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  • Grand écran: show Huppert-Lafitte dans "La femme la plus riche du monde". Rencontre avec le réalisateur Thierry Klifa

    Le film s’inspire très librement de l’affaire Banier-Bettencourt. Mégamédiatisée, elle a opposé Liliane Bettencourt, héritière du géant L’Oréal, à sa fille Françoise, suite à la plainte de cette dernière contre François-Marie Banier. L’écrivain et bphotographe, qui avait fait la connaissance de la milliardaire en 1987, lors d’un reportage photo pour le magazine Egoïste, a été condamné en 2016 à quatre ans de prison avec sursis, pour abus de faiblesse. Il avait soulagé son amie Liliane de quelque 700 millions d’euros.
     
    Déplaçant son intrigue dans les années 1990, Thierry Klifa a naturellement changé les noms des protagonistes. Liliane devient Marianne Farrère (Isabelle Huppert), sa fille Françoise se voit appeler Frédérique Spielman (Marina Foïs) et François-Marie Banier Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte). Plutôt fidèle aux faits, le réalisateur raconte, entre comédie, satire et drame familial, comment cette puissante et intelligente femme d’affaires est tombée sous la coupe d’un artiste gay ambitieux, arrogant, avec qui elle a entretenu une amitié amoureuse.
     
     Captivée par un escroc extravagant, insolent et trivial
     
    Le rôle est taillé sur mesure pour Isabelle Huppert. Sans surprise, le visage toujours aussi lisse mais les yeux fatigués, elle se glisse avec aisance dans la peau de cette séduisante sexagénaire. Froide, cassante sinon cruelle, elle s’ennuie à la tête de son empire de beauté, tout en traînant son mal de dos, ses migraines  et son épuisement dans son luxueux hôtel de Neuilly. Jusqu’au jour où elle rencontre Pierre-Alain Fantin, photographe exubérant. Il la flatte, l’amuse avec ses excès, met le bazar dans son univers policé, chamboule tout dans sa vie et la fait joyeusement renaître en l’emmenant dans des boîtes. .
     
    De son côté, Laurent Lafitte se complaît  à l’évidence dans ce rôle d’homosexuel extravagant, exhibitionniste, escroc d’une insolence sans limites, bouffon d’une trivialité sans égale. Mais à force d’en faire des tonnes, il en devient ridicule.  Ce n’est pas l’avis de Marianne. Captivée par cet individu fantasque et burlesque, elle se soumet à tous ses caprices. Provoquant l’effarement de ses proches et la haine de l’austère et dépressive Frédérique, souffrant du désamour de sa mère et qui veut la mettre sous tutelle. Pendant ce temps, le fidèle, discret, ambigu majordome (Raphaël Personnaz), pièce centrale très classe du mélodrame, observe et pose des micros. Il sera sacrifié.
     
    Parabole moqueuse de la lutte des classes,  La femme la plus riche du monde séduit notamment par une mise en scène précise, un travail soigné sur les décors et les costumes. Comédie caustique, elle mise toutefois plus sur le divertissement et le spectacle provocateur que sur l’étude approfondie de son sujet complexe.
     
    «C’est très excitant de faire sauter un coffre-fort»
     
    De passage à Genève, Thierry Klifa nous explique son envie de nous faire entrer chez les ultra riches, un monde à la fois fascinant et obscène. «Au-delà de ce que racontaient les médias, ce qui m’intéressait dans cette affaire Bettencourt, aux accents à la fois shakespeariens et balzaciens, c’était l’intime. Quand je voyais ces gens à la télévision, je voulais en savoir davantage. Parce qu’il y a plus que l’argent. Alors j’ai cherché, imaginé ces personnages, leur vie, dire une autre vérité. En allant derrière les grilles».
     
    «Ce sont des personnes totalement hors sol»
     
    «Il s’agit d’un milieu très dur à pénétrer, car il a ses lois», précise le réalisateur. « J’ai eu la chance d’y être invité et j’avais donc quelque chose à raconter. C’est très excitant de faire sauter un coffre-fort. Ce sont des gens qu’on ne croise jamais dans la rue.  Ils vont de leur villa au restaurant dans leur voiture avec chauffeur, en vacances dans des îles qu’ils possèdent, connaissent des personnes qui leur ressemblent, sont totalement hors sol. Mais ils peuvent être drôles malgré eux, car ils ont de la répartie».
     
