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  • Grand écran: "Enzo", fusion touchante de deux univers qui révèle un acteur

    Enzo, cinquième long métrage de Robin Campillo (120 battements par minute) , a été écrit en collaboration avec Laurent Cantet (Entre les murs, Palme d’or 2008). A l'origine, ce dernier avait prévu de réaliser lui-même le film, mais il est mort juste avant le tournage en avril 2024. Robin Campillo, son ami de longue date, a pris le relais et s’est chargé de mettre en images l’histoire d’Enzo.

    Issu d’un milieu bourgeois intellectuel  de la Ciotat, ce dernier a choisi de faire un apprentissage de maçon. Contre toute attente, car l’ado de 16 ans, formidablement incarné par Eloy Pohu, une révélation (photo), n’est manifestement pas un manuel. Maladroit, pas bien costaud, ii traînasse, s’en fiche un peu. Cela énerve les autres ouvriers et son patron. Furieux il décide, pour se plaindre du travail approximatif d’Enzo, de le ramener chez ses parents.

    Surpris, l'homme perd de son assurance en les découvrant très aisés, vivant dans une luxueuse villa sur les hauteurs, avec piscine et vue sur la mer. Ce sont des parents aimants.  Surtout la mère ingénieure (Elodie Bouche), cultivée, douce, indulgente. En revanche le père (Pierfrancesco Favino), tout en se voulant tolérant et libéral, a beaucoup de mal à comprendre le choix de son fiston qu’il considère comme un caprice. Enseignant universitaire, il voudrait qu’il continue ses études, à l’image de son frère aîné. La pression monte, les confrontations se multiplient.

    Une envie de se cogner au réel

    Mai voilà. Ado mutique, un peu mystérieux, craignant l’échec et en manque de confiance  Enzo n’a plus envie d’apprendre, de reproduire le modèle social. Exilé volontaire  dans sa propre famille, refusant le système scolaire, il rompt avec cet environnement bourgeois où il étouffe. Rejetant une voie toute tracée, il a envie de respirer, de se cogner au réel, de devenir maçon. Il se sent bien, à sa place sur le chantier qu’il vit comme une utopie. Inattendue, sa rencontre avec Vlad (Maksym Slivinskyi), un collègue ukrainien plus âgé qui le trouble, va lui laisser entrevoir un autre avenir. Petit à petit, le jeune garçon s’affirme dans sa volonté de construire sa propre vie.

    Entre émancipation, transmission, rupture, rapport de classe et rapport à l’identité sexuelle, ce touchant film d’initiation, beau, sensible et épuré, est à la fois un choc des mondes et la fusion de de deux univers. Il vibre de la passion de Laurent Cantet pour l’adolescence, ses bouleversements et ses tourments. Evoquant l’éveil à la sensualité, au désir homosexuel d’Enzo pour Vlad,  il porte la griffe de Robin Campillo. «J’ai voulu le réaliser comme je pense, comme je sais. Il est certain que Laurent aurait fait une mise en scène différente, mais j’ignore où. L’important, c’est le plaisir d’essayer des choses. Je ne me suis pas posé beaucoup de questions».

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 18 juin.

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  • Grand écran: "Heldin" raconte le rude quotidien du personnel infirmier. Avec la remarquable Leonie Benesch

    Le quotidien du personnel infirmier n’est pas souvent mis en évidence au cinéma, et pourtant il  joue un rôle essentiel. C’est ce que nous raconte la réalisatrice suisse Petra Volpe dans son nouveau film Heldin (En première ligne). Elle nous plonge dans l’impitoyable univers hospitalier, évoquant le poids mental et l’engagement dans l’ombre de soignants épuisés par de trop nombreuses tâches, qui les mettent notamment face au risque d'erreur professionnelle.

    C’est le cas de Floria, infirmière expérimentée d’une patience rare. à l’œuvre dans un service de chirurgie d’un hôpital cantonal en sous-effectif. Déjà débordée, elle est en plus confrontée à une garde de nuit éprouvante en raison de l'absence imprévue d’une collègue. Entre situations graves, cas difficiles, patients jeunes ou vieux inquiets, exigeants ou carrément insupportables, Petra Volpe, dans une mise en scène particulièrement inspirée, brosse un vrai portrait de celles et ceux qui supportent chaque jour un système de santé sous tension.  Ce qui n’est évidemment pas sans conséquence. Heldin rappelle en effet que 36% des infirmiers/ières démissionnent dans les quatre ans qui suivent leur affectation.

    On suit ainsi Floria, circulant sans répit de chambre en chambre. Bienveillante, compatissante, attentive, elle est chargée des problèmes qui ne cessent de surgir les uns après les autres, qu’il s’agisse d’inexpérience de quelques soignants, d’indisponibilité médicale, d’accrochages inévitables, l’ensemble donnant une intensité folle et un rythme d’enfer à ce film aux allures de thriller.

