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  • Festival de Locarno: Ken Loach ovationné sur la Piazza Grande pour "Moi, Daniel Blake"

    aloachloc.jpgEn mai dernier à Cannes, dix ans après Le vent se lève, Ken Loach rejoignait, avec Moi, Daniel Blake, le cercle des Dardenne, Haneke, Coppola Imamura et Kusturica, "happy few" doublement cousus d’or. Un choix politique convenu pour ce film militant, beau, émouvant, mais peu novateur et assez manichéen avec les bons ouvriers d’un côté et pratiquement tous les vilains fonctionnaires de l’autre.

    Cela n’enlève rien à son efficacité. Présenté sur la Piazza Grande, ii a reçu, comme sur la Croisette, l’ovation du public. A son habitude donc, Ken Loach filme des laissés-pour-compte. Et, au-delà d’une critique sociale acérée, pousse un véritable cri de rage en suivant Daniel (Dave Johns), un menuisier veuf de 59 ans en arrêt maladie, mais contraint de chercher un travail sous peine de sanctions. Il entame alors un parcours kafkaïen dans les dédales de l’administration britannique pour obtenir l’aide sociale.

    Pris dans un piège bureaucratique cauchemardesque, où les portes ne cessent de se fermer devant les plus vulnérables, où on vous coupe arbitrairement les subsides, Daniel croise Rachel (Hayley Squires) une jeune femme sans emploi élevant seule ses deux enfants. Ils vont s’allier pour mieux se soutenir.

    Les yeux qui se détournent face à l’insupportable

    Dans sa conférence de presse, le réalisateur de 80 ans raconte comment il a sillonné le pays, commençant dans les Midlands et finissant à Newcastle une ville à forte tradition de lutte ouvrière. "Partout, tous les jours, des centaines de milliers de familles ne peuvent manger sans le recours aux banques alimentaires. C’est insupportable, intolérable. Et pourtant, on détourne les yeux". 

    Interrogé sur le Brexit, notamment voté par une classe aliénée, frustrée, abandonnée, étranglée par les banques, Ken Loach déclare que cela ne va pas modifier la situation dramatique décrite dans son film, bien au contraire. "Les choses vont empirer. Il y aura moins d’argent pour le gouvernement, ce qui se répercuter sur les défavorisés, moins d’emplois, les salaires diminueront". 

    Ken Loach est également invité à donner son sentiment sur les terribles attentats qui secouent les pays:  "Les gens sont au bout du rouleau et l’expression de leur colère prend des formes horribles, choquantes. Mais ce n’est malheureusement pas surprenant".

    A cet égard, on citera quelques phrases de son discours quand il a reçu la Palme d’or. "Ce monde dans lequel nous vivons se trouve dans une situation dangereuse. Nous sommes à l‘orée d’un projet d’austérité conduit par des idées néolibérales qui risquent de nous mener à la catastrophe". Un autre monde est possible et même nécessaire, ajoutait Ken Loach en mettant en garde contre le retour de l'extrême-droite.

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  • Festival de Locarno: Stefan Zweig revit dans "Adieu l'Europe", de Maria Schrader

    azweig.jpgEn 1934 Stefan Zweig, écrivain pacifiste juif autrichien et auteur en langue allemande le plus lu avec Thomas Mann, doit quitter son pays pour fuir la montée du nazisme. Deux ans plus tard, celui qui avait prédit très tôt le déclin de l’Europe, laisse définitivement le Vieux Continent derrière luii.

    Un film prenant, Stefan ZweigAdieu l’Europe, avec notamment Josef Hader (photo) et Barbara Sukova, signé Maria Schrader, retrace son exil en Amérique du Nord et du Sud, racontant son séjour au Brésil, sa participation au congrès du PEN club de Buenos Aires en 1936, sa visite à New York en 1941, puis sa mort l’année suivante à Petropolis,.

