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  • Festival de Locarno: des Suisses attendus mais peu enthousiasmants

    ajuif.jpgEn ouverture de cette 69e édition, le Genevois Jacob Berger présentait son film dont on attendait beaucoup, Un Juif pour l’exemple, adapté du roman éponyme de Jacques Chessex.

    C’est l’histoire d’un meurtre immonde qui s’est déroulé à Payerne en 1942. Celui d’Arthur Bloch, un marchand de bétail juif sexagénaire, massacré par une bande de nazillons débiles sous l’influence du pasteur Lugrin et du «gauleiter» local, le minable garagiste Fernand Ischi.

    Avec une vingtaine d’autres Payernois au front bas qui ont fait allégeance au parti nazi, il veut offrir un Juif mort en cadeau à Hitler, son idole dont on va bientôt fêter l’anniversaire.

    Sous prétexte de vendre une vache à Bloch lors de la foire aux bestiaux, cinq d’entre eux l’attirent dans une grange l’assassinent, le dépècent comme un cochon, répartissent les morceaux dans des boilles qu’ils vont jeter au lac.

    Enfant au moment des faits, Jacques Chessex était revenu en 2009 dans un livre sur cet événement tragique qui l’a marqué à jamais. Décrivant l’abomination en stigmatisant la ville de charcutiers «confite dans la vanité et le saindoux». La publication de l’ouvrage a déclenché une impressionnante levée de boucliers. Et une détestation dont l’auteur a beaucoup souffert. Il est pour ainsi dire mort sur scène cette année-là, vivement interpellé par un détracteur alors qu’il défendait Roman Polanski.

    Un Juif pour l’exemple est un thème puissant, qui résonne avec ce qui se passe aujourd’hui, bien que Jacob Berger, dont on salue le travail de mémoire, ne cherche pas la dénonciation. Mais la grandeur du propos ne fait pas automatiquement la force d’un film et son auteur peine un peu à convaincre dans sa façon de réinventer Chessex. Il n’est pas toujours à la hauteur de son sujet dans sa réalisation, en dépit de scènes impressionnantes dans leur brutalité, heureusement contenue à l’image, comme l’effroyable équarrissage d’Arthur Bloch.

    Le télescopage assumé des époques (voitures ou uniformes modernes, Chessex à la fois enfant et vieillard) n’est pas non plus dérangeant. En réalité ce qui cloche surtout, au point qu'on en souffre pour eux, c’est la mauvaise prestation des comédiens. A part peut-être André Wilms dans le rôle de l’écrivain. En tout cas n’est pas Bruno Ganz qui relève le niveau à cet égard.  

    Emmanuelle Devos traque Nathalie Baye dans Moka

    adevos.jpgAlors que Jacob Berger était programmé hors concours, ce qui a froissé certains, un autre Suisse, Frédéric Mermoud, a eu lui les honneurs de la Piazza Grande avec Moka, six ans après avoir été sélectionné en compétition pour Complices.

    Le film qui ne m’a pas davantage emballée, met face à face Emmanuelle Devos et Nathalie Baye, réunies pour la première fois à l'écran. Emmanuelle joue Diane Kramer, une mère qui s’échappe d’une clinique lausannoise pour se rendre à Evian, munie de quelques affaires et d'un pistolet.

    Ivre de vengeance, elle veut absolument retrouver le conducteur d’une Mercédès couleur moka qui a pris la fuite après avoir renversé et tué son fils. Elle va alors rencontrer et finalement traquer Marlène (Nathalie Baye), la soupçonnant d’avoir une responsabilité dans l’accident qui a bousillé sa vie. Mais les choses, on s'en doute, se révèlent plus sinueuses et compliquées qu’il n’y paraît.

    Librement adapté d’un roman de Tatiana de Rosnay, Moka est un drame banalement traité, avec quelques belles images entre lac et montagne. Côté comédiens, en parka verte de chasseur, indépendante, énergique et quelque peu exaltée, Emmanuelle Devos, de tous les plans, fait bien le job.

    Mieux que Nathalie Baye, blondissime et très quelconque patronne d'une parfumerie-salon de beauté. Difficile de voir la femme attachante et mystérieuse imaginée par l'auteur dans la compagne empruntée d'un homme de treize ans son cadet, maman par ailleurs d’une adolescente un rien trouble et rebelle rêvant de monter à Paris. 

