Adepte du film d’auteur et de genre ( Sur mes lèvres, Un Prophète, De rouille et d’os, Dheepan, Palme d’or en 2015), Jacques Audiard change de registre. S’éloignant du drame intimiste contemporain, il s’attaque au western, avec une impitoyable chevauchée sanglante dans les grands espaces au temps de la ruée vers l'or.
Pour son huitième long métrage, Les Frères Sisters, adapté du roman éponyme de Patrick DeWitt et tourné en Espagne dans les décors de Sergio Leone, il convoque toute la mythologie de l’Ouest. Respectant les codes du genre, cavalcades, duels, fusillades dans la nuit, il livre un opus crépusculaire en anglais, interprété par une brochette de stars américaines.
Nous sommes dans les années 1850. Charlie et Elie Sisters (Joaquin Phoenix et John C. Reilly) n’ont jamais connu que la brutalité. Tueurs à gage, ils évoluent dans un monde sauvage et hostile, éliminant sans état d’âme criminels ou innocents. C’est leur boulot. Engagés par le Commodore, un sénateur véreux, ils se lancent, entre l’Oregon et la Californie, dans la traque implacable d’un chimiste (Jake Gyllenhaal), détenteur d’une mystérieuse formule pour dénicher de l’or.
Un portrait de l'Amérique
A travers la relation des frères, êtres frustes sur le chemin de la rédemption, leurs discussions, la vision de leur existence, Jacques Audiard brosse un portrait personnel de l’Amérique d'hier et d'aujourd'hui dans ce film à la fois psychologique, philosophique, violent, cruel. Non dénué d’émotion par ailleurs (Elie pleurant la mort de son cheval borgne) ou d’humour à la faveur de certaines scènes, une coupe de cheveux, la découverte de la brosse à dents, de la poudre dentifrice mentholée, des toilettes.
On relèvera une mise en scène soignée qui a valu à son auteur le Lion d’argent à la Mostra de Venise, des comédiens convaincants, une belle photographie et de beaux paysages. La moindre des choses pour un cinéaste dont le talent n’est plus à prouver. Mais d’ci à prétendre qu’il transcende et renouvelle le western il y a un pas. Franchi allègrement et sans surprise par une presse française éperdue d’admiration, évoquant en gros la sublime pépite miraculeuse d’un Audiard en état de grâce, touchant au génie. Un rien excessif…
A l’affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 19 septembre.