Qu’est-ce qui fait beaucoup courir les festivaliers? Les stars, une daube américaine, une romance à sangloter dans les chaumières... et surtout le sexe, avec un sulfureux parfum de scandale à la clé. A Locarno cela fait belle lurette que les directeurs artistiques aiment miser sur la chose pour qu'on en cause. Avec succès, la preuve!
En 2000, Marco Muller avait réussi un bon coup en sélectionnant en compétition Baise-moi de Virginie Despentes. Classé X en France, il avait rameuté la foule au triple galop. Pour sa première année Olivier Père, moins inspiré, avait appâté le client en 2010 avec L. A. Zombie de Bruce LaBruce, lui aussi en lice pour le Léopard d’Or. Sous prétexte d’art, il nous fourguait tout bêtement un porno gore homo, mettant en scène une créature à la libido exacerbé, qui fouillait les blessures des morts de sa grotesque queue fourchue, histoire de les ramener à la vie.
Pour ce cru 2013, le nouveau ponte Carlo Chatrian s’est sans doute dit qu’il se devait lui aussi de programmer du croustillant sous la ceinture. Il a ainsi choisi de mettre en concours Zones humides de l’Allemand David Wnendt, adapté du best seller éponyme de sa compatriote Charlotte Roche et qui avait provoqué des remous dans le pays lors de sa sortie en 2008.
La vertu des odeurs, fluides et sécrétions
Dénonçant l’emprise pudique, hygiéniste et avilissante de la société sur les fondamentaux de l’être humain, la romancière décrit les aventures, qui se passent exclusivement à l’hôpital, d’une jeune fille bisexuelle, adepte de pratiques anales et de plaisirs sales, prônant la vertu des odeurs, laideurs et disgrâces, le tout sur fond de fluides et de sécrétions diverses.
Si ce manifeste féministe se veut notamment un pied de nez à la mode et à notre obsession pour l’esthétique, ce n’est pas le cas du film qui s'est principalement distingué en faisant souffler un vent de cul sur le festival. Il n’en fallait pas davantage pour que l’objet fasse salle comble, tout comme la conférence de presse qui a suivi la projection. Et cela d’autant plus que l’héroïne n’est autre que la Tessinoise Carla Juri (photo), comédienne par ailleurs pleine de charme et de caractère.
Elle enfile le costume d’Helen qui entretient une relation conflictuelle avec ses parents divorcés. Espérant les réconcilier, elle utilise le sexe pour régler son problème existentiel, jouant les anticonformistes en compagnie de son amie Corinna. Evitant de trop se laver, elle écume aussi des toilettes publiques hyper crades. Souffrant d’hémorroïdes, elle ne cesse de se gratter le derrière en faisant du skate. Elle finit par se retrouver à l’hôpital après un malencontreux accident de rasage intime et tombe amoureuse de son infirmier.
Divagation parfois onirique autour des parties du corps qui puent, le film se targue prétentieusement de briser des tabous. Emmené par une rebelle bidon, il se révèle hélas faussement transgressif, faussement provocateur, minablement exhibitionniste et totalement dépourvu d’érotisme. Du pipi caca culminant dans un échange de tampons ensanglantés entre les deux copines ou dans l’histoire d’une commande de pizza copieusement assaisonnée au sperme. En bref, c’est juste dégueu!
Les mesures de sécurité avaient été renforcées sur la Piazza Grande et dans la cabine de projection en raison de rumeurs de menaces visant à empêcher la séance du soir sous les étoiles. L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron continue à provoquer des remous suite aux critiques socialistes autour de la subvention de fédérale allouée à un documentaire sur un politicien de droite.
En passant dix-huit mois au contact de l’un des politiciens les plus haïs et admirés du pays, n’a-t-il pas craint de se laisser manipuler? "Non. je ne lui donne pas la parole. Je rappelle que le film s’intitule L’expérience Blocher, et non Le système Blocher. Je raconte mon expérience avec lui. Notre relation n‘a pas évolué".
La plus belle femme de tous les temps... C’est ainsi que l’avait une fois qualifiée Newsweek. Une simple déclaration et non un fait, remarque modestement Jacqueline Bisset dans le quotidien officiel du festival, ajoutant qu’une telle affirmation était plutôt désobligeante pour toutes ses congénères.
Alors qu’on a pu la voir à Locarno dans Under The Vulcano (1984) de John Huston, elle est aussi la vedette de Rich And Famous (1981), dernier film de George Cukor à qui le festival consacre sa rétrospective 2013. Jacqueline Bisset l'a redécouvert avec un immense plaisir sur l’écran géant de la Piazza grande et se déclare fière d'avoir coproduit cet opus dont elle a adoré le scénario.
L’actrice raconte aussi sa collaboration avec François Truffaut dans La nuit américaine (1973). Elle se demandait en fait pourquoi il l’avait engagée. "J’étais une sorte de hippie qui vivait sur la plage. Mais il avait pris sa décision après m’avoir vue dans The Mephisto Waltz. J’ai ainsi eu l’impression d’être vraiment choisie par lui et non par le directeur du casting. Et c’est un bon sentiment. Toutefois là encore s’est posé un petit souci de bouffe, Truffaut n’étant pas intéressé par la cuisine. En plus il ne buvait pas...