    Rappelons que Srefan Zweig s’est suicidé avec sa seconde femme Lotte le 22 février 1942, après avoir rédigé une lettre dans laquelle il remercie le Brésil pour son hospitalité et la nouvelle qu’il lui a accordée. Cinématographiquement, Maria Schrader propose une remarquable séquence de ce fait tragique. 

    La réalisatrice s’était vu proposer le sujet par le producteur français Denis Poncet. "Il souhaitait un film sur la seconde partie de la vie de Zweig, avec Lotte, mais au fur et à mesure de mes recherches, j’ai découvert que le plus important pour moi, c’était son exil et sa décision si controversée, de mettre fin à ses jours",  nous confie-t-elle.

    Elle a donc suggéré de se concentrer sur ses dernières années. "Mais tout était si compliqué que j’ai décidé de ne pas réaliser un biopic classique. J’ai imaginé une autre structure en me concentrant sur différents moments. Le film est ainsi composé de six tableaux indépendants, le premier ouvrant sur l’accueil extraordinaire qui lui est réservé à Rio et les réceptions qui se sont enchaînées".

    L’un des plus importants est le fameux congrès du PEN club de Buenos Aires, où Stefan Zweig pressé de le faire par des journalistes, refuse de condamner publiquement le parti nazi.

    Il ne voulait pas être instrumentalisé. Il détestait la polémique, l’hystérie. Il affirmait qu’il n’utiliserait jamais son langage de la même façon que ses ennemis. Pour lui les choses n’étaient pas noires ou banches. Mais quatre ans plus tard, il n’est pas resté aussi silencieux.

    Comme vous l’évoquiez plus haut, la décision de se suicider a provoqué la colère de certains de ses collègues. 

    Oui, surtout celle de Thomas Mann. Comment a-t-l pu laisser le parti nazi triompher de la sorte?, lui reprochait-il? Mais dix ans après, il a changé d’avis. Il n’avait pas compris alors, disait-il, que toute guerre est l’ennemi de chacun.

    C'est Josef Hader qui interprète Stefan Zweig. Pourquoi ce choix ?

    Je voulais que la langue maternelle de chaque comédien corresponde à celle du personnage historique qu’il incarne. Il me fallait donc un comédien autrichien pour mon héros. Josef Hader est une super star dans son pays et un immense acteur. En plus il est lui-même écrivain. Je dois dire que sa manière d’incarner Zweig m’a enchantée..

    Il est effectivement aussi émouvant que brillant. Une dernière question, Maria Schrader. Zweig est un véritable monument. N’avez-vous pas redouté de ne pas être à la hauteur?

    Cette crainte m’a accompagnée tout au long de la réalisation. Oh mon Dieu, qui suis-je pour m’attaquer à un tel artiste? me répétè-je. Mais il a bien fallu que je l’oublie…

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 10 août.

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  • Festival de Locarno: "Le ciel attendra" montre l'embrigadement de jeunes filles par Daech. Intelligent et utile

    acastille.jpgComment et pourquoi une jeune fllle, aujourd’hui, peut avoir envie de partir en Syrie? C’est ce que veut expliquer Le ciel attendra en mettant en scène deux d'entre elles. Mélanie a 16 ans. Elle vit avec sa mère Sylvie aime l’école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Mais l'irréparable se profile lorsqu’elle rencontre son "prince" sur internet, en tombe amoureuse et se fait peu à peu prendre dans les filets de Daech. Un piège qui a aussi failli se refermer sur Sonia, pour "garantir à sa famille une place au paradis". 

    Un film intelligent, lucide, utile, évoquant ce moment où les ados sont contre tout ce qui représente l'autorité, explorant parallèlement l’intimité et la psychologie de deux jeunes filles qui ont basculé, ou vont le faire, dans le fanatisme. L’opus montre aussi la façon dont les proies sont repérées grâce aux réseaux sociaux, après avoir posté des messages avec des mots-clés qui permettent d'établir  le contact. Et puis, entre embrigadement et désembrigadement, il y a la douleur, la colère, le courage de parents qui veulent comprendre et se sentent coupables de n'avoir rien vu venir. 