    L’attaque des zombies sur la Piazza

    azombie.jpgEt puisqu’on en parle de la prestigieuse place à ciel ouvert, ce sont des zombies qui ont débarqué en premier. The Girl With All The Gifts, signé du Britannique Colm McCarthy met en scène un groupe d’enfants dont la petite Melanie, dotée d’un cerveau au-dessus de la moyenne. Ils sont immunisés contre le virus qui risque de détruire l’humanité.

    Bien que se nourrissant de gens comme vous et moi, ils éprouvent encore quelques sentiments et sont donc essentiels aux recherches du docteur Caldwell pour trouver un vaccin salvateur. Mais hélas le camp est attaqué par les zombies.

    A déconseiller à ceux que de vilaines créatures couvertes de pustules et boulottant sauvagement de l’humain dégoûtent. Les autres apprécieront sans doute. Surtout s’ils sont fans de Gemma Arterton et, pourquoi pas, de Glenn Close, même si elle promène là un look masculin des plus redoutables!

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  • Grand écran: "Sieranevada", un huis-clos roumain racontant la famille et le monde

    apuiu.jpgNous sommes à Bucarest, un samedi, trois jours après l'attentat contre Charlie Hebdo et un an après la mort du père de Lary, issu de la moyenne bourgeoisie. Brillant neurologiste de 40 ans de retour de Paris, il doit se rendre avec sa femme chez sa mère où, selon une vieille tradition, la famille se réunit pour une veillée et un repas en l’honneur du défunt.

    Suite à l’office du prêtre orthodoxe et aux chants religieux, enfants et proches se retrouvent ensemble pour se mettre à table. Au propre et au figuré, car les choses dégénèrent rapidement. Les discussions font place aux disputes, règlements de compte et autres conflits de générations.

    Le tout sur fond de passé communiste qui traverse l’œuvre du réalisateur Cristi Puiu, comme il continue d’alimenter la plupart des films roumains. Mais si certains regrettent le régime de Ceaucescu, d’autres sont obnubilés par les théories du complot et se lancent dans un débat passionné sur les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Tout cela retarde le moment du dîner, allongeant d’autant la durée du film, qui s’étale du coup sur près de trois heures

    Sieranevada est signé Cristi Puiu, à qui l’on doit La mort de Dante Larazarescu et Aurora. Chaque fois sélectionné à Cannes dans Un certain regard, il se retrouvait en mai dernier pour la première fois en compétition, en compagne de son compatriote Christian Mungiu, Palme d’or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, et qui proposait, lui, Baccalauréat. Tous deux forment la nouvelle vague du cinéma de leur pays.

    Inspiré de sa propre expérience

    Pour le réalisateur qui s’inspire de sa propre expérience de deuil, Sieranevada est prétexte à explorer les tensions, les passions, les rancoeurs, les névroses, les non-dits qui existent au sein d’une famille et la place que chacun y occupe, mais sert également à évoquer le monde avec ses enjeux socio-politiques. Et tout cela dans un espace fermé.

    En effet, outre le début où Lary et sa femme s’engueulent dans une voiture pour une banale histoire de courses, ce drame mâtiné de cynisme, surfant parfois sur le burlesque, se déroule exclusivement dans un petit appartement. Cela place Cristi Puiu face à une redoutable gestion de ce huis-clos exigu, des mouvements et des déplacements de ses personnages.

    Ce qu’il exécute de façon magistrale. Toutefois, en dépit de sa mise en scène virtuose, Sieranevada aurait gagné à être plus court. Car les 173 minutes, on les sent quand même bien passer…

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 3 août.

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  • Festival de Locarno: un cru 2016 innovant, avec huit femmes sur les dix-sept prétendants au Léopard d'or

    fifl-4[1].jpgMercredi s’ouvre la 69e édition du Festival de Locarno, dédiée à l’Américain Michael Cimino et à l’Iranien Abbas Kiarostami, deux grands du septième art récemment décédés. Une édition riche que le président Carlo Chatrian, dont le poste a été maintenu jusqu’en 2020, a qualifiée de «la plus variée, la plus libre et la plus surprenante, dans le choix des invités films comme dans celui des films». 
     
