Dans un centre de formation du CHUV à Lausanne de vrais soignants et de faux patients des deux sexes atteints de pathologies graves, simulent des consultations médicales. Le but, apprendre aux premiers l’art de l‘écoute, la bienveillance, l’empathie, la façon de prendre son temps, de se mettre à la place des seconds, de leur annoncer de mauvaises nouvelles. Ces saynètes suivies de debriefings donnent souvent lieu à des scènes passionnantes et d’une rare intensité.
Très intéressée par ces mises en situation, la réalisatrice belge Alexe Poukine a posé, outre au CHUV, sa caméra dans d’autres hôpitaux en Belgique et en France, pour son troisième film Sauve qui peut. Il se déroule en deux parties. L’une consacrée à la simulation et donc aux émotions des patients et l’autre à celles des soignants.
Une autre réalité
Car derrière ces jeux de rôle, on découvre une autre réalité, le malaise et les tensions pesant sur des thérapeutes dans un système de plus en plus sous pression. La capacité d’empathie est mise à rude épreuve dans un univers hospitalier exerçant lui-même de la violence sur son personnel en burn out.
En d’autres termes, comment se montrer bienveillant dans un système malveillant qui vous maltraite? Quand votre bip sonne sans arrêt, quand on a que cinq minutes pour faire la toilette d’un patient, bref quand on ne vous donne tout simplement pas les moyens de manifester une humanité qu’on pourtant envie de développer. Comment par ailleurs, préserver les vocations?
Alexe Poukine a découvert ce monde de simulations grâce à une médecin urgentiste, nous apprend-elle à l’occasion d’une rencontre à Genève. «Cela m’a fascinée de voir la manière dont le faux peut révéler le vrai, transformer la réalité. On se prend incroyablement au jeu. On devrait le faire dans tous les milieux pour que les relations humaines soient plus simples».
"Depuis, je parle autrement à mes enfants"
La réalisatrice n’a pas eu de difficultés à entrer en contact avec les organisateurs de ces ateliers. «Et surtout pas en Suisse, très avancée dans ce domaine. C’était merveilleux de pouvoir tourner au CHUV. Les patients simulés sont très bien formés, les briefings sont excellents. J’ai appris tellement de choses. Depuis, par exemple, je parle autrement à mes enfants»
Vrais soignants et faux patients ont accepté d’être filmés sans problèmes. «On m’a facilement fait confiance. De toute façon, les simulations, les émotions ont tellement fortes qu’on oublie à la fois le jeu et la caméra».
Tout en abordant les tensions, l’épuisement des soignants, Alexe Poukine se défend de critiquer véritablement l’hôpital. «Je me livre avant tout à une auscultation, à une échographie de la situation qui met le personnel en souffrance. Mais je ne prétends pas apporter des solutions».
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 12 février.