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  • Grand écran: Yorgos Lanthimos de retour avec "Bugania", fable gore délirante entre écologie et apocalypse

    Réalisé par le Grec Yorgos Lanthimos et co-écrit par Will Tracy,  Bugonia est le remake du film sud-coréen Save the Green Planet!, sorti en 2003. Teddy (Jesse Plemons) apiculteur complotiste et frappadingue est convaincu que des extraterrestres nous ont envahis. Avec l’aide de son cousin Don, tout aussi azimuté, il kidnappe Michelle Fuller (Emma Stone), PDD d'une grosse entreprise pharmaceutique. Persuadé qu'elle est une agente andromédienne venue détruire la Terre, le duo la séquestre dans une cave pour l’interroger et lui faire cracher le morceau.

    Délirant, saucé à l’hémoglobine, Bugania oscille entre gore, science-fiction, thriller psychologique polar déjanté, farce outrancière, conte moral. Et surtout fable écolo-pré-apocalyptique. Le film ouvre et se clôt sen effet sur une abeille qui butine une fleur. Ce qui n’a rien d’anodin. Les abeilles sont une espèce indicatrice et leur disparition constituerait un grave danger pour l’humanité.

    Entre ces deux images poétiques, Yorgos Lanthimos explore avec violence, frénésie macabre et hystérie grand-guignolesque, la théorie du complot, la paranoïa collective et la psychose, sur fond de critique du capitalisme et des multinationales responsables de la destruction planétaire. Il est magistralement porté par l’égérie du cinéaste, Emma Stone, manipulatrice gardant le contrôle, même menottée, martyrisée et le crâne rasé (photo). Son tortionnaire Jesse Plemons se montre à la hauteur en bouffon pitoyable et dégénéré.

    En dépit de l’excellente performance du tandem et même si on retrouve l’univers singulier du créatif Lanthimos, son goût du cynisme, de la provocation, de l’absurde et du grotesque, Bugania tourne un peu en rond et du coup traîne inutilement en longueur.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande, dès mercredi 26 novembre.

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  • Grand écran: "On vous croit" prône l'écoute cruciale de la parole des enfants violentés. Interview de sa réalisatrice

    En France, 160000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année. Un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes. Le temps du film, 40 auront été violentés… Le plus souvent, les prédateurs chassent là où ils se sentent en sécurité, au sein du foyer. Deux récits sur l'inceste, La familia grande de Camille Kouchner et Triste tigre de Neige Sinno ont récemment provoqué émois et débats, tandis que Christine Angot passait l’an dernier derrière la caméra pour dénoncer les ravages de ce fléau dans le documentaire Une famille.

    Pour leur premier long métrage, tourné en 13 jours, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys, qui travaillent ensemble depuis trois ans, se sont é leur tour emparés de ce thème avec On vous croit, un huis-clos haletant. Alice (Myriam Akheddiou) et ses deux enfants été convoqués au tribunal pour un face à face avec leur père (Laurent Capelluto). Terriblement stressée, n’ayant pas droit à l’erreur, elle doit affronter son ex-conjoint accusé de viol sur leur fils Étienne et tentant d’obtenir la garde exclusive des deux enfants. L’homme nie en bloc les accusations portées contre lui, ainsi que l’ouverture d’une enquête.

    À ce déni s’ajoute la remise en cause de la légitimité d’Alice à s’occuper seule de ses enfants et la véracité du témoignage du petit garçon. Nous voici sous haute tension pendant plus d’une heure. Avec la scène centrale tournée en temps réel pendant 55 minutes, au cours de laquelle chacun va exprimer son point de vue. Et finalement la délivrance: On vous croit. Un film dense, fort, nécessaire, sur les mots, le doute et surtout l’écoute. Celle, cruciale, de la parole des enfants, pour qu’ils continuent à la libérer.

    Une belle réussite qui tient aussi à son casting. A commencer par le choix de l'excellente Myriam Akheddiou, vue chez les frères Dardenne, notamment Le jeune Ahmed. Elle livre la formidable performance de cette mère très agitée, débordée, en panique, toujours sur le fil,. Toutes les émotions passent sur son visage lorsqu’elle doit se taire.  A noter que les comédiens font face à de vrais avocats. Les uns et les autres se révèlent particulièrement convaincants.   

