et moi on se ressemble. On utilise par exemple l’humour comme une arme pour se défendre. C’est ce que je fais quand je suis triste, mal à l’aise. C’est ma petite carapace ». 

    Elle devait être aussi perdue que Kika

    Manon Clavel s’est livrée en amont à des recherches sur le rôle en rencontrant des assistantes sociales. «Elles m’ont formée à leur métier. J’ai même assisté à des rendez-vous". En revanche, pas question de mener l'enquête sur les travailleuses du sexe. "J’aurais bien aimé, mais Alexe s’y est opposée Elle voulait que je sois aussi perdue que Kika, sans les codes. Pour que je me mette en danger, que je sois mal à l'aise, que j’aie les mêmes réactions. Peu à peu  je vois des gens et j'apprends énormément sur la douceur, la bienveillance, la tolérance, la solidarité. Le gros problème des discriminations de toutes sortes c’est la méconnaissance. Mais quand on se plonge dans  ces univers, on comprend beaucoup mieux. En fait, c’est ce qu’il fallait à Kika pour qu’elle progresse. Au début d’ailleurs, je pensais que les scènes de domination seraient les plus difficiles à tourner. En fait non, c’était plutôt joyeux. Les plus dures c’était les scènes d’émotion»

    Quand on a trouvé le rôle de ses rêves, en existe-t-il d’autres ? «Oui, bien sûr. Au théâtre, je vais jouer dans la dernière pièce de Marius Von Mayenburg, Ellen Babic. Côté cinéma  Hamé, du groupe La Rumeur et Marion Boyer ont écrit un drame romantique pour Sofian Khammes et moi. J’adore le personnage de la grande amoureuse Enfin j’ai le projet de continuer de travailler avec Alexe et qu’on se retrouve aussi ensemble devant la caméra».

    Kika, à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès le 5 novembre.

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