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le blog d'Edmée - Page 105

  • Grand écran: "Ghosts", portrait dur et complexe de la Turquie contemporaine

    Octobre 2020. Istanbul est constamment survolée par des hélicoptères, quadrillée par des patrouilles, tandis que les sirènes des ambulances ne cessent de retentir. Dans cette ville en proie à des troubles politiques, quatre personnages et leur destin respectif s'entremêlent, notamment autour d’un  trafic de drogue, dans un quartier populaire en pleine gentrification..

    Une mère dont le fils est incarcéré dans une prison surpeuplée  pour un film qu’il n’aurait pas commis, cherche de lui procurer de l'argent pour lui éviter un grave danger. Une jeune femme, qui veut devenir danseuse, survit au milieu de ses contemporains à l’avant-garde des mouvements de protestation contre le gouvernement. Elle croise une artiste activiste et un garçon qui nettoie les déchets après les affrontements entre la police et les manifestants. .Pendant ce temps, un homme veut  faire fortune en profitant de la réhabilitation des quartiers historiques de la ville, mais également en logeant des réfugiés syriens à des prix exorbitants. 

    Ghosts,, récit allégorique et dystopique, est le premier long métrage d'Azra Deniz Okyay. S'affirmant comme la cheffe de file  des nouveaux cinéastes turcs,  elle propose un portrait à charge, puissant et complexe (il faut 'accrocher...) de la Turquie contemporaine, ainsi qu’une ode à ses fantômes.  Structuré à la manière d’un puzzle dans une atmosphère de révolte, il dépeint un monde souterrain et obscur dans lequel gravitent des individus issus de différentes sous-cultures, entre absence de valeurs et de repères.

    C’est l’histoire d’une génération perdue affrontant les incertitudes religieuses, politiques et économiques, où chacun tente de se réaliser à travers l’art, en créant son propre mécanisme de survie dans une Turquie chaotique  Ils se réunissent de façon inattendue à travers certains événements et diverses actions., 

    En dépit de sa noirceur, l’opus en forme de thriller montre des êtres porteurs de lumière et d’espoir. Comme dit la réalisatrice, "vivre dans ce pays, c’est comme si nous existions et n’existions pas en même temps. Mes personnages font face à des luttes plus grandes qu’eux-mêmes, leurs expériences touchant  à des problèmes plus globaux, la liberté d’expression et le droit des femmes. Parfois ils se sentent invisibles et doivent agir de façon invisible.  Ghosts parle à un public à travers des jeunes qui apportent par exemple à la fin  la lumière dans un concert LGBT.  Les jeunes trouvent toujours un  moyen. ..." 

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande dès mercredi 27 octobre. Séance spéciale ce lundi soir au Cinélux à 20 heures en présence de l'auteur

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  • Grand écran: "Illusions perdues", fresque passionnante, spirituelle et moderne, au casting dix étoiles

    Ce film, Xavier Giannoli le portait en lui depuis ses 20 ans. Il est basé sur les Illusions perdues, le chef d’œuvre d’Honoré de Balzac publié entre 1837 et 1843,  dont il adapte librement la seconde partie, Un grand homme de province à Paris. Celui de la Restauration. Saisissant et redoutable reflet de notre époque, l’oeuvre, avec ses jeux de pouvoirs entre républicains et monarchistes à l’heure du libéralisme économique naissant et du règne du profit montre, s’il en était encore besoin, son intemporalité et son universalité.

    Auteur de Quand J’étais chanteur, A l’origine, Marguerite, Xavier Giannoli relève un immense défi, proposant un passionnant métrage romanesque et critique sur l’ascension et la chute de Lucien Chardon (Benjamin Voisin). Jeune poète inconnu et naïf à l’ambition dévorante, il veut se forger un destin et obtenir le droit de porter le nom à particule de sa mère «de Rubempré», pour faire oublier le sien .

    Tout s’achète et se vend

    Quittant l’imprimerie familiale et Angoulème, sa ville natale, il monte à Paris avec sa protectrice Louise de Bargeton (Cécile de France). Il va alors découvrir un univers vertigineux, trépidant, flamboyant, fourmillant de faux-semblants où l’argent est roi, où tout s’achète et se vend, la littérature la presse, la politique la réputation et l’amour.  

    Paraître est un must pour exister dans ce monde où le journalisme constitue un échelon vers la réussite. Débarqué dans la capitale dans le but de voir publié un recueil de poésie dédié à Louise (qui abandonnera vite le jeune provincial ignorant des codes et conventions de la bonne société), Lucien entre dans le sérail médiatique grâce à Etienne Lousteau (Vincent Lacoste). 