    Un quatre mains né de deux expériences

    Rencontrée à Genève, Charlotte Devillers nous explique s’être souvent posée la question des violences à enfants. «Du coup pourquoi ne pas écrire un film sur le sujet? Un véritable quatre mains, car avec Arnaud Dufeys, nos parcours se complètent. J’ai amené l’histoire et la mise en scène grâce à mon expérience d’infirmière, de femme et de mère. Et lui la sienne dans le court métrage, le côté technique et la production».

    Vous avez engagé de vrais avocats.

    Oui, cela permettrait de gagner du temps et l’authenticité.  Ils ont cette facilité de parole. connaissent mieux les codes de la justice et les mots à employer. Tout était écrit. Ils ont lu leur partie et développé leur plaidoyer en fonction. Ils se sont comportés comme dans la réalité. On les a laissés libres dans leur prise de parole. En face, les acteurs devaient s’adapter. Ce dispositif obligeait chacun à rester attentif, à maintenir la tension.

    Avez-vous dû  faire un casting?

    En effet. Nous en avons vu une vingtaine. Ils étaient très motivés, Finalement nous avons retenu un avocat et deux avocates investies dans la protection de l’enfance,

    Comment avez-vous choisi Myriam Akheddiou?

    Arnaud la connaissait. On a écrit le rôle pour elle en cours de scénario, en imaginant ses différentes  réactions. Quand on lui a proposé le rôle, elle l’a absolument voulu. Au point de craindre que l’on change d’avis et qu’une autre actrice s’impose. On a beaucoup travaillé autour de l’animalité. A l’image d’une mère louve, qu’elle a très vite évoquée. On a développé le comportement physique du personnage Au départ elle est dans la méfiance, ensuite elle passe à l’attaque.

    Et quelle a été la réaction de Laurent Capelluto, quand vous lui avez proposé d'incarner le père?

    Ce fut évidemment difficile et beaucoup moins évident pour lui. Au départ il a refusé avant de revenir sur sa décision. Pour défendre le rôle..

    De quelle manière accompagne-t-on des enfants dans un film aussi dur pour eux?.

    Pour Adèle, qui joue l’adolescente Lila, ce n’était pas un problème. Elle a 17 ans et connaît ces problématiques. On l’a coachée comme une comédienne normale. C’était plus délicat pour Ulysse, le garçon qui interprète Etienne. Au cours de la préparation de son rôle, il a demandé: il a fait quoi le père? On lui a expliqué avec des mots adaptés à son âge.

    Espérez-vous que ce film va provoquer une meilleure prise de conscience?

    Je le pense. Ainsi que le dialogue. Il y a déjà eu des débats avec des juges. Des discussions où de gens prennent la parole. Et il sera montré dans des lycées à partir de 16 ans.

    "On vous croit", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 19 novembre.

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  • Grand écran. "Dossier 137", fascinante enquête à suspense, portée par l'impressionnante Léa Drucker. Rencontre avec le réalisateur Dominik Moll

    Un jeune homme est gravement blessé à la tête par un tir de flash-ball lors d’une des premières manifestations des Gilets jaunes. Laissé pour mort Guillaume survivra, mais sa vie est gâchée en raison d’importantes et irréversibles séquelles neurologiques. Comme il ne peut pas le faire, sa mère porte plainte à sa place. Chargée de déterminer les responsabilités, Stéphanie (Léa Drucker), enquêtrice à l’IGPN, la police des polices, ouvre un nouveau dossier, le 137. Il va s’épaissir au fur et à mesure des auditions des chefs d’unité pour mieux saisir le contexte du maintien de l’ordre pendant cette manifestation. Qui était où, à quel moment, quels policiers auraient pu causer cette blessure?...
     
    Après le magistral La nuit du 12 (2022), Dominik Moll revient donc avec une autre nuit, également palpitante, celle du 8 décembre 2018. Il propose un film sobre, très documenté. Evitant tout manichéisme, il ne juge pas, ne dénonce pas,  mais démontre, preuves à l’appui, la difficulté de faire reconnaître les violences policières par la hiérarchie et le pouvoir politique.   

