Après deux films de monstres, Teddy et L’année du requin, situés dans le Sud-Ouest de la France, les jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma, 32 ans, changent de genre et se tournent vers l’Est avec Leurs enfants après eux, une fresque générationnelle universelle adaptée du roman homonyme de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018.
Le film commence en août 1992, dans une vallée perdue où les hauts fourneaux sont désaffectés et où vit une population appauvrie par la désindustrialisation. Anthony (Paul Kircher), adolescent boutonneux de 14 ans s’ennuie ferme, à l’image de sa mère Hélène (Ludivine Sagnier), qui traîne son alcoolique de mari Patrick (Gilles Lellouche) comme un boulet.
Le coup de foudre
Il fait chaud cet été-là. Avec son cousin, plus extraverti, culotté et dragueur sur les bords, Anthony vole un canoé pour aller voir si c’est plus marrant de l’autre côté du lac, sur la plage des culs-nus. C’est là qu’il rencontre la jolie Stéphanie (Angelina Woreth), coqueluche inaccessible du coin, qui l’invite à une soirée. Coup de foudre.
Mais comment faire pour aller la retrouver? Ce n’est pas la porte à côté. Le gamin commet alors la folie d’emprunter la moto de son père, qui tient à sa bécane plus qu’à la prunelle de ses yeux. Catastrophe, le lendemain l'engin a disparu. Non seulement Anthony terrorisé s'enfuit devant son paternel fou de rage, mais il va devoir affronter Hacine (Sayyyid El Alami), jeune dealer beur du secteur, mauvais comme la gale.
Pendant quatre étés, de 1992 à 1998, l’année de la Coupe du monde de football (gagnée par la France est-il utile de le rappeler…) suit ainsi les destins croisés de ces personnages, dans la reconstitution d’une époque qui se meurt, nous entraînant dans ses bals, ses jeux télévisés, ses fêtes foraines où cartonnent Johnny, Cabrel et Goldman.
Du souffle et de l'intensité
Une partie de la critique estime que le film n’atteint pas l’acuité politique, la rage et la chair du roman. Pour ceux et celles qui l’ont lu, c'est possible.. Mais avec leur mise en scène belle et précise, leur fidélité au livre, les frères Boukherma n’en brossent pas moins un portrait émouvant et plein de justesse de la jeunesse. Il y a du souffle, de l’intensité dans cet opus entre fable sociale et récit d’apprentissage, nourri d’amour fou, de romanesque, de violence, de lyrisme, de nostalgie et de mélancolie teintées d’humour, de grâce.
Leurs enfants après eux est de plus remarquablement interprété. Par Angelina Woreth, Ludivine Sagnier ou encore Sayyid El Alami. Et surtout par sa tête d’affiche, le très talentueux et étoile montante Paul Kircher. Tour à tour maladroit, sauvage mutique, explosif, il est aussi génial et physique que dans Le règne animal de Thomas Cailley. Le plus logiquement du monde, il a remporté le prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir masculin à la dernière Mostra de Venise.
A l‘affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 4 décembre.