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Grand écran: "On vous croit" prône l'écoute cruciale de la parole des enfants violentés. Interview de sa réalisatrice

En France, 160000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année. Un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes. Le temps du film, 40 auront été violentés… Le plus souvent, les prédateurs chassent là où ils se sentent en sécurité, au sein du foyer. Deux récits sur l'inceste, La familia grande de Camille Kouchner et Triste tigre de Neige Sinno ont récemment provoqué émois et débats, tandis que Christine Angot passait l’an dernier derrière la caméra pour dénoncer les ravages de ce fléau dans le documentaire Une famille.

Pour leur premier long métrage, tourné en 13 jours, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys, qui travaillent ensemble depuis trois ans, se sont é leur tour emparés de ce thème avec On vous croit, un huis-clos haletant. Alice (Myriam Akheddiou) et ses deux enfants été convoqués au tribunal pour un face à face avec leur père (Laurent Capelluto). Terriblement stressée, n’ayant pas droit à l’erreur, elle doit affronter son ex-conjoint accusé de viol sur leur fils Étienne et tentant d’obtenir la garde exclusive des deux enfants. L’homme nie en bloc les accusations portées contre lui, ainsi que l’ouverture d’une enquête.

À ce déni s’ajoute la remise en cause de la légitimité d’Alice à s’occuper seule de ses enfants et la véracité du témoignage du petit garçon. Nous voici sous haute tension pendant plus d’une heure. Avec la scène centrale tournée en temps réel pendant 55 minutes, au cours de laquelle chacun va exprimer son point de vue. Et finalement la délivrance: On vous croit. Un film dense, fort, nécessaire, sur les mots, le doute et surtout l’écoute. Celle, cruciale, de la parole des enfants, pour qu’ils continuent à la libérer.

Une belle réussite qui tient aussi à son casting. A commencer par le choix de l'excellente Myriam Akheddiou, vue chez les frères Dardenne, notamment Le jeune Ahmed. Elle livre la formidable performance de cette mère très agitée, débordée, en panique, toujours sur le fil,. Toutes les émotions passent sur son visage lorsqu’elle doit se taire.  A noter que les comédiens font face à de vrais avocats. Les uns et les autres se révèlent particulièrement convaincants.   

Un quatre mains né de deux expériences

Rencontrée à Genève, Charlotte Devillers nous explique s’être souvent posée la question des violences à enfants. «Du coup pourquoi ne pas écrire un film sur le sujet? Un véritable quatre mains, car avec Arnaud Dufeys, nos parcours se complètent. J’ai amené l’histoire et la mise en scène grâce à mon expérience d’infirmière, de femme et de mère. Et lui la sienne dans le court métrage, le côté technique et la production».

Vous avez engagé de vrais avocats.

Oui, cela permettrait de gagner du temps et l’authenticité.  Ils ont cette facilité de parole. connaissent mieux les codes de la justice et les mots à employer. Tout était écrit. Ils ont lu leur partie et développé leur plaidoyer en fonction. Ils se sont comportés comme dans la réalité. On les a laissés libres dans leur prise de parole. En face, les acteurs devaient s’adapter. Ce dispositif obligeait chacun à rester attentif, à maintenir la tension.

Avez-vous dû  faire un casting?

En effet. Nous en avons vu une vingtaine. Ils étaient très motivés, Finalement nous avons retenu un avocat et deux avocates investies dans la protection de l’enfance,

Comment avez-vous choisi Myriam Akheddiou?

Arnaud la connaissait. On a écrit le rôle pour elle en cours de scénario, en imaginant ses différentes  réactions. Quand on lui a proposé le rôle, elle l’a absolument voulu. Au point de craindre que l’on change d’avis et qu’une autre actrice s’impose. On a beaucoup travaillé autour de l’animalité. A l’image d’une mère louve, qu’elle a très vite évoquée. On a développé le comportement physique du personnage Au départ elle est dans la méfiance, ensuite elle passe à l’attaque.

Et quelle a été la réaction de Laurent Capelluto, quand vous lui avez proposé d'incarner le père?

Ce fut évidemment difficile et beaucoup moins évident pour lui. Au départ il a refusé avant de revenir sur sa décision. Pour défendre le rôle..

De quelle manière accompagne-t-on des enfants dans un film aussi dur pour eux?.

Pour Adèle, qui joue l’adolescente Lila, ce n’était pas un problème. Elle a 17 ans et connaît ces problématiques. On l’a coachée comme une comédienne normale. C’était plus délicat pour Ulysse, le garçon qui interprète Etienne. Au cours de la préparation de son rôle, il a demandé: il a fait quoi le père? On lui a expliqué avec des mots adaptés à son âge.

Espérez-vous que ce film va provoquer une meilleure prise de conscience?

Je le pense. Ainsi que le dialogue. Il y a déjà eu des débats avec des juges. Des discussions où de gens prennent la parole. Et il sera montré dans des lycées à partir de 16 ans.

"On vous croit", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 19 novembre.

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