    Fausses pistes et rebondissements
     
    Au fil de l’intrigue, Dominik Moll s’interroge sur le rapport du pays avec ses citoyens, le mépris de classe, le dogme du maintien de l’ordre, le sens et le poids des images. Le tout sur fond d’une kyrielle de procès-verbaux qui pourraient plomber l’affaire. Mais au contraire, le réalisateur livre une fascinante enquête à suspense pleine de tension, avec fausses pistes, rebondissements, pressions syndicales, biais possiblement invalidant… …
     
    Dossier 137, sur lequel plane la victime à laquelle Dominlk Moll donne la parole à la fin, est porté par une remarquable Léa Drucker. Impressionnante de justesse, elle se montre parfaite, précise, à la fois froide et empathique dans le rôle de cette grande professionnelle décriée de tous, à l’instar de l’IGPN. Elle va constater qu’il y a des raisons d’Etat, des choses qui la dépassent et qui l’empêchent d’aller aussi loin qu’elle le souhaiterait. Elle essaye néanmoins de maintenir son cap du début à la fin, sans se laisser déborder par ses émotions, s’employant à  résister à toute influence. C‘est également un personnage idéaliste qui veut avancer, avec les contraintes d’un métier particulièrement intense et exigeant.  

    Un pied dans l'IGPN

    Rencontré récemment à Genève, Dominik Moll évoque la nature, le but et les raisons qui l’ont poussé à réaliser ce deuxième film sur la police après La nuit du 12. «C’est un polar qui permet de glisser des thématiques plus profondes. Il pose un regard plus large sur l’évolution de la société, mais surtout amène des questions sur le maintien de l’ordre, les relations entre la police et la population, le rôle de la police des polices».
     
    A cet égard vous vous êtes livré à d’importantes recherches. Vous vous êtes même immergé dans le monde policier

    J’ai effectivement passé des mois à me documenter et surtout mis un pied dans l’IGPN, une institution qui piquait ma curiosité, détestée par les autres policiers et par les citoyens en général, certains par exemple que les enquêtes sur les bavures sont bâclées. A part les gens qui y travaillent personne n’y a jamais mis les pieds. Pour le film, c’était absolument indispensable, sinon il n’y avait pas de film. Je devais en comprendre le fonctionnement, assister à des auditions, parler avec des enquêteurs et enquêtrices. Je pensais qu’on allait me dire non. Au contraire on m’a ouvert les portes, fait rencontrer la directrice. J’y suis resté quelques jours et nous avons eu des échanges cordiaux. Je pense que le succès de La nuit du 12  n’y est pas étranger. 
     
    Venons-en aux Gilets jaunes. Pourquoi ce vif intérêt pour le mouvement? 
     
    C’est venu dans un deuxième temps. Quand ça a démarré, en 2018, on n’y comprenait rien. On était dubitatif. On a mis du temps à comprendre que le malaise était beaucoup plus profond qu’on imaginait. Il y avait pour eux ce besoin d’exister, d’être entendus, de participer aux décisions. Après le Covid qui a tout effacé, je me suis dit mais c’est fou cette mobilisation qui a provoqué un tel bouleversement. Ces revendications que le pouvoir ne veut pas comprendre. Ces deux mondes proches en raison des origines sociales de chaque côté. Du coup, j’ai eu très envie de m’emparer du sujet. .
     
    Le film parle de tout ce qui est lié au maintien de l’ordre, de la confiance qu’on peut avoir dans la police. De la peur aussi qu’elle peut inspirer. Il était important pour vous d’être dans la nuance. Un obstacle pour dire vraiment les choses?
     
    Je revendique en effet tout cela. Je ne suis pas intéressé par l’idée de décider qui est coupable. Ca ne m’empêche pas de nommer clairement certains faits. Par exemple qu’il y a des policiers qui n’ont rien à faire dans la police.  
     
    Deux mots sur le choix de l’excellente Léa  Drucker. On dirait que le rôle est écrit pour elle. En même temps tous ses rôles semblent écrits pour elle. Le talent, tout simplement? 

    Absolument, je valide. J’avais pensé à elle parce que nous avions déjà travaillé ensemble. Mais non, je n’ai pas écrit le personnage de Stéphanie pour elle. En tout cas pas au début. Et puis petit à petit  j’avoue que oui, dans la mesure où elle s‘est imposée, car elle me revenait constamment en tête. Pour ne rien vous cacher, on s’est vu un jour à 11 heures et à 15 heures elle m’a appelé.

    Après cette nouvelle très grande réussite, Dominik Moll ne sait pas du tout quel sera son prochain film. «Je ne suis pas un réalisateur qui enchaîne. Mais pourquoi pas un troisième volet sur la police ? 

    Dossier 137, à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 19 septembre.

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