    Cette héroïne constamment sous pression est incarnée par la remarquable Leonie Benesch , qui contribue grandement à la belle réussite du film. Elle impressionne par sa justesse, sa sûreté, son adresse, sa précision des gestes, son empathîe en dépit du stress permanent. On croit à fond à son personnage qui fait penser à celui qu’elle interprétait dans La salle des profs, signé du réalisateur allemand d’origine turque Ilkar Catar. Un drame social à la gloire cette fois d’une enseignante qui faisait aussi un métier formidable dans des conditions de plus en plus pénibles.

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 11 juin.

     

     

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  • Grand écran: dans "Le Répondeur", Salif Cissé devient la voix de Denis Podalydès. Bluffant!

    Cette comédie signée Fabienne Godet, est adaptée du roman éponyme de Luc Blanvillain. On y découvre Baptiste Mendy (Salif Cissé), imitateur talentueux mais méconnu, gâchant son talent dans un petit théâtre associatif devant une poignée de spectateurs. Et puis un jour, il est engagé par Pierre Chozène (Denis Podalydès) un écrivain célèbre constamment dérangé par des importuns et qui aspire à la tranquillité pour achever son œuvre la plus ambitieuse, la plus intime.. 

    Il propose donc à Baptiste de répondre aux multiples appels téléphoniques à sa place. En d’autres termes de devenir sa voix. Et cela après lui avoir raconté sa vie, révélé ses secrets, dévoilé ses habitudes pour que le jeune homme puisse remplir sa mission au mieux. Ce que ce dernier réussit à merveille, devenant son "répondeur".. Mais petit à petit, Baptiste ne se contente plus de cette imitation. Il s’émancipe, développe son personnage et commence à s'approprier l'identité de Chozène, finissant par régler son existence. 

    Evocation de plusieurs thèmes

    Le Répondeur, récompensé par le prix du public au 28e Festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez, explore plusieurs thèmes à travers une intrigue originale, tout en menant une réflexion à la fois profonde, subtile et amusante sur la tyrannie du smartphone et du tout médiatique. Une jolie réussite de Fabienne Godet qui tient aussi à l’excellente performance des comédiens, dont le principal, Salif Cissé.

    On les a rencontrés tous les deux à l’occasion de leur passage à Genève. La réalisatrice a débuté comme psychologue (elle s’en est servie pour l’écriture fine de ses personnages) avant de se lancer dans le cinéma, avec Sauf le respect que je vous dois (2006) ou  Nos vies formidables (2018). C’est son producteur qui lui a signalé le livre de Luc Blanvillain, en pensant que ça pouvait faire un super film. "Ce que j’ai trouvé bien, c’est qu’il y avait de la place pour l’auteur que je suis. J’ai pris quelques libertés, mais l’auteur a adoré. Je pense que Le Répondeur est proche d’une comédie à l’anglaise. Avec du fond. On sourit plutôt qu’on ne rit".

    Le film tourne autour de nombreux sujets comme l’identité, la quête de soi, la communication, la dépendance au portable "C’est terrible. Les gens sont de plus en plus dans des bulles, comme dans le métro par exemple, avec cet objet en permanence dans les mains, croyant être connectés au monde. Replié sur soi-même, on ne sait plus ce que c’est que de s’ennuyer". 

    Au centre, il y a l’imitation. Pour que le scénario soit crédible, il fallait une pointure.  A l’image de Salif Cissé. "Il apporte un supplément d’âme. Il a un charisme et un magnétisme de dingue. Il est bienveillant, tendre, sensible, fragile dans un corps puissant. Quand je l’ai vu, ça m’a pris cinq secondes pour l’engager. Il est bluffant dans la peau de Baptiste, qui finit par régir  Pierre, qui devient lui. Comme il n’a pas le passé relationnel des gens avec qui il parle, cela lui permet d’être libre, de répondre comme il a envie".
     
    "J'ai bouffé du Podalydàs matin, midi et soir"

    Tout cela plaisait bien à Salif Cissé, mélomane, scénariste avec un petit faible pour les films d’espionnage et surtout acteur vu dans À l'abordage (2020) et qui a depuis enchaîné les rôles au cinéma et au théâtre. Il était notamment à Cannes, dans Météors, d’Hubert Charuel, aux côtés de Paul Kircher. Mais c’est la première fois qu’il porte un film sur ses épaules.  
    "Ce qui m‘a posé le plus gros problème, c’est mon personnage qui se crée un avatar de lui-même. Par ailleurs, c’est un sacré boulot de passer d’un registre à l’autre, d’un individu à l’autre dans la même scène. J’ai été coaché par Michael Gregorio pour perfectionner mon imitation de Denis Podalydès. Il a la voix de la première cigarette, sableuse, posée. J’ai bouffé du Podalydès matin, midi et soir".. 

    En tant que Pierre, il aspire à vivre pour son art, tandis que Baptiste veut en vivre. «C’est un paradoxe qui les arrange tous les deux  En fait il s’agit d’un film sur l’amitié. Plus Baptiste en sait sur la vie de Pierre, plus il a envie de la régler pour que cela se passe mieux. J’aurais fait comme lui. Nous avons un point commun. Plonger dans divers milieux. Je suis un animal social polyvalent». Et qui n’a qu’une envie, renouveler l’expérience et s’investir dans d’autres rôles importants. 

    «Le Répondeur", à l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 5 juin. 

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