    L’opinion, une marchandise comme une autre

    Rédacteur à la plume féroce, Lousteau lui explique sa conception et sa pratique d’une profession où l’opinion devient une marchandise comme une autre. Créations de polémiques ou d’événements, articles achetés pour encenser ou descendre un livre, favoriser le directeur de théâtre le plus offrant qui paie lui une claque pour applaudir ou huer un spectacle. On retiendra plus particulièrement un irrésistible morceau de bravoure sur le bon exercice d’une critique aux effets salvateurs ou dévastateurs. D’où une peinture à l’acide d’un milieu corrompu et cupide au service de ceux qui le financent. 

    Aux dialogues ciselés, décapants, mordants, s’ajoutent une densité narrative, une mise en scène brillante, fluide et en mouvement, musicalement rythmée par Bach et Rameau, une reconstitution historique minutieuse. L’ensemble  sublime cette fresque foisonnante, spirituelle et moderne, qui brosse un portrait satirique implacable de la vie mondaine, de la presse et des arts en ce début de 19e siècle. Elle se combine avec le triste sort de Lucien que vont perdre sa soif démesurée d’élévation sociale, sa faiblesse coupable à manger à tous les râteliers, son obsession à se faire un nom dans un microcosme qu'il ne peut atteindre. 

    Des comédiens remarquables

    Les comédiens contribuent évidemment énormément à la grande réussite de l’opus. A commencer par Benjamin Voisin, omniprésent, qui avait déjà beaucoup séduit dans Été 85 de François Ozon. Il n’incarne pas, il est Lucien, ingénu arriviste dont la naïveté, le romantisme et l’humanité cèdent devant le cynisme et l’arrogance et la lâcheté. On craque également pour Vincent Lacoste, esprit vif, mentor un rien diabolique, exaspérant et drôle. Fragile et influençable, Cécile de France s’oppose à Jeanne Balibar, marquise machiavélique, perfide et manipulatrice.

    Et on n’oubliera  pas Xavier Dolan sobre et élégant dans un personnage fictif, l’écrivain Nathan, narrateur et conscience de Lucien, Gérard Depardieu, truculent et très inspiré éditeur illettré près de ses sous, Jean-François Stévenin, en chef de claques sans foi ni loi, l’un de ses derniers rôles. Ou enfin Salomé Dewaels, courtisane  et comédienne, le vrai amour de Lucien, mais dont le pari risqué du théâtre classique précipitera la mort. A voir absolument.  

    A l’affiche dans les salles de Suisse romande depuis  mercredi 20 octobre.

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  • Grand écran: "L'homme de la cave", le portrait d'un salaud

    Réalisateur éclectique mais plus particulièrement porté sur la comédie (Le coût de la vie, Les femmes du 6e étage, Alceste à bicyclette), Philippe Le Guay revient avec L’homme de la cave, un thriller tiré d’une histoire vraie, qui est arrivée à un couple ami. 

    Simon (Jérémie Renier) et Hélène (Bérénice Bejo) veulent vendre leur cave pour financer des travaux dans leu appartement et trouvent un acheteur Jacques Fonzic (François Cluzet), un mystérieux retraité qui la paie comptant et décide de s’y installer physiquement, à la grande surprise des propriétaires. .

    Ces derniers n'ont pourtant encore rien vu et l’opération banale se transforme en cauchemar pour Simon, d’origine juive, qui tente en vain  d’annuler la vente. Car Fonzic, ancien professeur d’histoire, a été viré pour négationnisme et, ne tardant pas à montrer son vrai visage de raciste et d'antisémite, va continuer de distiller son poison sur Internet, et surtout auprès de jeunes influençables, à l’image de Justine, la fille adolescente du couple. 

    Rattrapé par une actualité où fleurissent fake news et complotisme, Philippe Le Guay signe un film utile, proposant une réflexion sur le négationnisme et ses manœuvres abjectes dont se sert Fonzic. Personnage dangereux, pervers, insidieux et lâche, il sème le trouble et la zizanie dans l’immeuble, se posant en victime parce qu’il se permet juste, dit-il de son détestable ton geignard et mielleux, de s’interroger sur l’Histoire. 

    Tout en louant sa démarche certes d’intérêt public  mais un peu scolaire, on reprochera à l'auteur d’en rajouter parfois inutilement dans le propos et les effets. Par ailleurs, si François Cluzet se révèle crédible, il a aussi tendace à forcer la dose dans l’abomination onctueuse.

    A l'affiche dans les salles de Suisse romande depuis mercredi 13 novembre.

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