    Le ciel attendra est signé de la réalisatrice scénariste et productrice française Marie-Castille Mention-Schaar (photo), auteur de La première étoile en 2009, Ma première fois et Bowling en 2012 et de Les héritiers en 2014. "Je ne suis partie de rien de précis 'une suite de conversations, de questions que je me suis posée", raconte la réalisatrice lors de la projection sur la Piazza Grande. 

    amention.jpgEn fait elle avait écrit un autre film mais le sujet restait dans sa tête. "J’ai commencé à rencontrer des journalistes qui couvrent le sujet, un frère parti sur les traces de sa soeur. Ensuite j'ai fait beaucoup de recherches, vu des reportages, lu des articles, regardé des heures de vidéo de propagande dont certaines sont juste insoutenables, pour mieux saisir l'emprise des rabatteurs". 

    Grâce aux contacts de Dounia Bouzar

    Toutefois, le plus important pour elle était d’entrer en contact avec des filles qui ont été, sont encore dans la radicalisation. Et cela grâce à Dounia Bouzar, anthropologue française qui a fondé en 2014 le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam.

    "Elle a accepté que je la suive pendant trois mois avec son équipe partout en France. Et j’ai découvert la réalité du processus d’embrigadement en parlant notamment avec une jeune fille passée par là. Elle  m’a aidée en ce qui concerne les dialogues, les attitudes le comportement, la manière de s'habiller, de faire ses prières, ses ablutions".

    La fragilité, la naïveté de certaines filles favorisent-elles la radicalisation?

    Tous les adolescents sont fragiles. Ils sont en pleine construction hormonale et, à cet âge, absolument n’importe qui peut tomber dans plein de choses, la drogue, l’alcool. Il n’y a pas de profil type comme j’ai pu le constater en m'entretenant avec des psychiatres. Par ailleurs, l'embrigadement ne se concentre pas sur les quartiers. Plus de la moitié des converties en France sont issues de la classe moyenne, sinon supérieure. Je dirais que les moins vulnérables sont elles qui appartiennent déjà à un groupe.

    Vous évoquez leur soif d’absolu, de pureté, de romantisme.

    Les filles succombent plus facilement à cette sorte d'idéal. Elles ont aussi davantage besoin d’être utiles, de servir à quelque chose. Les rabatteurs les ciblent en leur assurant que leur vie va avoir un autre sens que dans cette société pourrie, dépourvue de spiritualité, uniquement attirée par l’argent, la consommation, le succès. 

    Et où la mort devient mieux que la vie…

    Sauf que la mort n’est pas la mort. Ce qu’on leur promet, c’est la vie après la vie, le paradis, un monde où il n’y a pas d’injustice, de pauvreté, où tout est beau.

    Deux mots sur le choix de vos actrices, toutes très convaincantes.

    Sandrine Bonnaire devait mais n’a pas pu jouer dans Les Héritiers. Suite à ce rendez-vous manqué, j’étais contente de la retrouver car elle me paraissait évidente dans le rôle de l’une des mères. En ce qui concerne Clotilde Courau, l’autre mère, c’est son agent qui m’a parlé d’elle. J’ai regardé L'ombre des femmes de Philippe Garrel et j'ai été séduite par sa volonté d'implication dans l'histoire. Quant à Noémie Merlant et Naomi Amarger, elles avaient joué dans Les héritiers, et j'avais très envie de retravailler avec elles. 

    Et pourquoi avoir pris Dounia Bouzar pour interpréter son propre personnage ?

    Elle connaît tellement le sujet qu’il aurait été très compliqué pour une comédienne d’avoir une telle maîtrise. Du coup je ne pouvais pas me priver d’elle.

    A noter que le tournage a commencé au lendemain des terribles attentats de novembre dernier à Paris. Marie- Castille Mention-Schaar a beaucoup hésité. "Nous étions tous bouleversés de faire ce film au moment où la France était à nouveau massivement attaquée".

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