    Un credo à vérifier sur pièces, comme ce parti-pris de retour aux sources d’un festival à contre-courant, qui a donné de la place à l’émergence de réalisateurs et de cinématographies. Ce qui n’empêchera pas la présence de nombreuses  stars  devant , derrière la caméra, ou distinguées par un prix.   
     
    Ce cru 2016 met les femmes à l’honneur. Particulièrement au sein de la compétition internationale, section où elles sont généralement sous-représentées. On en découvre  huit, dont la Suissesse Milagros Mummenthaler avec  La idea de un lago, sur  les 17 prétendants au  Léopard d’or. Tous auteurs de premières mondiales, ils ou elles viennent d’Egypte, de Thaïlande, d’Allemagne, des Etats-Unis, du Japon, de  Bulgarie, du Portugal, de France, de Roumanie, d’Autriche, de Pologne, de Bulgarie.
     
    akenloach.jpgCes films racontent le monde et questionnent l’actualité, comme dans la demi-douzaine de volets  du festival. A commencer par la Piazza Grande, proposant 16 longs-métrages entre blockbusters et films auteurs, aux 8000 spectateurs qui envahissent chaque soir la mythique place locarnaise. Avec en ouverture The Girl With All The Gifts du Britannique Colm McCarthy, évoquant, dans le futur, une partie de l’humanité détruite par un virus mortel. Autre représentant de Sa Majesté, Ken Loach, lauréat de la Palme d’or à Cannes en mai dernier, propose  Moi, Daniel Blake, parcours kafkaïen d’un chômeur en recherche d’emploi.
     
    Des femmes encore sous les étoiles. Avec Le ciel attendra, la Française Marie-Castille Mention Schaar se penche sur le sujet ô combien brûlant de la radicalisation islamique, tandis que Maria Schrader retrace, dans Stefan Zweig, adieu l’Europe,  les dernières années de la vie de l’écrivain juif autrichien à New York et en Amérique du Sud.
     
    Belle présence des Suisses
     
    Outre le retour en concours de Milagros Mummenthaler (Léopard d’or en 2011 avec Abrir puertas y ventanas), à signaler celui de Frédéric Mermoud sur la Piazza. Son film Moka, mettant face à face Emmanuelle Devos et Nathalie Baye, montre une mère qui veut absolument retrouver le conducteur d’une voiture qui a renversé son fils et se confronte à une autre femme, très mystérieuse.
     
    Hors concours, Nicolas Wadimoff présente L’optimisme de la volonté, un documentaire sur Jean Ziegler et Jacob Berger une adaptation du roman de Jacques Chessex, Un juif pour l’exemple, avec Bruo Ganz en vedette. On trouve encore La femme et le TGV de Timo Von Gunten, court métrage en compétition dans le concours national des Léopards de demain et Calabria de Pierre-François Sauter dans Panorama suisse.
     
    abirkin.jpgRétrospective,  hommages et récompenses
     
    La volonté de sortir des sentiers battus se manifeste par la grande rétrospective consacrée aux productions de la jeune République fédérale d’Allemagne de 1949 à 1963. Partie peu connue de l’histoire du cinéma et forte de quelque 75 films, elle a été conçue par le tandem Olaf Möller-Roberto Turigliatto, et notamment réalisée en collaboration avec la Cinémathèque suisse.
     
    On reste dans le même état d’esprit avec le Léopard d’honneur attribué à Alejandro Jodorowsky, un artiste qui donne un ton particulier à cette édition. L’excellence Award  récompense de son côté Bill Pullman, un comédien éclectique naviguant entre grosses machines, opus auteuristes, comédies et séries télé.
     
    Harvey Keitel recevra un Léopard d’or pour l’ensemble de sa carrière et l’actrice Stefania Sandrelli le Leopard Club Award. Profitant de sa présence dans La femme et le TGV de Timo Von Gunten, le festival rendra aussi hommage à Jane Birkin. Il sera complété par la projection de son film Boxes (2006) et de La fille prodigue de Jacques Doillon, sorti en 1981.

    Locarno, du 3 au 13 août.

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