    «J’ai écrit le rôle de Maranne pour Isabelle Huppert»
     
    Thierry Klifa a par ailleurs effectué de nombreuses recherches, lu beaucoup sur d’autres familles de mkilliardaires.. «J’ai essayé de ne pas avoir de regard moral. Je voulais être fidèle à l’esprit plutôt qu’aux faits, à la psychologie des personnages, à leur solitude .Je me suis également livré à un travail poussé  sur la façon dont on les représente, les décors dans lesquels ils évoluent, leurs meubles, leurs bijoux, leurs costumes. Isabelle Huppert ne porte pas ide 70 tenues dans ce film».  Et Thierry Klifa d’ajouter qu’il a écrit le rôle pour elle.  «Une composition qui sort de l’ordinaire, portant sur différents registres. Isabelle s’est amusée comme petite folle à jouer cette puissante femme d’affaires dominatrice, cash, violente, séductrice, neurasthénique, qui s’émancipe de tous les carcans. Cette mère aussi, qui n'aime pas son enfant».
     
    «Lafitte me fait penser à Serrault»
     
    L’auteur a également pensé assez vite à Laffitte  pour le personnage de Banier. «Il a cette démesure, cette folie qui me font penser à Serrault. Il va d’ailleurs jouer dans la comédie musicale La Cage aux folles en décembre au Châtelet. Il n’a jamais peur d’en faire trop. Il fallait qu’il soit insupportable qu’il ne cherche pas à plaire, mais à provoquer .Il va faire exploser cette famille, exhumer des secrets. Vous me dites qu’il en fait des tonnes, mais il en fait dans tout, jusque dans sa façon de sexualiser le majordome. Cela dit, je tiens à préciser qu’il ne représente pas les homosexuels. Il ne représente que lui-même». 
     
    «La femme la plus riche du monde» à l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 29 octobre.
     
     
     
     
     
     

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  • Grand écran: "La petite dernière" raconte l'éveil à l'homosexualité d'une jeune musulmane. Rencontre avec son héroïne

    Queer Palm en mai dernier à Cannes, La petite dernière de Hafsia Herzi, adapté du roman de Fatima Daas (2020), raconte le cheminement de Fatima, (Nadia Melliti, prix d’interprétation sur la Croisette). Banlieusarde parisienne de 17 ans, musulmane pratiquante, elle est issue d’une famille d’immigrés algériens, où elle vit heureuse, entourée de sa mère et de ses sœurs. Bonne élève, elle intègre une fac de philosophie à Paris,  découvre un nouveau monde, les fêtes d’étudiants, la vie nocturne.

    Pendant un an on la suit alors qu’elle s’émancipe des siens, des traditions. Et s’éveille à l’homosexualité, au contact de femmes racisées, audacieuses, bien dans leur tête et dans leur peau. Après quelques tâtonnements souvent amusants, Fatima  gagne en confiance et entame une relation avec une infirmière -artiste, campée par Ji-Min Park,  fascinante femme caméléon dans Retour à Seoul.  

    Les histoires de coming out queer ne manquent pas, mais Hafsia Herzi sait les renouveler. Brossant  un portrait tendre et sensible de son héroïne, elle livre avec pudeur, évitant les clichés et les préjugés, un vibrant récit d’émancipation sexuelle et sentimentale. Aux scènes explicites, elle préfère les baisers, les étreintes, les regards, les mots. Mais aussi les questionnements de Fatima sur la difficulté à concilier sa foi avec ses désirs naissants.
     
    Repérée, engagée, primée!
     
    Lumineuse, magnétique, instinctive, Nadia Melliti,  23 ans, incarne formidablement  l’attachante Fatima. Née d’un père italien et d’une mère algérienne, elle est d’une beauté singulière, différente.  Athlétique, footballeuse passionnée qui a joué au PSG et un  temps rêvé d’en faire son métier, elle évoque l’aventure assez extraordinaire qui l’amenée tout en haut en un seul film. Sans avoir pris un seul cours de théâtre.

    «Je me baladais à Paris quand quelqu’un me tape sur l’épaule. Je me retourne en croyant qu'il s'agit d'une touriste, mais en fait j’étais tombée sans m’en rendre compte sur un casting. La  directrice m’explique alors le projet. Je n’avais pas du tout envie de faire du cinéma. J’ai quand même fait des photos et les choses se sont enchaînées.»
     
     Mais Nadia est restée maîtresse de sa décision. «En tant que femme et footballeuse, je me suis toujours sentie libre de mes choix. «J’aime assez qu’on me dise non et faire le contraire. Je refuse d’entrer dans un moule. Ce qui m’a plu, c’est la façon dont Hafsia Herzi met les femmes en avant. J’ai été attirée par la complexité du personnage, sa force. J’ai senti comme une affinité avec Fatima. Je me suis dit que ça allait être un film tellement puissant pour les personnes peu représentées. Et en même temps une histoire universelle, qui va bien au-delà du coming out.  

    Avec le cinéma, Nadia dit avoir aussi découvert un univers très spécial. «C’est un souvenir pour tout ce qui est à venir». Cela ne saurait peut-être pas tarder. Son prix d’interprétation lui a déjà valu des propositions. Toutes refusées. Car le succès ne lui et pas monté à la tête, bien au contraire. Lors de notre rencontre, elle déclarait vouloir continuer à jouer au foot avec l'équipe de son université et terminer ses études avant de passer le concours de professeur d'éducation physique et sportive. «Je veux prendre mon temps, faire les bons choix. J’ai découvert l’intensité de l’actorat, les émotions qu’il provoque. Il n’est pas question de me lancer dans n’importe quel film. Ce qui me plairait, c’est un rôle d’action. Une agente de la CIA par exemple… »

    Et si cela ne marche pas, ce ne sera pas un problème pour Nadia. «En sport, on est souvent confronté à l’échec. L’important c’est de se demander comment on peut devenir plus performant». 
     
     A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 octobre.
     

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  • Grand écran: avec "Yes", Nadav Lapid livre une critique au vitriol de la société israélienne

    Auteur de cinq films, Nadav Lapid s’y implique toujours beaucoup. Avec Synonymes récompensé en 2019 par l'Ours d'or à Berlin, il évoquait par exemple son alter ego exilé donc à Paris comme lui,  pour rompre avec son pays. Dans Le genou d’Ahed, qui lui valut le Prix du jury à Cannes en 2021, il brossait l’autoportrait d'un réalisateur résistant aux ordres de son gouvernement. Yes (Oui), sa dernière œuvre, le voit plonger dans la noirceur de la société israélienne après le 7 octobre 2023. 
     
    Au lendemain du massacre, Y. un pianiste de jazz  et sa femme Jasmine, louent leurs services sexuels et musicaux,  se prostituant auprès des puissants, tout en se défonçant dans les fêtes vulgaires de la jet set israélienne. Lors d’une de ces bacchanales sur un yacht, Y. touche le fond. Il accepte la très importante mission de composer la musique d’un nouvel hymne national,, appelant à la destruction de Gaza, où pleuvent les bombes. 

    Une suite de scènes burlesques, glauques, humiliantes, abjectes, exaltent la débauche, la violence, la perversité. Elles permettent l’exploration d’une société corrompue, dégénérée, obsédée par la vengeance, à travers les yeux d’un artiste asservi. Le titre Yes symbolise en effet une soumission coupable à un gouvernement gangréné par l’ultranationalisme.

    Dans sa critique au vitriol d’un pays malade, cette tragédie musicale est perçue comme une réponse obligée à l’horreur de la guerre. Mais aussi comme une «restitution viscérale du chaos intime du réalisateur. Qui exprime un amour paradoxal pour un pays où il désespère de revivre, en voyant ce qu’il est devenu». Les tourments de l'auteur se manifestent ainsi à travers ceux du personnage principal, incarné par Ariel Bronze. 

    Alors certes, Nadav Lapid a mille fois raison de questionner le rôle du cinéma, de l’art en général, face  au chaos d’une actualité dramatique. Mais à force de radicalisme exacerbé, de manque de distance, d’outrances visuelles, il finit par rendre un film important parfois déplaisant, sinon insupportable.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 22 octobre.

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